Lorraine Data est le pseudonyme derrière lequel ont choisi de se dissimuler plusieurs fonctionnaires intégrés dans les arcanes de l'action gouvernementale. Les réflexions qu'ils proposent sur l'utilisation intéressée des statistiques s'inscrivent dans une tendance d'accroissement de l'invocation chiffrée, en particulier depuis 2002 et l'entrée en vigueur de la LOLF (Loi organique sur les lois de finances publiques). On peut ainsi rapprocher cet opuscule du petit manuel de Nico Hirtt, Déchiffrer le monde (chroniqué sur ce site).
Leur souci premier est de conserver l'indépendance d'un véritable service public de la statistique, gage d'un fonctionnement plus démocratique. Les diverses contributions se penchent donc sur les grandes thématiques des politiques suivies par la droite cette dernière décennie. Sur le pouvoir d'achat, ils démontrent bien que celui-ci a surtout progressé pour les hauts revenus, rappelant ainsi la problématique centrale des inégalités croissantes de revenus. De même, pour le chômage, le changement récent de mode de comptabilité a permis de baisser artificiellement le taux de chômage déclaré, parallèlement à l'augmentation des radiations. En ce qui concerne les fameuses heures supplémentaires, leur nombre, loin de connaître une véritable explosion sous la présidence de Sarkozy, a simplement vu une résorption de leur sous déclaration par les entreprises du fait des avantages nouvellement induits. Il en est de même pour les chiffres de la délinquance, dont la baisse est très loin d'être corrélée à la seule action policière, intégrant une multiplicité de facteurs.
Enfin, dernier exemple, la mesure de la pauvreté a également connu un changement d'indicateur visant à présenter pour 2012 un bilan positif de la politique gouvernementale et de celle de Martin Hirsch en particulier. Le taux de pauvreté relative, globalement stable au fil des années, a donc laissé place à un taux de pauvreté ancré dans le temps qui privilégie un blocage du seuil de pauvreté plusieurs années durant, appelant une baisse mathématique. Les auteurs en profitent justement pour souligner que le RSA concerne les moins pauvres afin de les faire basculer de l'autre côté de ce seuil. Néanmoins, si cette dernière contribution en particulier est très intéressante, il n'en est pas de même de toutes, d'où un caractère quelque peu inégal, et surtout un angle d'études qui mériterait incontestablement d'être approfondi. En l'état, voilà toutefois de quoi stimuler la réflexion.