Frédérique Matonti, Intellectuels communistes. Essai sur l'obéissance politique. La Nouvelle critique (1967-1980), Paris, La Découverte, 2005, 413 p.

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Communisme, Intellectuels, Idéologie

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A ce jour les études sur le rapport entre ce qui fut le principal parti de la gauche en France, le PCF, et les intellectuels étaient dominés (sans grande contestation d'ailleurs) par l'ouvrage en deux volumes de Jeannine Verdès-Leroux. Désormais, il faudra compter avec l'ouvrage de Frédérique Matonti. Pour cela, le lecteur aura dû patienter presque 10 ans pour que cette thèse, soutenue en 1996, fasse l'objet de cette publication. Autour d'une période plus réduite (67-80) et d'un objet plus circonscrit, la revue destinée aux intellectuels, la Nouvelle Critique, le livre de la désormais professeure de science politique à l'Université de Paris-I entend néanmoins substituer à la thèse de la soumission des intellectuels communistes à l'autorité partisane en échange d'une carrière au sein du Parti ou dans sa dépendance, la conception, plus fine, d'une obéissance d'un certain nombre de ces intellectuels militants. En effet, un des grands changements que repère Matonti est la relative désouvriérisation du PCF dans la période étudiée et corrélativement la place plus substantielle offerte à des intellectuels. Ces derniers ne s'incarnent plus dans la figure de l'intellectuel de Parti, mais dans celui du conseiller du Prince. Autour du projet d'une revue, s'agrège un ensemble d'intellectuels de haut vol, les représentants de l'élite de l'ENS et du monde philosophique y jouent un rôle décisif. C'est la période où un début d'aggiornamento du monde communiste se fait jour, après l'effet de la disparition du petit père des peuples et des tâtonnements autour d'une remise en cause du stalinisme. Bon nombre de ces intellectuels ne dépendant plus strictement du Parti pour vivre, c'est dans d'autres principes que réside leur adhésion aux croyances de la matrice stalinienne en cours de toilettage. A partir d'une lecture extensive de la revue, d'un nombre important d'entretiens, Matonti aborde en détail les soubresauts de l'implication des intellectuels de différentes catégories dans cette tentative de rénovation intellectuelle. Simplement, cette illusion de l'autonomie des intellectuels dans cet univers partisan s'effondrera lorsque les impératifs de la survie politique imposeront la rupture de l'Union de gauche, illustration politique de cette transformation avortée du communisme. Si Matonti ne parvient finalement pas à invalider la thèse de sa consoeur, sa dense recherche, dans une perspective de socio-histoire marquée par les références à Pierre Bourdieu, permet néanmoins une excursion au sein d'un monde et de références intellectuelles (Althusser ou Garaudy) qui semblent bien désuètes en des temps où le PCF joue sa survie en tant qu'appareil politique.

Verdès-Leroux Jeannine, Au service du Parti. Les parti communiste, les intellectuels et la culture (1944-1956), Fayard-Minuit, 1983

- Le réveil des somnambules. Le Parti communiste, les intellectuels et la culture (1956-1985), Fayard-Minuit, 1987

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Georges Ubbiali, « Frédérique Matonti, Intellectuels communistes. Essai sur l'obéissance politique. La Nouvelle critique (1967-1980), Paris, La Découverte, 2005, 413 p. », Dissidences [En ligne], Communisme français, publié le 20 septembre 2012 et consulté le 29 mars 2024. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/dissidences/index.php?id=472

Auteur

Georges Ubbiali

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