Jean-Marie Goulemot et Paul Lidsky, Heil de Gaulle ! Histoire brève et oubliée du stalinisme en France, La Libraire Vuibert, 2011, 175 p.

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Communisme, Histoire

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Ce petit livre devrait permettre de rafraîchir la mémoire à celles et ceux qui oublient trop rapidement ce que fût la culture communiste dominante, sous sa forme stalinienne, en France, de la fin des années 30 au milieu des années 50 (1956). Bernard Legendre s’était déjà essayé à cet exercice, mais par le biais d’une anthologie de textes choisis (Le stalinisme. Qui a dit quoi ? 1944-1956, Seuil, 1980). Les deux auteurs proposent pour leur part un rappel des principaux moments historiques de déploiement du stalinisme, articulés autour de trois grandes parties : le rapport au modèle soviétique, la culture stalinienne et la politique au quotidien . Plusieurs épisodes sont présentés comme autant de vignettes de la soumission au modèle russe dans la première partie. L’attitude du PCF à l’égard de l’occupant nazi est ainsi rappelé, à travers plusieurs faits historiques : les négociations avec les autorités allemandes en juin-août 1940, les lettres des députés communistes aux autorités de Vichy, le mythe d’un Thorez dirigeant la résistance (il était réfugié à Moscou), l’ampleur de la répression (le mythe du parti des 75 000 fusillés) sont ainsi évoqués. A chaque fois, une abondante documentation est rapportée, résumée en fin de volume dans une volumineuse bibliographie, ainsi que quelques films et même une discographie. Les voyages en URSS et l’absence de vision critique représentent un autre cas d’aveuglement sur la réalité de ce pays La lutte contre le titisme et l’approbation des procès dans les démocraties populaires, le soutien à la répression contre les insurgés hongrois de 1956 ou la dénonciation de Kravchenko sont autant de moments de soutien à la ligne soviétique. Certains épisodes, comme l’affaire Boudarel, ce soldat français ayant déserté pour rejoindre les rangs du Vietminh aurait d’ailleurs mérité un traitement un peu plus circonstancié.

La seconde partie, De la culture stalinienne, permet de revenir en détail sur de nombreux aspects de la diffusion d’une vision culturelle spécifique : des batailles du livre au réalisme socialiste, du rapport du PCF aux intellectuels, du culte de Staline et de son dédoublement en faveur de Maurice Thorez, « meilleur stalinien de France », ou encore du rapport à la morale et la réprobation de la lutte anticonceptionnelle comme autant d’étapes et d’illustrations de cette culture stalinienne. Si l’on rit parfois, c’est jaune, tant cette adulation de certaines formes apparaissent aujourd’hui obsolètes (ainsi les odes à Staline commis par certains poètes officiels du PCF ou Guillevic proclamant son amour pour Thorez : « Et je voulais simplement dire, que c’est cela, tout ce bonheur, que nous savons, que nous nommons, Notre guide, Maurice Thorez », cité p. 98. La dernière partie, la famille communiste permet de dresser un portrait des militants en campagne (l’affaire Henri Martin, puis celle de Rosenberg, le complot des blouses blanches ou encore la grande campagne idéologique sur la paupérisation absolue). Des portraits de militants célèbres sont dessinés, le cas des exclus est évoqué (Guingouin, Marty-Tillon ou la cellule de Marguerite Duras). L’analyse se conclut sur le portrait des socialistes, sociaux-traîtres, assez éloignés de la forme qu’ils prendront par la suite.

Si la dénonciation de ce que fut le stalinisme et des formes qu’il a revêtu en France durant cette période ne peut que susciter l’intérêt, voire l’approbation du lecteur, en revanche, certaines conclusions sont pour le moins discutables. Que le stalinisme ait pu représenter le cancer du socialisme, nul n’en disconvient. Que le stalinisme fut une forme parallèle du totalitarisme nazi constitue un constat que l’on peut partager. Affirmer que « Le stalinisme ne s’est pas dissous. Il n’est plus enkysté dans un PCF réduit à son ombre. Il s’est disséminé et a profondément imprégné l’extrême gauche qui s’en défend » (p. 160) relève du procès d’intention et non de l’analyse. D’autant plus quand les auteurs ajoutent, quelques lignes plus loin : « On en viendrait à croire que l’humanité se révèle incapable de tirer les leçons de ses errances passées. Son désir, toujours vivace, de rêver à un monde meilleur, lui rend impossible tout effort de lucidité ». N’est ce pas participer à la grande opération TINA, There is no Alternative, et gardons nous d’envisager un monde débarrassé de l’exploitation, car la pente fatale du stalinisme nous guette ? On comprend mieux alors la volonté affirmée des deux auteurs, derrière la critique du stalinisme, de se débarrasser du marxisme : « Le marxisme prétend fournir aux rêves d’un monde meilleur des armes scientifiques pour conduire son avènement. Aux intellectuels, il a donné l’illusion qu’ils étaient l’avant-garde d’une histoire inéluctable. Etre dans le sens de l’Histoire, marcher vers la perfection communiste, libérer l’homme, quelle belle illusion », p. 3-4. Mais le lecteur n’est pas obligé de suivre les auteurs dans cette option du renoncement.

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Georges Ubbiali, « Jean-Marie Goulemot et Paul Lidsky, Heil de Gaulle ! Histoire brève et oubliée du stalinisme en France, La Libraire Vuibert, 2011, 175 p. », Dissidences [Online], Juillet 2012, Varia, 01 June 2012 and connection on 14 November 2024. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/dissidences/index.php?id=603

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Georges Ubbiali

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