Jann-Marc Rouillan, De mémoire (3). La courte saison des Gari : Toulouse 1974, Marseille, Agone, 2011, 352 p. (Mémoires sociales).

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Anarchisme, Lutte armée

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Ce troisième tome des mémoires de Jann-Marc Rouillan complète son retour sur ses années 1970, après Un automne 1970 à Toulouse et Le deuil de l’innocence : un jour de septembre 1973 à Barcelone (chroniqués sur notre site). Ce voyage dans les souvenirs, plus encore que pour les précédents volumes, est fait d’allers et retours dans le temps, mêlant considérations actuelles (l’adhésion au NPA faute de mieux) et mises en abyme, à la manière d’un autre de ses livres récents, Infinitif présent.

Un des seuls points fixes n’est autre que la ville de Toulouse, le récit y prenant place aux lendemains de la décapitation du MIL. Outre la confirmation de l’importance des relations entre les jeunes clandestins et les anciens combattants de la guerre civile espagnole, on est immergé dans la poursuite de la lutte armée antifranquiste : formation des jeunes, braquages, projets qui échouent (l’enlèvement visant à faire libérer Salvador Puig Antich) ou réussissent. Les actions des GARI visent d’abord les entreprises espagnoles installées à Bruxelles, les lieux du pouvoir (le consulat espagnol de Toulouse) et même des cibles plus médiatiques, comme une étape pyrénéenne du tour de France 74. A travers ces pérégrinations dans la mémoire de Jann-Marc Rouillan, on découvre que les GARI possédaient une structure totalement décentralisée, éclatée, les divers groupes s’en réclamant n’ayant finalement que des objectifs communs minimes (ceux dont Jann-Marc Rouillan faisait partie n’écrivirent ainsi jamais de textes signés des GARI). L’ouvrage se termine avec l’arrestation de son auteur en décembre 1974, son séjour en prison et l’investissement, après sa libération, dans les rangs de l’autonomie offensive, à la veille de la création d’Action directe, avec le projet avorté d’assassinat du dernier premier ministre de Franco.

Tout au long des chapitres, on retrouve la verve de Jann-Marc Rouillan, critiquant les « théoriciens » de la révolution (les situationnistes toulousains), la religion de la légalité, et surtout la transition en douceur entre le fascisme et la démocratie en Espagne, fruit de la trahison des directions politiques du mouvement ouvrier et de la complicité de la CEE, assurant la continuité du personnel dirigeant et l’amnistie des soutiens du régime franquiste, avec quelques exemples frappants (voir en particulier la note du bas de la page 102). Son éloge de la lutte armée, vue à la fois comme accélération de la maturité et préservation de la jeunesse, insiste sur l’enthousiasme, la joie de vivre et la soif de liberté qu’elle incarnerait. On ne peut toutefois s’empêcher de trouver son exigence trop forte, au point de le voir s’isoler derrière de belles formules (« Le pouvoir et les lois sont les meilleurs refuges des peureux. Décidément, vous n’étiez pas de ceux qui désirent aller explorer derrière l’horizon », p.46). Quelques documents d’époque -BD réalisée en prison au milieu des années 70, affiches et tracts d’époque, cahier de photographies en noir et blanc- complètent ce témoignage dont on aimerait voir la poursuite au cœur des années Action directe.

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Jean-Guillaume Lanuque, « Jann-Marc Rouillan, De mémoire (3). La courte saison des Gari : Toulouse 1974, Marseille, Agone, 2011, 352 p. (Mémoires sociales). », Dissidences [En ligne], Mars 2012, Littérature scientifique, publié le 05 mars 2012 et consulté le 21 novembre 2024. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/dissidences/index.php?id=707

Auteur

Jean-Guillaume Lanuque

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