Entre vin étrusque et vin grec : les métamorphoses de Dionysos sur une hydrie du Peintre de Micali

DOI : 10.58335/crescentis.1157

Abstracts

Le propos de cette contribution est de réexaminer l’iconographie d’une hydrie étrusque du Peintre de Micali, sans doute l’artisan le plus fameux de la technique de la céramique à figures noires à la fin du vie s. av. n. è. Selon nous, ce vase présenterait la version étrusque d’un mythe grec montrant les anciens Toscans comme des pirates tentant d’enlever Dionysos. Cette figuration, qui apparaît également dans les sources grecques, a pu être interprétée comme la rivalité qui opposait les deux cultures pour la mainmise du commerce de vin dans la partie occidentale de la Méditerranée. Nous nous demanderons toutefois si c’est bien dans le sens d’une image négative des Étrusques qu’il convient d’interpréter l’iconographie de ce vase, ou s’il n’est pas possible d’en proposer une autre lecture, tout au rebours. Cette hydrie témoignerait non pas tant des rivalités économiques gréco-étrusques concernant le vin, que de l’adoption d’une nouvelle forme de religiosité centrée autour de Dionysos-Fufluns, dieu du vin chez les Étrusques.

The purpose of this contribution is to re-examine the iconography of an Etruscan hydria by the Micali Painter, probably the most famous craftsman of the black-figure ceramics technique at the end of the 6th century B.C. In our opinion, this vase would present the Etruscan version of a Greek myth showing the ancient Tuscans as pirates attempting to kidnap Dionysus. This figuration, which also appears in Greek sources, could be interpreted as the rivalry between the two cultures for the control of the wine trade in the western part of the Mediterranean. However, we will ask ourselves whether the iconography of this vase should be interpreted in the sense of a negative image of the Etruscans, or whether it is possible to propose another reading of it, quite the reverse. This hydria would testify not so much to the Greco-Etruscan economic rivalries over wine, as to the adoption of a new form of religiosity centered around Dionysos-Fufluns, god of wine among the Etruscans.

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Ces dernières années, un certain nombre d’artefacts étrusques ont défrayé la chronique judiciaire, et ont été l’objet de restitutions résultant d’enquêtes minutieuses de la part des autorités italiennes, notamment le désormais fameux Comando Carabinieri Tutela Patrimonio Culturale (Comando TPC). Des coups de filet mémorables ont remis au jour des œuvres disparues1, ou acquises de manière frauduleuse, perpétuant ainsi l’image traditionnelle dont jouissent les Étrusques dans les imaginaires contemporains : une civilisation pleine de mystères…

Parmi les civilisations antiques, les Étrusques n’occupent pas une place modeste pour ce qui concerne le vin et sa culture, dans tous les sens du terme. C’est au contact des commerçants helléniques et des colonies magno-grecques d’Italie du Sud qu’ils développèrent une viticulture déjà existante, et adoptèrent les pratiques vinaires de leurs voisins : celle du symposion ou banquet, et des manières de boire « à la grecque ».

C’est sur ces points que nous souhaiterions revenir, en examinant une hydrie du Peintre de Micali2, sans doute l’artiste étrusque le plus connu de la figure noire3. Dans le cadre de cette politique menée par le Comando TPC, elle a été récemment restituée au Musée Étrusque de la Villa Giulia par le musée de Toledo qui l’avait acquise (Figure 1).

Ce vase est important pour la question qui nous occupe. Il présente la version étrusque d’un mythe grec montrant les anciens Toscans comme des pirates barbares bafouant les lois élémentaires de l’hospitalité : selon le récit, ils décident, en effet, d’enlever et de violenter le jeune Dionysos, qui les métamorphose en dauphins. Cette iconographie, qui apparaît également dans les sources grecques, n’a pas manqué d’être interprétée comme la rivalité qui opposait les deux cultures pour la mainmise du commerce de vin notamment, dans la partie occidentale de la Méditerranée. Nous nous demanderons toutefois si c’est bien dans le sens d’une image négative des Étrusques qu’il convient d’interpréter l’iconographie que ce vase donne à voir, ou s’il n’est pas possible d’en proposer une autre lecture, tout au rebours.

Figure 1. Hydrie à figures noires attribuée au Peintre de Micali, en provenance de Vulci, vers 510-500 av. n. è., Rome, Museo Nazionale Etrusco di Villa Giulia.

Figure 1. Hydrie à figures noires attribuée au Peintre de Micali, en provenance de Vulci, vers 510-500 av. n. è., Rome, Museo Nazionale Etrusco di Villa Giulia.

Photographies de Sophie Pérard.

Le vin grec et ses pratiques en terre italienne

Grâce aux données archéologiques et notamment aux analyses archéobotaniques, l’apparition du vin et de la vigne sur la terre italienne est documentée plus finement4. En territoire étrusque, c’est datant de l’Âge du bronze moyen et tardif (-1200 av. n. è.) qu’ont été mises au jour des traces de pépins de raisin tant sauvage (Vitis vinifera sylvestris) que cultivé (Vitis vinifera vinifera)5.

Toutefois, il semble que le mode de culture différait de ce qui était pratiqué notamment dans la civilisation grecque. Il s’agissait, en effet, de culture arbusta uitis, la vigne étant « mariée » à des arbres, où les troncs étaient utilisés comme tuteurs (frêne, orme, peuplier, érable, olivier, figuier, arbres fruitiers variés…), les sarments se développant en lianes. Nous sommes là dans un modèle d’agriculture de subsistance, liée à une production de consommation directe en autosuffisance. Toutefois, dans certains contextes comme les plaines humides de Campanie, il pourrait s’agir d’une stratégie agronomique qui présente des avantages spécifiques. Ce mode de culture perdurera tout au long de la période étrusque et romaine6, du reste, et elle est toujours pratiquée en Italie de nos jours, précisément en Campanie dans l’agro aversano : dans les provinces de Naples, Bénévent et Caserta est récolté un raisin blanc, l’Asprinio di Aversa, qui produit un blanc très sec ou sfumante, l’Aversa.

En effet, il existait sur le sol italien une boisson fermentée à base de ce raisin sauvage, moins alcoolisée et sans doute bien moins subtile, un vin « local » pour lequel s’était développé un type de vaisselle locale également, qui perdurera jusqu’au vie s. av. n. è., notamment dans les pratiques rituelles. Cette manière « nationale » de boire et de partager le vin différait de la manière grecque, qui va se répandre au sein des élites tyrrhéniennes en même temps que cet autre objet culturel qu’est le symposion, le fameux banquet « à la grecque7 ».

Cette opposition entre vin local et vin grec est exemplifiée dans l’un des épisodes les plus fameux des aventures d’Ulysse, au livre IX de l’Odyssée : l’antre de Polyphème8. Or, dans cet épisode, le vin joue un rôle important9. Polyphème se régale de ce vin précieux et puissant offert par le rusé Ulysse, qu’il qualifie de « nectar » et d’« ambroisie », mais qu’il boit pur : il s’enivre et s’endort, ce qui permet la fuite du roi d’Ithaque et de ses compagnons. À propos de ce cru, le Cyclope le distingue du vin produit dans ses terres, οἶνον ἐριστάφυλον, « du vin fait avec de grosses grappes de raisin » arrosées par les pluies envoyées par Zeus sur une terre féconde10. Il peut être fait référence, ici, à une vigne sauvage. Le Cyclope n’ignore donc pas le vin, qu’il boit pur, et non coupé d’eau selon les coutumes symposiaques grecques.

Le vin grec en effet, est issu d’un autre type de culture, où les ceps sont taillés bas, portant un nombre réduit de grappes plus concentrées en sucre. Les fruits cueillis tardivement sont, en outre, exposés à l’air libre assez longtemps avant d’être pressés. De fait, le vin est riche en sucre résiduel, et son titrage en alcool est assez proche du moût : il devait avoisiner les 16 ou 17 degrés (Billiard [1913] 1997, p. 496. Contra Kourakou-Dragona 2013, p. 7). Il convenait donc de le boire coupé d’eau (fraîche ou tiède) et filtré : seuls les barbares et les fous boivent le vin pur, à l’instar du Cyclope dans l’épisode de l’Odyssée. Les proportions étaient, en général, de 2/3 à 3/5e d’eau11. On pouvait y ajouter certains éléments12.

Le Cyclope, barbare en terre italienne, est donc accoutumé à un vin local moins puissant, et qu’il consomme en méconnaissant les usages grecs. Cette opposition entre un vin indigène, issu de plants sauvages, sans doute moins titré en alcool et consommé pur, et le vin hellène, produit de culture par excellence, emblématise ce qui distingue le Grec, civilisé, du barbare, sauvage et monstrueux.

Quoi qu’il en soit, à partir du viiie s. av. n. è., date de l’implantation grecque en Italie du Sud, se produit un changement pour les populations italiques : il n’est plus question d’une simple consommation alimentaire et rituelle d’un produit local, mais le vin, à savoir le vin grec d’importation, devient un élément de distinction sociale, dans la vie comme dans la mort13, un marqueur de statut. Le terme pour désigner le vin en étrusque et dans les langues italiques est d’ailleurs d’origine grecque : vinum en étrusque, uinum en latin, vinu en ombrien issu du grec woinos (avec son digamma initial), plus précisément la forme woinon14. Le vin qui était consommé antérieurement en Italie devait avoir un autre nom, comme c’est le cas en latin, où à côté du uinum existe un temetum, qui désigne le vin pur, non coupé d’eau, et qui correspond, nous l’avons vu, à la manière locale de boire ce vin. Il s’agit, par ailleurs, d’un vieux nom indigène qui ne trouve pas de point de comparaison avec les autres langues indo-européennes : ce terme a donc toutes les chances d’être la dénomination primitive de cet ancien vin local (Briquel 2009, p. 13-35). Quoi qu’il en soit, il existait un vin réservé aux libations à Rome, que l’on nomme merum (littéralement « vin pur ») ou justement temetum, défini comme « un vin de premier pressurage fermenté fait de raisins naturels, c’est-dire non passerillés » (André 1981, cité par Tchernia 1986, p. 60). Ce dernier, du reste, n’est pas permis aux femmes15.

Vin grec vs vin étrusque

Cette opposition vin grec/vin étrusque, par ailleurs, perdure, mais sous un autre angle, cette fois-ci économique. En effet, une fois adoptées non seulement les manières grecques de boire le vin, mais également la culture et la vinification propre à produire des crus, les Étrusques n’ont pas manqué de déverser leurs produits dans la partie occidentale de la Méditerranée : amphores étrusques, mais également un type de vaisselle caractéristique, le bucchero, et notamment les canthares en bucchero, qui sont des coupes vinaires, ont été trouvés en grand nombre dans le sud de la France, en Espagne, et jusqu’en terre punique (Gran-Aymerich 1995, p. 45-76). On trouve peut-être trace de cette guerre commerciale dans le récit d’Hygin le Fabuliste narrant l’enlèvement de Dionysos, Liber à Rome, par des pirates tyrrhéniens, c’est-à-dire étrusques :

« Comme les Tyrrhènes, qui ont été appelés Toscans par la suite, pratiquaient la piraterie, le jeune Liber monta dans leur navire et leur demanda de le déposer à Naxos ; et comme ceux-ci s’étaient emparés de lui et voulaient le violer à cause de sa beauté16, Acoetès, le pilote, les en empêcha […]. Quand Liber vit qu’ils demeuraient dans la même disposition d’esprit, il transforma les rames en thyrses, les voiles en pampres, les cordages en lierre ; puis des lions et des panthères jaillirent. Quand ils virent cela, de peur ils se jetèrent à la mer ; et dans la mer se produisit une autre métamorphose prodigieuse, car quiconque s’était précipité à l’eau fut métamorphosé sous l’aspect d’un dauphin : c’est de là que les dauphins sont appelés Tyrrhènes et que la mer est dite Tyrrhénienne »17.

Ce récit est tardif, puisqu’il date du iie s. de notre ère, mais il rend compte d’une version élaborée plus anciennement en contexte grec, à l’époque archaïque (Briquel 1984, p. 273) et relatée dans l’Hymne homérique à Dionysos18. Quoi qu’il en soit, ce mythe est évoqué par des vases à boire étrusques, et notamment l’hydrie qui est le document que nous avons choisi. Elle est l’œuvre d’un des grands artisans étrusques originaire de Vulci, le Peintre de Micali, qui se distingue dans la production grecque d’importation.

Le récit d’Hygin est particulièrement riche, mais pour ce qui nous concerne, il a pu être interprété comme se référant aux rivalités opposant Grecs et Étrusques notamment pour le commerce du vin, emblématisé par la figure de Liber-Dionysos. Il s’inscrit, du reste, dans une logique grecque clairement anti-étrusque qui cherche à disqualifier les « trafics » tyrrhéniens (Gras 1985, p. 647), et qui trouvera son point culminant dans la bataille d’Alalia (l’Aléria actuelle, en Corse), vers 535 av. n. è., mettant aux prises une alliance punico-étrusque contre les Phocéens récemment installés sur le site de Massalia19. Cette défaite de l’alliance marque la fin du monopole étrusque en Méditerranée occidentale, avec la création d’un espace méditerranéen plus cloisonné fait de zones d’influence20.

Ces conflits laissent supposer que les crus étaient à même, dès la période archaïque, de concurrencer la production grecque. Il faut donc inférer que le vin étrusque devait avoir atteint un certain niveau d’excellence. Nous n’avons, hélas, aucun document contemporain qui ait gardé la mémoire de ces crus tyrrhéniens21, produits, notamment, dans la métropole de Caere, l’actuelle Cerveteri, dont les amphores sont visibles dans l’espace méditerranéen occidental.

Version étrusque du mythe grec ?

Le récit de l’enlèvement de Dionysos est donc connu par des sources littéraires grecques ou romaines qui l’ont conservé, mais également par des documents figurés. Nous songeons plus particulièrement au kylix d’Exékias (Figure 2), l’un des plus grands maîtres athéniens de la figure noire. Il est à noter, d’ailleurs, que cette coupe provient d’une tombe de Vulci, une cité importante de l’Étrurie méridionale, réputée pour son goût pour les vases attiques trouvés en grand nombre. Il s’agit, en outre, de la cité d’où serait originaire le Peintre de Micali.

Figure . Kylix à figures noires attribuée à Exékias, en provenance de Vulci, vers 530 av. n. è., Munich, Staatliche Antikensammlungen (n° 2044).

Figure . Kylix à figures noires attribuée à Exékias, en provenance de Vulci, vers 530 av. n. è., Munich, Staatliche Antikensammlungen (n° 2044).

Wikimedia Commons, Licence CC 0.

Sur l’image du maître athénien, le dieu Dionysos, dans la position du banqueteur vêtu d’un élégant himation brodé, tenant le rhyton et couronné de lierre, apparaît dans toute sa majesté, comme l’atteste sa taille, qui occupe une grande partie du pont du navire. La métamorphose des gréements en pampres est représentée également. Quant aux pirates tyrrhéniens, ce sont des dauphins qui s’ébattent dans l’orbe de la coupe. Il y a d’ailleurs autant de dauphins que de grappes de raisins (Lissarrague 1987).

Dès Homère, Dionysos est lié à « la mer vineuse », comme la qualifie l’aède. La coupe, pleine du liquide pourpre que déguste le banqueteur, propose un espace où les dauphins nagent dans la totalité de la circularité du vase22.

Maître, par ailleurs, de l’élément liquide, « où les voies de l’eau et les voies du vin relient le monde terrestre au monde souterrain » (Daraki [1985] 1994, p. 40), Dionysos présente également les caractéristiques d’un dieu infernal, comme le montre, à Athènes par exemple, la fête des Anthestéries, tout autant célébration du vin nouveau avec l’ouverture des pithoi, que fête des morts.

Or, la mer a un sens eschatologique établi dans les monuments funéraires étrusques, et ce véritable leitmotiv s’enrichit de significations précises au cours des siècles23. Ainsi, à partir des années 540-530 av. n. è., la dimension dionysiaque « sans Dionysos » se développe, dans un système d’équivalences mer-vin activé dès Homère, nous l’avons dit (οἴνοπα πόντον, « la mer vineuse »)24 : l’image du banquet, où se consomme le vin, et celle de la mer emblématisent le passage vers l’au-delà25, comme c’est le cas sur de nombreuses peintures des tombes de Tarquinia. Or ce motif se trouverait approfondi par exemple, dans le contexte des aventures d’Ulysse, que nous avons citées plus haut26.

Le vase étrusque du Peintre de Micali présente une tout autre iconographie, qu’il serait sans doute fallacieux d’interpréter à charge contre les Étrusques eux-mêmes. En effet, ce qui frappe l’observateur est le caractère thériomorphe de Dionysos, ici dieu anguipède, à l’image de Triton, sur le fronton ouest de l’Hécatompédon sur l’Acropole d’Athènes. Cette image est d’autant plus étrange que Dionysos est rarement représenté dans la céramique étrusque (De Cazanove 1986). Quoi qu’il en soit, c’est bien en tant que maître de l’élément liquide, et de la mer en particulier, qu’apparaît ici Dionysos-Fufluns, le nom étrusque du dieu, qui s’est saisi d’un dauphin et d’un thon, qu’il brandit dans chacune de ses mains. Nous savons, en outre, que l’hydrie est un vase destiné, comme son nom l’indique, à contenir de l’eau, afin de procéder, dans le cratère, à l’ultime métamorphose du vin.

Rappelons, cependant, que dans l’Hymne homérique à Dionysos, le dieu se métamorphosait en lion, avant de transformer les pirates tyrrhéniens. Il y avait donc bien une métamorphose du dieu, que le maître athénien Exékias a répugné à représenter27. Cependant, cette apparence hybride de Dionysos-Fufluns sur l’hydrie du Peintre de Micali, rapproche, de fait, le dieu des pirates tyrrhéniens en cours de métamorphose, que l’artisan étrusque a choisi de représenter dans son processus même28. Il convient de revenir, par ailleurs, sur le caractère hybride et thériomorphe des personnages, tant les pirates que le dieu.

Les figurations hybrides, ou Mischwesen, sont parvenues dans la culture figurative étrusque dès l’Orientalisant, à partir de prototypes orientaux : chimères, sphinx à barbe ou sphinges, sirènes et autres griffons… Créatures plurielles, polymorphes et potentiellement polysémiques, ces figures offrent une ductilité qui permet de rendre compte des expériences humaines et des relations que les sociétés entretiennent avec leur environnement, érème comme écoumène.

Mais cette adoption, et cette adaptation ne sont sans doute possibles que dans le cadre d’un système figuratif déjà perméable à ce type de formes et de formulations.

De fait, il est possible de déceler des avant-courriers de ces créatures hybrides de l’Orientalisant. Par exemple, le couvercle d’une urne cinéraire villanovienne en impasto en provenance de Pontecagnano29, figure un couple d’êtres anthropomorphes, mais présentant, également, des caractéristiques monstrueuses : membres de palmipèdes, groin porcin pour la figure masculine, arcades sourcilières marquées. Ce couple d’êtres composites, avec, cependant, des caractères humains bien marqués (la poitrine pour l’être féminin, et la sorte de polos pour l’être masculin) a été interprété dans le cadre d’une hiérogamie (Torelli 1986, p. 165) entre une divinité d’outre-tombe et le défunt héroïsé qui entre en contact avec la sphère divine (Papi 2014, p. 41).

Le monstrueux, ici, n’est pas pris en mauvaise part. Dans les schèmes de pensée à l’œuvre, on perçoit que, contrairement à la situation dans la culture grecque classique, l’être composite, monstrueux, n’est pas une émanation du chaos qui perturberait, par sa mixité de nature, l’ordre du kosmos. Tout au rebours, semble-t-il : dans le code visuel, le monstrueux, dans sa capacité à communiquer le surnaturel, est à même de représenter ce qui est le plus proche de la divinité. Ici, dans le cas d’une figure qui garde des caractéristiques humaines, on pourrait parler de surhumain, ce qui est en fait, sur le plan visuel, la définition du héros.

Ces figurations composites constituent en effet des images ductiles qui sont resémantisées en fonction de la culture qui les reçoit et qui les réélabore selon des croyances, des pratiques ou des récits qui lui sont propres.

Pour en revenir à l’image du Peintre de Micali, on observe que le pirate situé à notre gauche partage les mêmes caractéristiques morphologiques que le dieu. Son plongeon30, par ailleurs, jouxte un rameau de lierre, la plante du dieu. Tout se passe donc comme si dans l’image, tout était fait pour rapprocher le dieu des pirates, en faire, en quelque sorte, ses dévots. On peine à appeler ces derniers pirates, puisque même le navire a disparu. Seules la taille du dieu, et la composition en registres permettent de discriminer les créatures, alors que le caractère hybride de leur figuration les rapproche.

Un dernier point mérite notre attention : il s’agit de la figuration des deux éphèbes nus sur le col de l’hydrie, vraisemblablement une scène de palestre, haut lieu d’initiation éphébique31, si l’on se réfère à une institution grecque dont la culture étrusque donne des exemples spécifiques (Pérard 2020). Et c’est peut-être ce dont il est question sur cette hydrie : le passage d’une classe d’âge à une autre, emblématisée par la métamorphose des hommes en dauphins, créatures de Dionysos, et de l’eau de l’hydrie en vin, par le mélange dans le cratère. On sait que dans la culture étrusque, le passage d’une classe d’âge à l’autre, notamment dans le cadre éphébique, se fait sous l’égide de Dionysos-Fufluns32, comme à Rome sous celle de Liber33. Son assimilation au Dionysos grec, dieu du vin qui « libère », a dû trouver un relais en Étrurie, notamment avec le développement du culte de Fufluns Pachies. Ce dernier, notamment à travers son épiclèse de paχie (du grec Βάκχος, l’un des noms du dieu) évoque le Dionysos des thiases, ces associations qui se sont développées dans certaines cités étrusques, au premier rang desquelles Vulci, et réalisaient « la combinaison harmonieuse de trois facteurs : adhésion personnelle et individuelle aux aspects sôtèriologiques du dionysisme ; insertion parfaite dans la structure gentilice et aristocratique ; niveau officiel et de la polis garantissant les manifestations cultuelles » (Massa-Pairault 1987, p. 589).

Loin donc de proposer une version négative du récit de l’enlèvement du dieu par les pirates tyrrhéniens, l’image montrerait, au rebours, une dévotion de ces derniers à Dionysos-Fufluns, maître des métamorphoses et de l’élément liquide, notamment le vin, qui sanctionne les initiations que sont les passages d’une classe d’âge à l’autre et l’acquisition d’un nouveau statut, emblématisant, à son tour, l’ultime passage34, puisque l’hydrie provient d’une tombe du territoire de Vulci.

Et l’on peut s’autoriser un regard rétrospectif sur la coupe d’Exékias. Si l’hydrie du Peintre de Micali témoigne d’une nouvelle forme de religiosité à l’égard de Dionysos-Fufluns, les thiases à dimension peut-être mystériques35, le kylix du maître athénien ne propose pas, loin s’en faut, une image faite de rivalité et de violence entre le dieu et les pirates. Ces derniers, d’ailleurs, apparaissent tels des dauphins accompagnant la nef du dieu, sur laquelle figurent également deux dauphins comme épisèmes à l’avant et à l’arrière de la coque. Et nous avons souligné que le nombre de grappes correspondait au nombre de dauphins, dans une harmonie parfaite. On pourrait donc suggérer la participation du commanditaire, un aristocrate de Vulci, en lien avec l’atelier d’Exékias.

Nul doute que dans l’un et l’autre cas, nous ayons la version étrusque du mythe36, nullement à charge contre les prétendus pirates tyrrhéniens, mais en accord avec la perméabilité des élites étrusques aux formes de la religiosité issue des cultures grecque et magno-grecque que proposait le dionysisme, tant sur le plan de la viticulture et du commerce d’un bien de prestige aux propriétés psychoactives spécifiques qu’est le vin, comme pour la coupe d’Exékias, que sur celui d’une dimension plus eschatologique, développée dès la fin du vie s., date de l’hydrie du Peintre de Micali.

S’il est vrai que les Étrusques ont adopté le vin et sa culture de la part des Grecs, ils l’ont adapté, en tout état de cause, à un imaginaire qui leur était propre, où préexistait, en outre, une boisson fermentée à base de raisin, qui avait sa place dans un certain nombre de pratiques. En effet, une culture se définit par ses interactions avec les autres cultures, dans une dialectique entre ouverture et fermeture. Nous avons suggéré que les images qui apparaissaient sur les deux vases, objets de cette discussion, destinés à la dégustation du vin lors du banquet, seraient des adaptations locales, purement étrusques, d’un mythe grec. N’oublions pas, en effet, que le banquet étrusque, à l’image du symposion, semble avoir été le lieu de diffusion des mythes grecs par la pratique de la récitation et de la déclamation auxquelles se livraient les élites lors de ce rite social, qui concernaient, au premier chef, les poèmes homériques. Il s’agit donc, littéralement, d’une incorporation de la culture héroïque au moyen du vin. Mais il semble bien que les aristocrates des grandes cités tyrrhéniennes aient eu à cœur de développer leur propre version de ces récits, et de les mettre en image en fonction de leur cosmologie : la figure du Dionysos anguipède de la part du Peintre de Micali, montre autant la connaissance de la geste dionysiaque et de ses domaines d’attribution, qu’une adaptation à un imaginaire où l’hybride n’est pas pris en mauvaise part. Entre convergences et rivalités, le vin relie davantage qu’il n’oppose, à l’image de la circularité de la coupe d’un grand maître athénien, Exékias, s’adaptant, à son tour, à ses commanditaires étrusques.

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Sources anciennes

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Notes

1 Voir l’exposition romaine de plaques en terre cuite peinte en provenance de Cerveteri et récupérées par le Comando TPC (Colori degli Etruschi. Tesori di terracotta alla Centrale Montemartini, 11/07/2019-28/06/2020 (prolongation), Rome, Centrale Montemartini-Musei Capitolini. Return to text

2 Nommé ainsi en l’honneur d’un érudit, Giuseppe Micali, qui fut le premier à publier les vases de cet artiste. Return to text

3 Sur l’œuvre du Peintre de Micali, voir Spivey 1987. Return to text

4 Notamment le projet VINUM dans Ciacci, Zifferero 2007, p. 249-272. Return to text

5 Sur les apports de l’archéobiologie pour la domestication de la vigne, Terral, Bouby 2012, p. 13-31. Return to text

6 Virgile, Bucoliques, V, 7. Return to text

7 En vérité, dans notre perspective, il vaudrait mieux parler de « banquet étrusque », puisque le symposion a subi un certain nombre d’adaptations dans la culture étrusque, notamment le fait que les femmes légitimes y soient conviées et partagent le vin (Lubtchansky 2013, p. 399-423). Return to text

8 Les pérégrinations du « héros aux mille tours » en Méditerranée l’ont conduit en terre italienne, où est situé un certain nombre d’aventures du roi d’Ithaque. Il est à noter, également, qu’Ulysse est considéré comme le fondateur de certaines cités italiques, la cité étrusque de Cortone, par exemple, aux frontières de la Toscane et de l’Ombrie actuelle, voire comme figure ancestrale de grandes gentes à Cerveteri, l’antique Caere, la grande métropole étrusque située à une soixantaine de kilomètres au nord de Rome. Return to text

9 En guise de présent d’hospitalité, coutume de la xenia propre aux sociétés aristocratiques, selon un système de don/contre-don, Ulysse offre au monstre du vin qu’il transporte dans une outre, fruit d’un don fait au héros par Maron, fils d’Evanthès et prêtre d’Apollon en Thrace. Il se trouve que le père de Maron était le fils d’Ariane et Dionysos, le dieu du vin. C’est dire si ce cru devait être particulièrement savoureux… Return to text

10 Homère, Odyssée, IX, 357-358 . Sur ce passage et ses enjeux concernant la viticulture dans cette région, voir Dion 1952. Return to text

11 Proportion choisie par le symposiarque, ou chef de banquet, en fonction des effets souhaités. Return to text

12 Nous songeons, plus particulièrement, au kukeion homérique, boisson héroïque, fait de vin, farine d’orge « sacré » et fromage de chèvre râpé. (Homère, Iliade, XI, v. 628-643). De nombreuses râpes de bronze, voire en argent, furent mises au jour dans les tombes grecques et étrusques, accompagnant des services à boire, et renvoyant donc à la pratique du kukeion, ou d’autres mélanges analogues, dans le cadre de l’héroïsation du défunt.  Return to text

13 Le mobilier principal d’une tombe étrusque, quelle que soit la période d’ailleurs, est constitué de services vinaires. Par exemple, la tombe de la défunte d’Aleria-Lamajone, mise au jour en Corse en 2019, contenait 17 vases à vin. Return to text

14 À l’accusatif, l’étrusque regroupant le nominatif et l’accusatif pour le cas direct. Return to text

15 Cette remarque, qui évoque selon les spécialistes un tabou d’ordre sexuel, peut nous laisser supposer, ici, un système d’équivalences vin/sang, développé dans le corpus aristotélicien. Voir Brun 2003, p. 117. Également Sissa 1992 et Héritier [1996] 2012. Return to text

16 Sur la dimension homoérotique dans la culture étrusque, voir Pérard 2020. Return to text

17 Hygin, Fabulae, 134, cité par Liébert 2006, p. 116. Return to text

18 VII, 1-59, mais la datation fluctue entre le viie s. et la période alexandrine  Return to text

19 Hérodote, I, 166. Return to text

20 « Après la bataille d’Alalia, les cartes sont redistribuées (avec même l’accord de Delphes où Caeré construit un “trésor”) : la Corse et la côte tyrrhénienne nord incluant la Ligurie italienne reviennent aux Étrusques, la Sardaigne aux Carthaginois, les Phocéens d’Alalia, réimplantés à Vélia, sont réintégrés dans l’horizon achéo-chalcidien de Grande-Grèce, tandis que les Phocéens de Marseille voient leur espace délimité en Méditerranée nord-occidentale entre Ligurie et Ibérie ». Bats 2013. Return to text

21 Nous attendons beaucoup des analyses qui sont menées sur les contenus du service vinaire accompagnant la défunte de la tombe d’Aleria-Lamajone, mise au jour en 2019 en Corse, et datée du ive s. av. n. è. (voir https://www.inrap.fr/nouvelles-decouvertes-sur-le-mobilier-etrusque-d-aleria-lamajone-haute-corse-14968). Return to text

22 « Sur la coupe de Vulci, la mer, pourtant omniprésente, n’est pas dessinée : Exékias n’a pas voulu lui fixer des limites. L’espace y est unifié en un cercle aussi parfait que la forme du vase lui-même. Dans le “paysage” dionysiaque, l’élément liquide n’est pas une barrière, mais une voie de circulation », Daraki [1985] 1994, p. 44. Même remarque de la part de Lissarrague 1987, p. 118. Return to text

23 Pizzirani 2005, p. 258. Cet article se propose de dresser un corpus des représentations de la mer dans l’art étrusque, et d’en approfondir le sens selon les époques. Le corpus dénombre 326 attestations. Return to text

24 Daraki [1985] 1994, p. 34-31 : « Les Grecs, nous dit Plutarque, tiennent Dionysos pour le maître (kurion) non seulement du vin, mais de tout élément liquide. ». Return to text

25 « In età arcaica mare e banchetto rappresentano, l’uno accanto all’altro, la più compiuta metafora della morte, con una corrispondenza molto precisa dal punto di vista ideologico… » [À la période archaïque, la mer et le banquet représentent, l’un à côté de l’autre, la métaphore la plus complète de la mort, avec une correspondance très précise du point de vue idéologique…], Pizzirani 2005, p. 261. Return to text

26 Sur le dossier conséquent des liens entre la mer et le vin, voir D’Agostino, Cerchiai 1999 (notamment le deuxième chapitre « Il mare, la morte e le Sirene »). Voir également Cerchiai 2014, p. 37-43. Return to text

27 Le problème soulevé ici provient de la datation de l’Hymne, qui oscille entre le viie et le ive s. av. n. è. Return to text

28 « On peut y voir une procédure synecdotique de représenter le tout par la partie. Mais les images, et tout particulièrement les peintures de vases, ont pour but le plaisir visuel, celui du spectateur […], et celui du peintre qui manifeste une délectation évidente à mélanger, en des collages insolites, les “parties des animaux” avec le corps humain. La peinture étrusque ne procède pas différemment. Une hydrie représentant la transformation en dauphins des ravisseurs de Dionysos, montre six personnages plongeant vers les flots […] Le peintre semble avoir voulu décomposer le mouvement de la plongée car les jambes sont inégalement dépliées, leur allongement augmentant progressivement de droite à gauche. Cette représentation du mouvement suppose un intérêt manifeste pour la temporalité et atteste un essai d’intégration, dans l’espace figuratif, d’un déroulement chronologique. Mais plutôt que de montrer deux étapes différentes de la transformation, ce peintre a choisi d’en représenter deux modalités : métamorphose procédant soit par le haut soit par le bas, chacune enregistrée au même stade. Ce qui donne deux types d’hybridation possibles entre l’homme et le dauphin. C’est bien là ce qui, dans la métamorphose, intéresse les artistes, grecs autant qu’étrusques : le mélange des espèces, humaine et animale, et ses diverses possibilités formelles. La métamorphose, qui permet d’explorer les frontières entre humanité et bestialité, est pour les peintres matière à expérimentation figurative. », Frontisi-Ducroux 2009. Return to text

29 Couple sur le couvercle d’urne cinéraire villanovienne en impasto, en provenance de Pontecagnano, xe s. av. n. è., Pontecagnano, Museo Archeologico Nazionale (http://www.culturaitalia.it/opencms/it/contenuti/focus/focus_0128.html). Return to text

30 Sur le plongeon comme rite de purification et rite de passage à dimension dionysiaque, voir D’Agostino, Cerchiai 1999 (dans le chapitre « Oinops Pontos. Il mare come alterità nella percezione arcaica » p. 81-88). Return to text

31 Une amphore du Peintre de Micali présente également des scènes d’initiation éphébique. Il s’agit de l’amphore RC 1042, datée de 520-510 av. n. è., en provenance d’une tombe de Tarquinia et conservée au Musée Archéologique de Tarquinia. Pour une analyse précise, voir Palmieri 2005. Return to text

32 Dieu omniprésent, en effet, et dont la présence signe un rapport au corps magnifié : à la fois dieu et mortel, mort puis ressuscité, juvénile ou mûr, il semble incarner toutes les aspirations des Étrusques dans leur expérience du corps et le passage d’une classe d’âge à l’autre. Return to text

33 Comme le précise François Gaultier à propos de la ciste dite « ciste Napoléon », conservée au Louvre (Br 1663), sur le couvercle duquel est représenté Dionysos, soutenu par deux jeunes satyres, et comparée à la ciste Ficoroni, de la Villa Giulia : « il pourrait s’agir dans les deux cas de Dionysos Liber. Ce dieu des initiations accompagnait le jeune homme au moment de la prise de la toge virile, qui marquait, vers l’âge de dix-sept ans la fin de l’enfance. Selon Macrobe (Saturnales, I, 18), ses simulacres le montraient tantôt sous les traits d’un enfant ou d’un adolescent, tantôt sous ceux d’un homme barbu ou d’un vieillard », Gaultier, Haumesser, Chatziefremidou 2013, p. 148-151, n° 73. Par ailleurs, les compétences de ce Liber s’organisent selon deux axes : d’une part, la liberté du futur citoyen, « libéré » de sa condition de puer, d’autre part la fertilité liée à la fécondité de la terre, qui « libère » l’énergie des semences (Wyler 2013). Return to text

34 Sur les enjeux du vin étrusque dans un contexte funéraire, voir Pérard 2016. Return to text

35 Il faut rester prudent quant aux cultes à mystères. La plupart du temps, rien ne nous permet de postuler l’existence de « mystères dionysiaques » dont Anne-Françoise Jacottet a montré qu’il s’agissait d’une référence commode, un « abus de langage », Jacottet 2016, p. 228. Return to text

36 Sur l’adoption du mythe grec, mais adapté à des préoccupations religieuses proprement étrusques, voir D’Agostino, Cerchiai 1999. Return to text

Illustrations

  • Figure 1. Hydrie à figures noires attribuée au Peintre de Micali, en provenance de Vulci, vers 510-500 av. n. è., Rome, Museo Nazionale Etrusco di Villa Giulia.

    Figure 1. Hydrie à figures noires attribuée au Peintre de Micali, en provenance de Vulci, vers 510-500 av. n. è., Rome, Museo Nazionale Etrusco di Villa Giulia.

    Photographies de Sophie Pérard.

  • Figure . Kylix à figures noires attribuée à Exékias, en provenance de Vulci, vers 530 av. n. è., Munich, Staatliche Antikensammlungen (n° 2044).

    Figure . Kylix à figures noires attribuée à Exékias, en provenance de Vulci, vers 530 av. n. è., Munich, Staatliche Antikensammlungen (n° 2044).

    Wikimedia Commons, Licence CC 0.

References

Electronic reference

Sophie Pérard, « Entre vin étrusque et vin grec : les métamorphoses de Dionysos sur une hydrie du Peintre de Micali », Crescentis [Online], 4 | 2021, 25 July 2021 and connection on 21 November 2024. Copyright : Licence CC BY 4.0. DOI : 10.58335/crescentis.1157. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/crescentis/index.php?id=1157

Author

Sophie Pérard

EA1491 Editta (Édition, Interprétation, Traduction des Textes Anciens), Sorbonne Université

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