L’entre-deux : une grille de lecture pour Pusilipo de Cristóbal Suárez de Figueroa ?

  • In-betweenness, new perspectives on Cristóbal Suárez de Figueora’s Pusilipo

Abstracts

Le présent article prétend étudier l’œuvre de Cristóbal Suárez de Figueroa, Pusílipo : ratos de conversación en los que dura el paseo (1629, Naples, Lazaro Scoriggio) à l’aune du concept d’entre-deux afin de déterminer si celui-ci peut offrir une grille de lecture applicable à l’ensemble de la production littéraire de l’auteur castillan.

The aim of this article is to study Cristóbal Suárez de Figueroa's Pusílipo: ratos de conversación en los que dura el paseo (1629, Naples, Lazaro Scoriggio) in terms of the concept of the entre-deux, in order to determine whether it can be used to interpret the Castilian author's literary output as a whole.

Outline

Text

Quiconque cherche des nouvelles d'une douce curiosité, des satires aussi cruelles que spirituelles, un vaste répertoire de phrases venimeuses et joyeuses, d’incomparables tableaux de mœurs, devra lire El pasajero, dans lequel, cependant, la chose la plus intéressante à étudier, à mon sens, est le caractère de l'auteur lui-même, un médisant public, universellement envieux des applaudissements d’autrui, un type de misanthrope et d'excentrique qui se détache vigoureusement du tableau de la littérature du XVIIe siècle, si gaie, si naïve et si sympathique. Un tel homme était une monstruosité morale qui ne pouvait être rachetée par son talent. Du talent, il en avait, énormément, ainsi qu'une connaissance profonde de notre langue, mais son naturel haineux et le désir même d'être sournois et tranchant, au détriment de la clarté et du plaisir, ont condamné ses écrits à l'oubli, et il a perdu dans son propre honneur ce qu'il avait pris à tant d’honnêtes gens (Menéndez Pelayo 1896 : 420)1.

Un peu à la façon des œuvres de Figueroa, cet article débute par une citation empruntée à Don Marcelino Menendez Pelayo, qui dans son Historia de las ideas estéticas, dardait de ses flèches l’auteur castillan. Ce n’est pas tant pour le jugement partial qu’elle enserre que cette citation mérite que nous nous y arrêtions que pour ce qu’elle révèle quant à la production scientifique consacrée à Figueroa.

Avant de pousser plus avant notre réflexion, il semble nécessaire de revenir sur le parcours et l’œuvre de Suárez de Figueroa, un écrivain prolifique, qui serait né à Valladolid dans le dernier quart du XVIe siècle vraisemblablement puisque les archives ne renferment aucun document d’époque attestant de la date et du lieu de naissance précis de cet auteur. Les mêmes incertitudes planent autour des circonstances de sa mort. Celle-ci serait, a priori, postérieure à 1644 si l’on considère que l’édition napolitaine de España defendida a été publiée du vivant de l’auteur.

Ces zones d’ombre concernent son éclectique production littéraire. Figueroa était un auteur fécond : entre 1602 et 1633, il a publié onze œuvres, pour la plupart, rééditées de son vivant. L’œuvre de Figueroa se décline comme suit :

  • El Pastor Fido (1602, Naples ; 1609, Valence ; 1622, Naples).
  • La Constante Amarilis (1609, Valence, Juan Crisóstomo Garriz ; 1614, Lyon, le texte y est accompagné de sa traduction française ; 1781, Madrid, une édition qui reprend à l’identique le texte de 1609).
  • España defendida, (1612, Madrid, Juan de la Cuesta). Ce texte a également connu une édition napolitaine de 1644 (Egidio Longo) qui est présentée comme la « quinta impresión », mais aucun exemplaire des éditions 2, 3 et 4 n’a été conservé.
  • Hechos de don García Hurtado de Mendoza, cuarto marqués de Cañete, (1613 et 1616, Madrid, Imprenta Real).
  • Historia y anal relación de las cosas que hicieron los padres de la Compañía de Jesús, por las partes de Oriente y otras (1614, Madrid, Imprenta Real).
  • Relacion de la onrosissima jornada, que la magestad del rey don Felipe nuestro señor a hecho aora con nuestro principe, y la reyna de Francia sus hijos, para efetuar sus reales bodas y de la grandeza, pompa y aparato de los principes y señores de la corte, que yuan aconpañando a sus magestades, es relacion la mas cierta que a salido de la corte, (1615, Madrid et Barcelone).
  • Plaza Universal de todas las ciencias del mundo (1615, Madrid, Luis Sánchez; 1629, Perpignan, Louis Roure; 1733, Madrid).
  • El Pasajero, advertencias utilísimas a la vida humana (1617, Madrid, Luis Sánchez).
  • Varias noticias importantes a la humana comunicación (1621, Madrid, Tomás Junti).
  • Pusílipo : ratos de conversación en los que dura el paseo (1629, Naples, Lazaro Scoriggio).
  • Discurso sobre la predicación del Señor Don Fr. Diego López de Andrada, Arzobispo de Otrento, escrito cuando vivía por Cristóval Suárez de Figueroa”, incluido en los preliminares de Fray Gerónimo de Andrada, Tratados de la Purissima Concepción de la Virgen Señora Nuestra…. sacados de los Sermones que predicó en la corte de Madrid Don Fray Diego López de Andrada (1633).

L’œuvre de Figueroa a surtout fait l’objet d’études sociétales et historiques car ses écrits constituent un véritable « kaléidoscope de la société de son temps » pour reprendre l’heureuse formule d’Isabel López Bascuñana (1988 : Introducción). Et si les chercheurs mentionnaient de manière réitérée et unanimes les talents littéraires de l’auteur et le caractère foisonnant de son œuvre, l’écriture figuéroène n’avait fait l’objet d’aucune étude d’envergure : mon travail de recherche a pris son origine dans le constat de ce hiatus. Bien que ma réflexion se soit nourrie de l’ensemble de l’œuvre de Figueroa, ma thèse, elle, portait essentiellement sur son œuvre majeure, El Pasajero : advertencias utilísimas a la vida humana, un ouvrage qui se présente sous la forme d’un dialogue. Il a pour toile de fond un voyage Madrid-Barcelone auquel participent quatre hommes de conditions sociales différentes : un jeune militaire qui s’appelle Don Luis, un orfèvre prénommé Isidro, un Maître en théologie et le Docteur, un letrado. Bien que le dialogue prenne fin une fois que les voyageurs sont arrivés à Barcelone, le lecteur sait que les quatre hommes se rendent en Italie. Conformément à un procédé récurrent dans les dialogues humanistes espagnols, les quatre voyageurs, pour mieux supporter la pénibilité de leur périple, entament une longue conversation. Celle-ci se développe sur dix chapitres au cours desquels les personnages ont tout le loisir d’exprimer leur point de vue respectif sur des sujets aussi variés que l’amour, l’amitié ou la situation nationale qu’ils commentent et illustrent par des récits d’extension variable. Au cours du dialogue, les personnages sont amenés à déclamer des vers, à évoquer leur passé, et plus particulièrement les circonstances qui les poussent à quitter le pays.

Compte tenu des influences littéraires multiples qui affleurent dans le texte figuéroen, la notion ‘d’entre-deux’ fonctionne comme une véritable boussole pour se repérer dans ces dédales. Une certaine impression de désordre pourrait, d’ailleurs, se dégager d’une lecture peu attentive des écrits de Suárez de Figueroa, mais en réalité, il convient de rappeler, avec Nadine Ly également, que continu et discontinu ne sont pas des concepts irréconciliables et vont plutôt de pair et ce, malgré le « [dis]crédit étymologique » (Ly 2007 : XI) dont souffre le discontinu comme l’a si bien exprimé l’hispaniste française :

Or, la série lexicale du discontinu n’est pas la réplique symétrique et inversée de la série lexicale du continu. On y trouve, certes, les mots discontinu, discontinuité, discontinuation, discontinuer, que la particule dis– oppose à la série non préfixée –continu, –continuité, –continuation, –continuer. Cette première série, les signifiants en –dis, de tout évidence, la maintiennent, ils en assurent la permanence tout en la niant : en conséquence, on ne saurait concevoir de réflexion sur le discontinu qui ne travaille simultanément sur le continu (Ly 2007 : XIII).

La genèse de El Pasajero et sa structuration doivent beaucoup à la notion d’entre-deux qui nous intéresse dans le cadre de cet article. À ce propos, notre thèse reposait sur trois mouvements : il s’agissait de montrer tout d’abord comment El Pasajero relève d’une forme d’entre-deux générique qui, de fait, est œuvre assez difficilement situable dans le panorama littéraire de l’époque. Puis, l’existence d’un entre-deux entre tradition et innovation littéraires dans El Pasajero était mise en exergue à travers tout un travail sur le traitement des personnages, le cadre spatio-temporel et plus particulièrement sur l’introduction d’analepses. Ces dernières configurent une temporalité plus lente qui augure d’une évolution vers le roman. Enfin, la dernière partie se proposait d’étudier l’écriture de l’entre-deux dans El Pasajero ; celle-ci reposait sur un ensemble savamment structuré autour de figures de répétition, de renvoi qui contribuent à élaborer un discours prismatique assumé par différentes voix. Tel est donc le cadre analytique qui a guidé notre lecture de El Pasajero. À présent, notre objectif, pour l’exprimer simplement, est de répondre à la question suivante : « l’entre-deux » peut-il constituer une grille de lecture applicable à une autre œuvre de Figueroa, Pusílipo, ratos de conversación en los que dura el paseo, publiée en 1629 et qui est la dernière œuvre de Figueroa qui nous soit parvenue ? À la différence de El Pasajero, Pusílipo est une œuvre de Figueroa malmenée par la communauté scientifique qui lui a longtemps accordé un intérêt limité, n’y voyant qu’une pâle copie de El Pasajero, un jugement qui demande certainement à être affiné, comme nous allons nous attacher à le montrer dans cet article. Pusilipo présente d’indéniables similarités avec El Pasajero : il s’agit là encore d’une œuvre sous forme dialoguée entre quatre hommes (Laureano, Florindo, Silverio et Rosardo, dans lequel certains philologues ont cru reconnaître une autre figure de projection de l’auteur2). Un point de divergence majeure entre les deux œuvres tient néanmoins à la nature des relations entre les locuteurs. Reprenant le schéma narratif du Decameron, Figueroa met en scène dans Pusílipo des amis qui se retrouvent à Pusilipo pour échapper à la chaleur. Cet élément va avoir une incidence indéniable dans la construction de l’œuvre puisque les locuteurs n’ont pas besoin de se raconter leurs histoires respectives, ce qui constituera une perte considérable par rapport à El Pasajero. De la même manière, les circonstances de la rédaction de Pusílipo peuvent aussi expliquer la réception plus frileuse réservée à cette œuvre : Figueroa cherchait alors à s’attirer les faveurs du Duc d’Alcalá, Vice-Roi du Royaume de Naples ; cet état de fait explique sans nul doute les accents panégyriques que revêt le texte, lesquels ont pu faire perdre de vue certains éléments dignes d’intérêt.

Le lecteur voudra bien pardonner cet excursus un peu long mais néanmoins indispensable à la bonne appréhension de notre propos tant les œuvres de Figueroa sont étroitement mêlées. Maintenant que ces éléments de cadrage ont été posés, nous pouvons recentrer notre étude autour de la notion d’entre-deux afin de voir comment celle-ci se décline au sein de l’espace textuel figuéroen.

1. Un « entre-deux » générique

Le premier constat qui s’impose quant à la mise en œuvre de la notion d’« entre-deux » est que le concept de discontinuité qui lui est intrinsèquement lié est aisément repérable chez Figueroa. Sans même se lancer dans la lecture attentive de El Pasajero ou de Pusílipo, le lecteur est rapidement frappé par l’alternance prose-vers. On signalera que loin d’être une pratique propre à Figueroa, il s’agit tout au contraire d’une constante de la littérature auriséculaire dont l’un de traits distinctifs est son caractère éminemment hybride3. L’alternance prose-vers est justifiée textuellement dans les échanges entre les locuteurs puisque, assez rapidement, Rosardo annonce que les compositions poétiques viendront s’intercaler entre des passages plus sérieux : « Ainsi, dorénavant, nos réunions permettront aussi la distraction des vers, admis comme des intermèdes au gré d'autres causeries de plus de substance ; ou comme de curieux quatrains, qui pour le goût et l'odorat sont pareils aux fruits et aux fleurs4 » (Suárez de Figueroa 1621 : 20). Cette alternance est d’ailleurs réintroduite quelques répliques plus loin par Laureano, personnage que l’onomastique même tire vers la création littéraire : « LAUREANO (…) Mais si cela convient à tous, n’épuisons pas tout ce qu'il y a de sérieux dans la réunion d'un seul jour. Laissons quelque chose pour les autres journées ; en mêlant, comme vous l'avez préconisé plus haut, des jouets plus doux et moins lourds pour l'esprit5 » (Suárez de Figueroa 1621 : 28).

On observera aisément les similitudes entre ces deux extraits où de nombreuses constructions et champs lexicaux entrent en résonance. Le premier élément qu’il convient de signaler est la double occurrence du substantif Junta dont la définition va nous apporter un éclairage important dans le cadre de la réflexion que nous menons ici :

Assemblée ou congrès de plusieurs personnes en un même lieu, pour se concerter et régler une affaire. En latin. Congressus. Concilium. QUEV. Visit. Autrefois, quand la Justice était plus saine, elle avait moins de Médecins : et ce qui est arrivé aux malades lui est arrivé, c'est que plus les Médecins se réunissent autour d'elle, plus elle présente de danger. SOLIS, Hist. de Nuev. Esp. lib. 4. cap. 2. À cette fin, il convoqua une réunion de ses amis et de ses parents, qui se tint secrètement dans son palais6 (Autoridades).

La mention « en un mismo lugar » mérite que l’on s’y arrête tant il est tentant d’y voir une référence à l’espace mentionné dès le syntagme titulaire : ce lieu est à la fois l’espace par excellence de la création poétique puisqu’il abrite la sépulture de Sannazzaro et l’espace de l’échange qui accueille les quatre locuteurs ainsi que d’autres Napolitains venus, comme eux, chercher un peu de fraîcheur. Ces deux passages sont vertébrés à un niveau interne par l’opposition somme toute assez classique entre sujets légers et sujets graves et se font écho. À travers ces va-et-vient incessants entre les matières est configuré « un entre-deux » à la fois formel et thématique puisqu’à l’alternance prose-vers vient s’ajouter une alternance sujets sérieux/ sujets légers. De la même manière, un autre binôme mérite d’être mis en exergue dans ces deux extraits ; il s’agit de celui que constituent le substantif masculin pluriel « intermedios » et le gérondif « entreverando » du verbe « entreverar ». Là encore, les différentes acceptions que nous propose le Diccionario de Autoridades pour ces termes nous apportent un éclairage intéressant pour notre propos. Il apparaît assez clairement en effet que le verbe « entreverar »7 (« Mélanger ou enchevêtrer une chose avec une autre »), dit la coexistence de deux éléments distincts. Mais allons plus loin. Si la première définition de « intermedio » sous sa forme adjective tend à inscrire littéralement le texte dans un entre-deux, sa troisième acception, quant à elle, introduit une notion de divertissement que l’on percevait déjà dans le vocable « recreación » :

INTERMEDIAIRE, adj. Ce qui est entre une chose et une autre, ou entre deux extrêmes. On appelle aussi ainsi l'espace de temps que l'on attend jusqu'au moment où quelque chose doit être fait ou déterminé, ou l'espace entre deux choses quelconques.

INTERMEDE. Employé comme substantif, il s’emploie, dans les spectacles et les théâtres, à propos des divertissements ou pièces qui servent à amuser ceux qui les voient, afin qu'ils ne causent pas d'ennui, et que les artistes ou chanteurs puissent se reposer pendant ce temps8 (Autoridades).

À dire vrai, cet entre-deux était déjà perceptible dans le paratexte puisque dès le prologue, la voix auctoriale, conformément aux usages de l’époque, revendique son intention double inspirée du docere et placere horatien et mettait en garde contre une lecture hâtive qui conduirait à une interprétation erronée :

On peut en déduire qu'il n'y a rien de substantiel, et pourtant, le comprendre ainsi serait une erreur manifeste. Il s'agit là d'un subterfuge et d'un stratagème pour encourager les récalcitrants, comme on le fait habituellement avec des mets délicats et attrayants. Il propose de sages conseils et des opinions exquises pour les honneurs et les comportements auxquels les hommes aspirent. Il contraint par la douceur des mots, et divertit par le plaisir des phrases, qui sont dispersées comme des fleurs à travers son champ. Celui qui lit avec attention en jugera mieux. Avec attention, a-t-on dit, car c'est ainsi que l'on acquiert les plus grands secrets de la leçon et que l'on affine l'intelligence9 (Suárez de Figueroa 1621 : 10).

En ce sens, l’utilisation conjointe de termes relevant de l’acte de lecture, mais aussi d’expressions induisant une notion de plaisir, est éloquente. De la même manière, la présence du terme « ratos » dans le titre tendrait plutôt à placer Pusílipo, dès le paratexte, du côté de la littérature de divertissement que de celui du didactisme, en convoquant toute une tradition de textes qui mettent l’accent sur ce concept de divertissement.

De la même manière, les références florales que l’on retrouve jusque dans les prénoms donnés aux personnages (Florindo, Rosario, Laureano et Silverio) associées aux deux mentions qui sont faites de la lecture, sont autant d’éléments révélateurs de l’inscription programmatique du texte dans la tradition des miscellanées. En effet, on décèle aisément l’influence de la Silva de varia lección de Mexía et plus particulièrement de son prologue. Cette intuition est confortée par une intervention assez précoce de Florindo qui donne au texte une dimension très pragmatique ; autrement dit, le texte dit ce qu’il est : « (…) Les trois autres points qui vous restent à traiter seront intercalés respectivement dans trois autres périodes ; ainsi, les après-midis seront plus agréables grâce à ces exquises miscellanées10 ». (Suárez de Figueroa 1621 : 29). L’emploi du substantif « miscellanées » peut renvoyer ici aussi bien au contenu éminemment hybride de leurs échanges qu’à l’appartenance générique du texte littéraire. Dès lors, l’utilisation du substantif « lección » évoqué plus haut prend tout son sens puisque par son entremise est convoqué le syntagme titulaire de l’œuvre de Pero de Mexía, Silva de varia lección, mentionnée par Figueroa lui-même dans d’autres de ses œuvres. Or, s’il est bien un genre qui porte immanquablement le seau de l’entre-deux c’est bien la miscellanée (Bradbury 2011). Outre l’évolution connue entre le XVIe siècle et le XVIIe siècle où l’on est passé d’œuvres qui réunissaient des anecdotes pouvant revêtir une coloration extraordinaire voire surnaturelle à des œuvres qui se caractérisent par une alternance de passages narratifs et de savoirs plus érudits, ce genre se caractérise par une pratique étendue de la transtextualité, comme nous serons amenés à le voir dans la troisième partie de cette étude. Au demeurant, l’inscription générique de Pusílipo se révèle nettement moins épineuse que celle de El Pasajero. Il n’en reste pas moins vrai que l’espace textuel figuéroen s’abreuve de différents matériaux littéraires. Ceux-ci s’insèrent dans une tradition bien ancrée mais sont aussi parfois soumis à des processus de réécriture notamment qui les font tendre vers une forme d’innovation.

2. Positionnement de l’œuvre à l’aune de la notion d’entre-deux. Pusílipo : entre tradition et innovation littéraires

Comme expliqué précédemment, les locuteurs de Pusílipo entretiennent des relations amicales. C’est pourquoi pour eux il n’y a aucune nécessité d’échanger sur leurs parcours de vie respectifs. Si c’est là une des pertes majeures par rapport au Pasajero, cela n’implique pas pour autant qu’aucun récit ne vienne s’intercaler. À l’instar de ce que l’on observait déjà dans El Pasajero, certains des récits intercalés dans Pusílipo sont inspirés de contes populaires traditionnels ou reposent sur un réseau de références partagées dont l’utilisation était fréquente dans les textes de l’époque11. Observons pour preuve ce récit tiré de Pusílipo :

SILVERIO. J'ai entendu un jour un certain Bachiller sans la moindre envergure s’en prendre sans retenue à Virgile et à Garcilaso. Le premier le lassait (…), par la longueur, ou devrais-je dire, par l'exhortation prolixe de ses comparaisons, qui, une fois commencées, n'avaient guère de fin selon lui ; et le second, par la faiblesse et la torpeur qui laissaient plusieurs de ses compositions inachevées. Pauvre de moi, moi qui les écoutais, imaginez mon état, en voyant ces deux si vaillantes lumières de l'esprit et de l'élégance traitées si indignement ? Alors, à bout de patience, je voulus leur rendre la pareille, pour ainsi dire, à poing fermé ; mais je me ravisai tout à coup, à cause de ce que j’entendis sortir de leurs bouches. C'était à l'occasion d'une certaine comedia, où le censeur était assisté de part et d'autre par deux étudiants, deux bourdons, qui faisaient office de Critiques. L'un, barbu et plus respectable, dit au déplaisant Pédant (une fois la pièce terminée) : ‘à vrai dire, la comédie était bonne’. Son camarade lui répondit avec une impressionnante célérité : ‘Pour quelle raison a-t-elle été bonne ?’ L'autre, (…) exprimant une opinion contraire, dit : ‘Elle n'était pas bonne avant’. Face à cela, aussi rapide qu'un serpent piétiné, il tourna le visage et répondit au timide contradicteur : ‘Pourquoi donc, dit-il, était-ce mauvais ?’. Il ne permettrait ni que la pièce fût bonne pour l'un, ni qu’elle fût mauvaise pour l'autre. Soucieux, comme je le voyais, que personne ne s'attribue et ne s'arroge le jugement du spectacle passé, il lui semblait que lui seul était le maître supérieur, puisque personne n’avait une connaissance aussi fine que lui. Je perdis alors mon élan courroucé, reconnaissant en lui un petit personnage dont le mordant et la pétulance ne pouvaient offenser un petit pygmée, et d’autant moins deux géants aussi reconnus. C’est pourquoi ces esprits brillants sont offensés et ne reçoivent pas le traitement qu’ils méritent jusque dans les théâtres où ils font l’objet de satires, ou par d'autres moyens, à travers de cinglantes invectives12 (Suárez de Figueroa 1621 : 45).

On identifierait aisément des ponts avec d’autres œuvres de Figueroa car les récits de ce genre de rixe sur fond de dispute littéraire sont récurrents dans les textes de cet auteur qui joue sur une communauté de références littéraires13. Pourtant, même si ce récit reste tributaire de patrons littéraires classiques, on ne peut nier la coloration personnelle que lui donne le narrateur en ajoutant des marques de la première personne, l’inscrivant à nouveau dans une forme d’entre-deux.

Une autre manifestation de l’entre-deux est perceptible dans l’éloge de la vie solitaire qu’entreprend Laureano à travers une composition poétique intitulée Venturoso el Solitario qui nous intéresse à plusieurs égards. Tout d’abord, car plusieurs personnages, à la suite de la déclamation de Laureano, avouent avoir eux-mêmes été tentés par ce mode de vie. C’est le cas de Rosardo notamment : « (…) Un jour, j'ai moi aussi reconnu les naufrages de cette vie, et j'ai essayé de les fuir. Je me suis retiré quelque temps dans cette petite cabane ; isolée, belle, fertile et agréable14 » (Suárez de Figueroa 1621 : 36) ; mais aussi de Florindo : « J'étais aussi tenté par la solitude, mais j'ai vite changé d'avis à cause de la dureté de l'endroit que j'avais choisi. Il était aride, peu confortable, il n'y avait pas d'arbres, pas d'eau. Son climat était trop froid, me contraignant à voir la cime d'une montagne proche, souvent encombrée de pluie et de neige15 » (Suárez de Figueroa 1621 : 37). Même si l’effort reste minime, on ne peut nier la tentative d’individualisation de l’expérience puisque la décision de Florindo est motivée par le peu d’agréments que présente ce lieu qui est configuré comme un anti locus amoenus. On a clairement une remise en cause de l’alabanza de aldea. En résumé, le texte figuéroen donne à voir une sorte d’entre-deux dans la mesure où il reprend des schémas similaires mais distribue différemment les rôles, les prises de position et les opinions. Ainsi, la description de tous les bienfaits de la vie solitaire relève davantage en réalité d’une position de principe à l’instar de ce que l’espace textuel de El Pasajero donnait à voir du Docteur, faisant l’éloge de la vie solitaire avant d’y renoncer pour le manque de confort que celle-ci supposait.

L’éloge d’une vie solitaire et bucolique dans Pusílipo n’est pas soumis à un processus de personnalisation à la différence de ce qu’on avait dans les vers de l’ermite, personnage que le Docteur rencontrait au cours de son itinérance et qui expliquait comment les désillusions de la vie palatine et l’absence de reconnaissance de ses mérites personnels l’avaient conduit à embrasser une vie d’anachorète. Chez Laureano, le texte peine à aller au-delà de la reprise d’un topique littéraire là où les vers de l’ermite dans El Pasajero étaient le fruit d’une expérience de vie. Si Pusílipo donne à voir une version moins aboutie de la production figuéroène, il n’en reste pas moins vrai que le texte oscille perpétuellement entre tradition et innovation. La suite de cette étude ne démentira pas l’importance du concept d’entre-deux qui fonctionne, au contraire, comme un élément structurant de l’œuvre.

3. Vers une pratique généralisée de l’« entre-deux »

La dernière partie de notre étude prétend montrer comment l’œuvre de Figueroa se caractérise par une pratique étendue de l’écriture de « l’entre-deux », entendue comme la structuration de l’œuvre et du propos, sous une apparente discontinuité, passe au contraire par le recours presque systématique à des mécanismes d’écriture qui garantissent son unité et sa cohérence.

À plusieurs reprises, il a déjà été fait mention de la diversité des matériaux littéraires qui constituaient l’espace textuel de Pusílipo et de l’alternance entre sujets sérieux et sujets légers. Or, précisément au sein de cette alternance va fournir une forme de régularité, de continuité l’éloge réitéré du Vice-Roi de Naples, le Duc d’Alcala, qui fait son apparition dès la page 22 à travers un échange entre Rosardo et Florindo qui proposent de parler de politique en évoquant le premier représentant du pouvoir dans le Royaume : « FLORINDO : Sans nous en rendre compte nous sommes entrés dans la politique, et en supposant que le premier objet, à nos yeux, soit le premier et le plus digne personnage du Royaume, il sera juste de lui donner la première place dans notre raisonnement16 » (Suárez de Figueroa 1621 : 22).

Cet extrait fait montre de la rigueur manifeste de la construction, de l’agencement des idées. Plus que dans une conversation informelle, on semble glisser vers le dialogue didactique, ce qui tend à montrer comment les traditions affleurent dans le texte et configurent une fois de plus une forme d’entre-deux. Le même commentaire s’impose à propos de deux passages assez proches de celui qui vient d’être cité : « Avec cette invitation, et cette insistance, que je reconnais être commune aux trois, nous te demandons, O Rosardo, comme tu es plus versé dans ce genre de lettres, d'expliquer ce qui te vient à l'esprit, et ce que tu juges être le plus convenable pour notre instruction17 » (Suárez de Figueroa 1621: 23). Cette courte réplique est envahie par des termes relevant du didactisme (letras, explaneis, nuestra instrucción), à l’instar de la réplique suivante où l’usage du substantif sesión tire encore le texte vers le débat d’idées : « Dans cette première session, proposons donc la doctrine la plus supérieure, célèbre à bien des égards, mais surtout parce qu'elle est la science des rois et des princes18 » (Suárez de Figueroa 1621 : 23). L’éloge du Vice-Roi, à partir de cet échange, va traverser le texte offrant ainsi un axe conducteur, un point vers lequel on revient toujours entre deux compositions poétiques ou entre deux récits populaires. Allons plus loin encore en nous arrêtant page 26 où Silverio propose d’évoquer Guillaume de Chièvres comme contrepoint négatif au portrait du Vice-Roi :

Lorsque les choses sont à proximité de leurs contraires, plus elles brillent et plus elles sont capables de se distinguer : c'est le cas par exemple, du blanc, si le noir en est proche. Je déduis de cette proposition, que ce sera un acte d'ingénieuse inventivité, pendant que vous exposez la conduite louable d'un si parfait recteur, que nous vous opposions les imperfections de Monsieur de Chièvres, qui fut pour le roi Charles en Espagne gouverneur général ; et que Lerma dans ses écrits, avec des mètres si exécrables, récrimine si souvent. Ainsi, celui que vous célébrez sera plus valorisé, et par conséquent plus affecté et déformé que celui que l'autre satirise délicatement19 (Suárez de Figueroa 1621 : 26).

On perçoit encore une fois une forme d’entre-deux à travers la mise en regard avec la politique de de Chièvres, que l’on retrouve également dans les deux chapitres suivants, renforçant l’idée selon laquelle il n’y a pas de discontinuité sans continuité.

Au-delà de ces jeux d’oppositions, c’est aussi et surtout à travers un minutieux réseau de renvois et de répétitions que le concept d’entre-deux est déployé dans l’espace textuel figuéroen où Rosardo affirme que « l’imitation doit prendre le pas sur la leçon » (Suárez de Figueroa 1621 : 26). Or, les emprunts sont la clé de voûte de l’écriture figuéroène. Ces emprunts, qui traversaient déjà l’espace textuel de El Pasajero, sont également présents dès le prologue de Pusílipo qui débute sur une citation du Tasse. Cette réutilisation d’écrits antérieurs est régulièrement explicite chez Figueroa ; c’est le cas par exemple lorsqu’il réutilise à l’identique la composition poétique « Volaste al cielo » aussi bien dans El Pasajero que dans Pusílipo (Daguerre 2019). Mais ces reprises peuvent se décliner aussi de façon plus subtile : « Et comme c'est une qualité caractéristique et ambitieuse de l'homme que d'être sociable, c'était, et cela reste, une ancienne coutume, face à une solitude agréable, que de rechercher ses semblables, afin de ne pas l'affronter seul, grâce à des conversations discrètes, qui sont très utiles à la vie de l'homme20 » (Suárez de Figueroa 1621 : 14). Dans la formule, l’inversion de la place de l’adjectif et du complément (« advertencias utilísimas a la vida humana » VS « a la vida humana utilísimas »), bien qu’assez courante du fait de la souplesse de la langue castillane, est trop évidente pour ne pas répondre à une stratégie. En dépit d’une relative artificialité, le pouvoir d’évocation de cette formule est indéniable et ne saurait échapper au lecteur. La reprise de cette partie du syntagme titulaire combinée à celle du terme « conversación », constituent donc autant d’indices de la parenté idéologique entre les deux œuvres. Par l’entremise de ces jeux de répétitions, l’auteur configure une méta-conversation puisque, par-delà le texte et par-delà la fiction, c’est un véritable échange qui semble se tisser entre l’auteur et sa création.

Conclusion

L’objectif du présent article était de vérifier que la notion d’entre-deux pouvait constituer une grille de lecture pertinente pour l’analyse de Pusílipo. S’il manque le fil conducteur du voyage qui était présent dans El Pasajero, ce qui contribue à conférer une plus grande artificialité à l’espace textuel, Figueroa reprend, comme dans ses œuvres précédentes, des topiques, des schémas littéraires classiques qu’il passe à travers le tamis de l’innovation. Qui plus est, on peut légitimement considérer que le texte nous donne à voir certains éléments littéraires de manière implicite ; cette stratégie d’écriture repose, une fois de plus, sur la notion d’entre-deux en tissant un texte, en sous-main, dans les interstices révélant, de la sorte, une grande minutie dans la construction de ces œuvres qui, sous leur apparente discontinuité, sont savamment élaborées. Le soin et la rigueur de la construction passent par le recours généralisé de figures de répétitions et de renvois qui inscrivent une fois de plus le texte dans une logique de « l’entre-deux » et qui constituent un espace textuel foisonnant où chaque matériau constitue, d’une certaine manière, les pierres d’un gué.

Bibliography

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VV.AA, Genres hybrides et libres mixtes au Siècle d’Or, Mélanges de la Casa de Velázquez, 43/2, 2013.

Notes

1 « Quien busque noticias de apacible curiosidad, sátiras tan crueles como ingenio­sas, gran repertorio de frases venenosas y felices, rasgos incomparables de cos­tumbres, lea El pasajero, en el cual, sin embargo, lo más interesante de estudiar que yo encuentro es el carácter mismo del autor, público maldiciente, envidioso universal de los aplausos ajenos, tipo de misántropo y excéntrico que se destaca vigorosamente del cuadro de la literatura del siglo XVII, tan alegre, tan confiada y tan simpática. Tal hombre era una monstruosidad moral, de aquellas que ni el ingenio redime. Le tuvo, y grande, juntamente con una ciencia profunda de nuestra lengua, pero lo odioso de su condición y el mismo deseo de mostrarse solapado y agudo, con mengua de la claridad y del deleite, condenaron sus escri­tos al olvido, perdiendo él en honra propia lo que a tantos buenos había quitado ». L’ensemble des traductions fournies dans cet article sont nôtres, l’œuvre de Figueroa n’ayant fait l’objet d’aucune traduction publiée. Return to text

2 C’est le cas notamment de Flavia Gherardi qui affirme que « Rosardo, l’homme âgé, est expert en la matière et conformément à une caractéristique du genre il est aussi le porte-parole direct et la projection de l’auteur dans l’œuvre » ; (« el anciano Rosardo, […] es experto en la materia y, conforme a una característica del género,portavoz directo y proyección del autor de la obra », Gherardi 2013 : 205). Return to text

3 « Ce dossier propose une réflexion autour de certaines œuvres, perçues actuellement à mi-chemin entre deux genres artistiques, comme la prose et le vers, ou bien entre deux disciplines : histoire et littérature, littérature et philosophie, ou encore littérature et politique. Il est probable qu’au Siècle d’or, les divers assauts faits aux genres classiques — épique, lyrique, dramatique — soient dus à la créativité des grands auteurs de l’époque et à l’esprit de polémique dans lequel certaines nouveautés étaient reçues. Mais il est vraisemblable aussi que le monde de l’imprimerie, que nous appellerions aujourd’hui édition, a pu entrevoir l’intérêt de mélanger la poésie et l’image, ou l’écriture et la gravure, pour proposer un produit hybride, plus attirant pour les lecteurs ; ou bien de lancer des brochures de circonstance, tels que les libelles politiques, qui ne faisaient pas partie des genres canoniques. Les sept articles de notre monographie analysent certains desdits phénomènes, à partir de certaines œuvres mêlées, tandis que le contrepoint propose une nouvelle hypothèse sur le genre (les genres) et les intentions du Criticón de Baltasar Gracián » (VV.AA, 2013 : Introduction). Return to text

4 « Así, de aquí adelante, permitirán nuestras juntas, también la recreación de los versos, admitidos como intermedios de otras más nerviosas pláticas; o como curiosos cuadretes, que para gusto, y olfato comprehenden frutos, y flores ». Return to text

5 « Mas si a todos pareciere, no se gaste todo lo grave en la Junta de un solo día. Dejemos algo para las otras; entreverando, como más arriba enseñastes, juguetes de más dulzura, y al entendimiento menos gravosos ». Return to text

6 «  JUNTA. s. f. Ayuntamiento o congresso de varias personas en un mismo lugar, para consultar y resolver alguna matéria. Latín. Congressus. Concilium. QUEV. Visit. En los tiempos passados, que la Justicia estaba más sana, tenia menos Doctores: y le ha sucedido lo que a los enfermos, que quantas más juntas de Doctores se hacen sobre él, más peligro muestra. SOLIS, Hist. de Nuev. Esp. lib. 4. cap. 2. A cuyo fin convocó una junta de sus amigos y parientes, que se hizo de secreto en su Palácio ». Return to text

7 « ENTREVERAR. v. a. Mezclar o enxerir una [iii.524] cosa entre otra ». Return to text

8 « INTERMEDIO, DÍA. adj. Lo que está en medio de una y otra cosa, o en medio de dos extremos. Return to text

Se llama tambien el espacio de tiempo que se espera hasta que llegue el en que se ha de hacer o determinar alguna cosa, o el espácio que hai entre qualesquiera dos cosas ».

« INTERMEDIO. Usado como substantívo, se llaman en los espectáculos y theatros, aquellas diversiones o piezas, que sirven de divertir a los que las ven, para que no cáusen hastío, y poder entre tanto descansar los representantes o cantores ».

9 « Dél se podrá colegir, no haya dentro cosa de sustancia; y con todo, entenderlo así, sería manifiesto engaño. Ardid y estratagema fue para alentar desganados, como se suele con manjar delicado, y atractivo. Propone consejos sabios, y exquisitos pareceres para las honras, y manejos a que se previenen los hombres. Obliga con la dulzura de las palabras, y recrea con el deleite de las sentencias, que como flores van por su campo esparcidas. Desto hará mejor juicio quien con atención leyere. Con atención se dijo; porque así se adquieren mayores secretos de la lección, y se adelgaza más la inteligencia ». Return to text

10 « (…) Los otros tres puntos que os quedan, se interpolarán en otras tantas siestas, en cada una el suyo, que con tan exquisitas Misceláneas, serán más gustosas las tardes ». Return to text

11 Sur les contes et les récits intercalés, on consultera avec profit l’étude désormais classique de Carmen Hernández Valcárcel et plus particulièrement les pages consacrées à Figueroa (Hernadez Valcarcel 2002 : 381-384). Return to text

12 « SILVERIO. A cierto Bachillerejo de ninguna substancia, oí un día poner de vuelta, y media a Virgilio, y a Garcilaso. Cansábanle (…) en aquél, la extensión, o sea exornación prolija de las comparaciones, que comenzadas, apenas en su opinión tenían fin: y en éste la flojedad, y desmayo, con que dejaba perniabiertas muchas de sus composiciones. Pobre de mí, yo que tal escuchaba, ¿cómo os parece que estaría, viendo tratar tan indignamente aquellas dos tan valientes lumbres de ingenio, y de elegancia? Perdida pues, la paciencia quise sin lengua volver por ellos, como si dijésemos, a puño cerrado: mas al improviso mudé pensamiento, por lo que con brevedad sentí caer de su boca. Era esto en cierta comedia, donde al tal censurante le asistían por lados, dos estudiantones, dos zánganos, dos donados, o choclones, en figura de Críticos. Dijo el uno, barbón de más respeto, vuelto a su desabrido Pedante (ya la farsa concluida): Por vida mía, que ha sido buena la comedia. Respondiole el Capigorrón con velocidad celérica. ¿Por qué causa ha sido buena? El otro visto el desabrimiento del semblante, que a la aprobación del compañero había descubierto su Viceoráculo, manifestando contraria opinión, publicó: Antes no lo ha sido. A esto con velocidad de víbora pisada, volviendo rostro, y respuesta al tímido contradiciente: ¿Pues por qué, dijo, ha sido mala? Por manera, que en un instante, no quiso permitir en el uno, que fuese buena, ni que fuese mala en el otro. Celoso a mi ver, de que ninguno se atribuyese, y abrogase el juicio de la representación pasada, pareciéndole tocaba a él solo como a superior maestrazo: puesto que ninguno como él, alcanzaba tan perspicaz conocimiento, y suficiencia. Con esto perdí el ímpetu iracundo, teniéndole por menguada figura, cuya mordacidad, cuya petulancia no podía ofender a un cortísimo pigmeo, cuanto más a los dos tan desmesurados gigantones. De aquí nace, ofenderse por momentos estos ingeniosos; maltratándose hasta en los teatros con sátiras, y por otros caminos con picantes invectivas ». Return to text

13 Sur ce point voir Bradbury (2014). Return to text

14 « También yo algún día reconocí los naufragios desta vida, y traté de huirlos. Retireme algún tiempo a esta pequeñuela choza; estando solitaria, bella, fértil y amena ». Return to text

15 « Asimismo he tenido yo mi tentación de solitario, mas presto mudé pensamiento, por la aspereza del lugar escogido. Era estéril, mal cómodo, no tenía árboles, ni agua. Su temple demasiado frío, dándome pesadumbre de ver un cercano monte se atestase a menudo en la cabeza el sombrero de lluvias y nieves ». Return to text

16 « FLORINDO. Sin pensar nos hemos entrado en la Política: y supuesto que el primer objeto, fue a nuestros ojos la primera, y más digna persona del Reino; será asimismo acertado, concederle en nuestro razonamiento también el lugar primero ». Return to text

17 « Con este incentivo, y aditamento, que reconozco ser en los tres común, os hacemos, oh Rosardo, instancia, que como más versado en tal género de letras, explanéis lo que os ocurriere, y juzgáredes ser para nuestra instrucción más conveniente ». Return to text

18 « Propóngase pues, en esta Sesión primera, la más superior dotrina; célebre por muchos respetos, mas sobre todos, por ser ciencia de Reyes, y Príncipes ». Return to text

19 « SILVERIO. Las cosas al lado de sus opuestos más lucen y más campean: ejemplo en lo blanco, si tiene cerca lo negro. Infiero desta proposición, será acto de ingeniosa inventiva, mientras fuéredes exponiendo el loable proceder de tan perfecto Rector, os vamos contraponiendo las imperfecciones de Monsiur de Gevres, Gobernador general que fue por el Rey Carlos en España; a quien Lerma en sus escritos, con tan execrables metros, tantas veces vitupera. Así, el que vos celebráredes quedará más realzado, y por el consiguiente más abatido y deforme el que el otro delgadamente satiriza ». Return to text

20 « Y siendo propria, y ambiciosa calidad del hombre, el ser sociable; fue, y es antigua costumbre aquella amena soledad, el buscarse los más cercanos, para pasarla menos sola, con discretas conversaciones, a la vida humana utilísimas ». Return to text

References

Electronic reference

Blandine Daguerre, « L’entre-deux : une grille de lecture pour Pusilipo de Cristóbal Suárez de Figueroa ? », Textes et contextes [Online], 19-1 | 2024, 15 July 2024 and connection on 17 September 2024. Copyright : Licence CC BY 4.0. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/textesetcontextes/index.php?id=4562

Author

Blandine Daguerre

Maître de Conférences en Études Hispaniques, laboratoire ALTER Arts/Langages. Transitions & Relations. UR 7504, Université de Pau et des Pays de l’Adour, avenue de l’Université, 64012 PAU Université

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