L’économie apparaît très rapidement comme un discours d’autorité, de nature scientifique, pour celles et ceux qui sont dépourvus de culture dans cette discipline. Or, loin d’être une science, celle-ci peut se présenter aussi comme une idéologie, au sens d’une fausse conscience de la réalité qu’elle est supposée présenter. C’est tout l’objectif de ce petit, mais dense, ouvrage de proposer une approche didactique des principales théories économiques. L’économiste Liêm Hoang-Ngoc, désormais député européen et secrétaire national adjoint du PS en charge de l’économie, n’hésitant pas à affirmer que « La dispute économique est la poursuite du débat politique sous un autre jargon », p. 17. Il déploie son analyse au fil de sept chapitres. Dans le premier, il montre la centralité structurante pour le champ de l’opposition entre l’économie hétérodoxe (keynésienne et marxiste) et l’économie orthodoxe (libérale). C’est d’ailleurs aux deux figures décisives de cette dernière, Adam Smith et David Ricardo, qu’est consacré le second chapitre. Ecrit comme un cours d’introduction à la pensée économique, il ravira les non-spécialistes disciplinaires. Le troisième chapitre porte sur Marx et l’anatomie du capitalisme, très bien résumé. On regrettera néanmoins que l’auteur recommande une biographie de Marx (celle de F. Wheen) qui est loin d’être la meilleure dans le genre. Avant d’aborder la présentation de Keynes, un chapitre interroge le modèle néoclassique de concurrence parfaite, pour en démontrer les limites. L’espace limité par la nature de l’ouvrage ne permet cependant pas de développer plus avant le propos, tant l’approche néo-classique domine non seulement le discours économique mais la doxa tout simplement. La théorie générale de Keynes sert de fil conducteur à l’exposé du chapitre 5 qui lui est consacré, avec l’introduction de quelques équations de base, qui avaient déjà pointé timidement leur nez au chapitre précédent. Le chapitre suivant, le plus développé, est tout entier centré sur les outils principaux du « mainstream », c'est-à-dire, de l’économie dominante. Plusieurs approches, en termes d’intervention de l’Etat, de néo-institutionnalisme ou encore de macro-économie sont présentés, avec plus ou moins de didactisme. Ces formes de l’économie dominante apparaissent comme celles qu’il s’agit de déconstruire intellectuellement afin d’aller vers une « reconquête culturelle d’un paysage intellectuel qui reste plus que jamais peuplé par les idées libérales et conservatrices », p. 140. Le dernier chapitre porte enfin sur les héritiers de Marx et Keynes, sous la forme d’une présentation de l’école de la régulation dans un premier temps et des travaux de la tradition kaleckienne (du nom de l’économiste polonais Michal Kalecki, de formation keynésienne) sur la répartition des revenus. Avouons-le, cette ultime partie, la plus mathématisée, nous est demeurée, assez difficile d’accès, même si les enjeux en termes politiques se manifestent clairement. Il ne reste plus qu’à Hoang-Ngoc à conclure en réfléchissant aux enjeux de l’économie hétérodoxe, n’hésitant pas au passage à « tacler » les courants s’inspirant de la décroissance, pour prôner tout au contraire une croissance raisonnée, dont les termes ressemblent furieusement aux propositions actuelles du Parti de Gauche de Mélenchon : « L’ardente obligation d’une planification écologique invite les politiques publiques à définir le contenu de la croissance, c’est-à-dire à circonscrire les activités qui devront être financées en priorité », p. 186. Un livre sérieux et un outil pour ne pas se laisser bercer par l’illusion d’une économie qui dirait la vérité par la grâce de sa scientificité et de sa mathématisation.
Liêm Hoang-Ngoc, Les théories économiques. Petit manuel hétérodoxe, Paris, La Dispute, 2011, 190 p.
30 June 2012.
Index
Text
Illustrations
References
Electronic reference
Georges Ubbiali, « Liêm Hoang-Ngoc, Les théories économiques. Petit manuel hétérodoxe, Paris, La Dispute, 2011, 190 p. », Dissidences [Online], Juillet 2012, Varia, 30 June 2012 and connection on 02 November 2024. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/dissidences/index.php?id=602