« Camarade Voisin », c'est le pseudonyme qu'adopte durant la période de clandestinité de la seconde guerre mondiale l'auteur et qu'il conservera ensuite pendant quelques années, avant de rompre avec l'engagement militant partidaire. Dans ce livre de souvenirs, auxquels les membres de sa famille directe semblent avoir participé au vu des remerciements imprimés, R. Konopnicki raconte sa vie d'engagement, à la SFIO, à la CGT, au PCF ensuite. Fils d'immigrés polonais, il naît en France en Alsace-Lorraine. Très rapidement il s'engage dans le mouvement ouvrier, d'abord chez les jeunes socialistes, en particulier dans le courant de la Bataille socialiste, animé par Jean Zyromski. Il ne cache d'ailleurs pas sa détestation du courant Pivert, qu'il considère comme gauchiste et irréaliste. Les quelques passages qu'il consacre aux trotskystes sont d'ailleurs de la même veine. En ce sens, Konopnicki peut être présenté comme un militant ouvrier modal, socialiste avant de devenir au moment du Front Populaire permanent de la CGT en pleine expansion, avant de rejoindre le PCF lors de l'occupation, du fait de son rôle dans l'organisation des forces résistantes, malgré son peu d'appétence pour le côté sectaire et peu démocratique de ce parti. Cela ne l'empêchera pas de devenir un des principaux responsables politiques et militaires dans le Sud de la France. Ses préventions à l'égard du PCF passent à la trappe. Il adopte sans aucune distanciation le point de vue nationaliste que développe le PCF dans cette période (Ainsi, il soutient que le PCF, « Parti de la renaissance », réclame le rattachement de localités italiennes à la France car « L'Italie également doit payer, Tende et La Brigue doivent être rattachées à la France », p. 335). A la Libération, il se retrouve parmi les dirigeants régionaux du Parti, stalinien zélé, cadre thorézien idéal. Jusqu'à ce que pour des raisons pas très claires, il soit écarté de ses responsabilités. Il fait vraisemblablement partie de cette génération de cadres communistes issus de la Résistance, et développant une certaine autonomie, que les dirigeants communistes réfugiés à Moscou, écartent des responsabilités. Son récit durant les années de sortie de la guerre constitue d'ailleurs un des passages les plus originaux du livre. Il raconte ainsi l'épisode assez méconnu de la tentative d'unification du PS et du PC dans un grand parti organique de la classe ouvrière, détaillant par le menu les multiples rencontres, tractations et activités développées déployées, se manifestant notamment par la création d'un comité d'Entente et d'une éphémère association des Amis du POF. Après son élimination des responsabilités au PCF (le motif officiel étant son attitude complaisante à l'égard de Jean Médecin, député-maire de droite courtisé par le PCF dans le cadre de la politique d'union nationale), il gardera sa carte au Parti jusque dans les années 70, s'engageant dans une difficile reconversion professionnelle. La dernière partie de sa vie est consacrée à la mémoire de la déportation et de l'extermination des Juifs, dont il devient un ardent militant, créant et animant de nombreuses structures. C'est ce rôle actif qui explique d'ailleurs pourquoi le livre reçoit le soutien de la Fondation pour la mémoire de la Shoah, R. Konopnicki n'hésitant d'ailleurs pas, sur le tard, à adopter de manière assez a-critique le point de vue de l'Etat d'Israël, avançant que si les Arabes ont quitté massivement la Palestine lors de la guerre de 1948 c'était en réponse à l'appel du Mufti de Jérusalem (l'ami de Hitler). Si ce dernier point est incontestable, les travaux des historiens israéliens « révisionnistes » (à l'instar de Benny Morris, Tom Segev ou Ilan Pappés) ont largement démontré que cet exil massif était le produit des massacres des populations civiles palestiniennes, sciemment planifiés par les forces armées et milices terroristes juives. Si l'on ne peut que remarquer la constance de l'engagement de Konopnicki, il faut également souligner qu'elle est demeurée précisément dans la partie réformiste du mouvement ouvrier français.
Raphaël Konopnicki, Camarade Voisin , Paris, JC. Gawsewitch éd., 2007, 397 p.
Article publié le 04 septembre 2012.
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Georges Ubbiali, « Raphaël Konopnicki, Camarade Voisin , Paris, JC. Gawsewitch éd., 2007, 397 p. », Dissidences [En ligne], Communisme français, publié le 04 septembre 2012 et consulté le 21 novembre 2024. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/dissidences/index.php?id=461