Alain Accardo, Le petit-bourgeois gentilhomme. Sur les prétentions hégémoniques des classes moyennes , Marseille, Agone, 2009, 160 p. (Contre-feux).

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Classes moyennes

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Ce petit opuscule d'Alain Accardo s'inscrit dans la continuité de ses réflexions, celles contenues dans De notre servitude volontaire , que nous avions chroniqué en son temps (voir le n°10 de Dissidences-BLEMR , février 2002, p.45), celles aussi d'un Jean-Luc Debry ( Tous propriétaires ! Du triomphe des classes moyennes , également critiqué sur ce site). Sous un titre qui témoigne à nouveau de l'amour de son auteur pour les classiques, cet essai, initialement publié en 2003, est réédité augmenté d'une nouvelle préface : l'occasion pour Accardo de rappeler la vulgate marxiste du PCF dont il était membre (valable aussi pour une partie de l'extrême gauche révolutionnaire, lui-même manifestant une certaine sympathie critique pour le NPA), et sa conviction maintenue du nécessaire combat contre l'inégalité sociale, éclairées par la vision bourdieusienne de la subjectivité. A partir de la figure emblématique du petit-bourgeois, modèle de « l'intégration psychologique des travailleurs au système «  (p.19), l'objectif d'Accardo est en effet de dévoiler « l'inconscient social » qui explique pour une grande part la pérennité du capitalisme ; dit autrement, il nous invite à tuer le petit-bourgeois qui est en chacun de nous !

Les différentes réflexions et analyses qui suivent sont donc articulées autour de cette problématique, au risque d'ailleurs d'une tendance à la redite et d'un manque ponctuel d'exemples précis. Sur le plan proprement politique, la mention d'un système politique, bi-partidaire, ayant désormais évacué à ses marges toute idée d'une rupture révolutionnaire, s'accompagne d'un rappel de fondamentaux (pas de lien automatique entre capitalisme et démocratie, l'élargissement des droits conquis par les luttes), mais aussi de sa conviction selon laquelle la majorité du personnel politique est sincère dans sa croyance en une économie de marché, source de « bien être ». Plus dérangeant, Accardo suggère que les manifestations de contestation participent d'un « désordre réglé », digéré par le système, expliquant le manque de radicalisme de la majorité de la population ; une dimension sans aucun doute bien réelle, mais qui se révèle limitative dans son ensemble, ces luttes ponctuelles pouvant faire progresser la prise de conscience des dominés. Ses considérations sur le conditionnement social nous semblent plus pertinentes, ainsi l'école qui ne parvient pas à s'abstraire du capital culturel déjà acquis par ses élèves, ou l'enrichissement et la réussite individuelle, valeurs désormais cardinales. Possédant deux visages, celui de « substituts des maîtres » (p.93) et de « vecteurs du changement social » (p.91), les Janus petits-bourgeois sont un rouage essentiel du système (particulièrement dans le système médiatique, parangon de médiocrité intellectuelle), leur mode de vie un modèle à atteindre et leur prise de conscience une nécessité, donc.

A cet égard, Accardo semble mettre davantage ses espoirs de changement dans ces classes moyennes plutôt que dans un prolétariat qui en engloberait une bonne partie (avec les classes dites populaires), un jugement discutable d'ailleurs. A défaut de se satisfaire de la mauvaise conscience engendrée par cette situation de pivot dans la reproduction des inégalités et des injustices, qui se traduit souvent par un « humanitarisme moral » (p.119), Accardo appelle à conjuguer changement systémique et prise de conscience individuelle de la nécessité d'une remise en cause de son propre comportement. Néanmoins, il y a là comme une source de contradictions, dans la mesure où de telles mutations ne suffiront de toute façon aucunement sans rupture révolutionnaire d'ensemble, et où les pistes proposées laissent tout de même en grande partie sur sa faim (tout au plus peut-on citer un éloge de la tempérance assez marqué par l'épicurisme devant conduire à modifier ses habitudes de consommation).

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Jean-Guillaume Lanuque, « Alain Accardo, Le petit-bourgeois gentilhomme. Sur les prétentions hégémoniques des classes moyennes , Marseille, Agone, 2009, 160 p. (Contre-feux). », Dissidences [En ligne], Politique et société en France, publié le 06 décembre 2012 et consulté le 08 décembre 2024. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/dissidences/index.php?id=556

Auteur

Jean-Guillaume Lanuque

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