L’introduction, dans les limites du genre et de l’écriture d’un mémoire de maîtrise, précise le choix du sujet et ses bornes chronologiques. Saisir le Comité pour la IIIème Internationale, dans sa brièveté chronologique (1919-1921) comme un objet d’histoire à part entière implique pour l’auteur de questionner d’emblée les récits, puis l’historiographie, relatifs à la question. La borne chronologique de 1936 s’éclaire ainsi quand le PCF fixe une histoire canonique du comité, bien que discutée par les mémoires singulières des acteurs. Ce choix en engage d’autres : la lecture de la structuration du Comité débouche ensuite sur l’étude d’une génération militante, pour ensuite se resserrer dans l’analyse prosopographique de parcours militants. In fine, l’auteur interroge alors la manière dont une part de ces militants put s’affranchir du grand récit militant de la IIème Internationale décrit par Marc Angenot1.
Comment se saisir des récits courant jusqu’en 1980 sur le Comité pour la IIIeme Internationale ? Prenant le curseur commémoratif, la démonstration s’épuise parfois en confondant les registres. D’une part, la date retenue -celle du Congrès de Strasbourg (février 1920)- impose à l’auteur de fréquentes références à Tours qui ne serait pas l’événement fondateur. Si l’analyse se fixe la mémoire comme objet, il ne s’agit pas de discuter ces représentations mais d’en éclairer les structures ; la défense de Strasbourg contre Tours assimile toute référence à ce dernier congrès comme participant d’une vulgate communiste –dont l’édition critique du Congrès en 1980 porterait encore la marque. En outre, tout à son travail mémoriel, François Ferrette juge sur le même plan des registres d’écriture discordants. Les récits de 1930, le récit unifié par Fréville de l’histoire du Comité en 1936, se mêlent à d’autres lectures commémoratives à tel point qu’on ne sait, dans l’examen des productions de l’Institut Maurice Thorez après 1964, ce qui relève du témoignage publié repris comme tel et des catégories d’analyse forgées par l’IMT. A ce jeu, la téléologie guette (p 56). L’examen de l’historiographie connaît les mêmes travers. Certes créditée de la première thèse scientifique sur les origines du communisme français, Annie Kriegel est comparée aux ouvrages de Gérard Walter et Jacques Fauvet, sans même la distinction des registres d’analyse, le poids des sources ; Boris Souvarine, dans son ouvrage de 1981 (Autour du Congrès de Tours) intéresse davantage l’auteur –il est à la fois acteur et historien. L’appel –rapide- aux travaux de Marie Claire Lavabre souligne que pour François Ferrette historiographie et récits sont finalement autant de productions mémorielles (pourquoi pas ? mais à quelle(s) fin(s) cette indistinction ?) qu’une conclusion à propos de la semaine commémorative organisée par le PCF en 2000 permet d’approcher : « l’équation Comité de la 3eme Internationale = révolution d’octobre = défense de l’URSS pourrait se transformer en une équation différente, adaptée à notre temps : Comité de la 3eme Internationale = révolution = changement de société ». Certes, mais alors quel est l’objet du mémoire : l’usage d’une référence (le Comité) ou l’histoire d’une structure déterminante dans la fondation du PCF ?
La seconde partie consacrée à l’implantation et à la visibilité du Comité est plus convaincante.
Elle s’ouvre sur la genèse des comités et les moyens propagandistes mis en œuvre. L’étude plus fine du Nord Pas de Calais et de la région parisienne précise la quotidienneté de ce travail. Elle débouche sur une relecture du Congrès de Strasbourg et des manipulations –imputables aux « centristes »- entourant le décompte de la motion pour une adhésion immédiate à la IIIeme Internationale. Cet épisode accentue la pression sur la SFIO, Tours survient. Une décision de l’IC met fin (1921) au Comité. En conclusion, François Ferrette discute les chiffres donnés par Annie Kriegel sur le Comité, estimant que celui-ci dispose d’une base plus large (10 000 personnes environ), ramifiée, irriguant le premier communisme français ; cartes et tableaux en annexes supportent la démonstration. Elle ouvre sur une étude générationnelle fondée sur la reconnaissance d’un groupe de militants (100) issus du Comité formant un réseau dans le PC, soit la « gauche du PC ». L’exercice de fonctions d’encadrement dans le Comité ou dans le PCF précise les contours de l’échantillon. Il n’y a pas d’homogénéité idéologique dans ce corpus comme le souligne l’appréhension des trajectoires dans le PCF : le Comité n’a donc pas intrinsèquement joué un rôle formateur, d’autant que la moyenne d’age des militants est de 36,5 ans au moment de l’entrée dans le PCF. Le corpus donne cependant la part belle aux « révolutionnaires » face aux « centristes » dans le Comité. Les seconds s’intègrent (Louis Sellier, Marcel Cachin) davantage à la bolchevisation que les premiers. Pour l’auteur, la culture et les pratiques politiques engendrées par la forme du Comité (subversion des institutions partidiaires) constituent la cible principale de la bolchevisation (déclenchée en 1924). Marcel Cachin incarne lui une option plus à même de plaire aux orientations de l’IC à partir de 1930, augurant pour François Ferrette d’un retour aux grands récits militants de la IIeme Internationale dont Cachin serait le dépositaire. Le tournant de 1934 parachève alors une mutation entreprise bien avant visant à renier le projet révolutionnaire fondateur du PCF, porté par le courant « révolutionnaire »du Comité.
A la lecture, le travail de François Ferrette laisse des regrets. Ceux des promesses non tenues de la première partie sur l’historiographie et la mémoire pour construire l’objet Comité. Ceux surtout d’une étude plus fouillée de la prosopographie et du devenir des membres du corpus que laissait présager le brio de la seconde partie. Le choix d’un retour dans la conclusion générale sur les possibles révolutionnaires de 1921 tourne, à mes yeux, le dos à ce que le Comité permet d’entrevoir : une lecture plus fine des origines du communisme français, différente de la compulsion « totalitaire » qui affecte le renouveau des études sur ce sujet, souvent portées par l’apport de François Furet et Pierre Rosanvalon2.