Berceuses et chants d’enfant arctiques : perspective circumpolaire

  • Arctic Lullabies and Children’s Songs: A Circumpolar Perspective

Résumés

Chez les peuples autochtones circumpolaires, en Eurasie comme en Amérique et au Groenland, des pratiques remarquablement similaires ont été documentées, consistant à attribuer aux nouveau-nés et aux enfants des chants individuels. Ceux-ci sont utilisés en tant que berceuses, c’est-à-dire afin d’accompagner l’endormissement, mais aussi pour consoler l’enfant, le motiver, le protéger, consolider son identité individuelle, susciter en lui joie, fierté ou embarras, sourires ou comportements infantiles, développer son attachement ou lui exprimer son amour et son attention. Cet article identifie un ensemble de similarités entre les traditions de peuples finno-ougriens, samoyèdes, paléoasiatiques et Inuit. L’hypothèse d’une diffusion par migrations à partir d’un foyer sibérien ou par échanges culturels continus entre populations circumpolaires est discutée. Cette étude souligne ainsi la propension des pratiques de l’intime à voyager et se maintenir avec une certaine permanence, en dépit des bouleversements sociaux et des expériences coloniales.

Among the indigenous people living in the Arctic area, in Eurasia as in America and Greenland, some remarkably similar practices have been documented, consisting in attributing individual songs to infants and children. These songs may be used as lullabies, namely as a means of soothing them to sleep, but also to comfort them, to protect them, to strengthen their individual identities, to bring them joy, pride, or embarrassment, smiles or babyish behaviour, to develop attachments, or to express love and attention to them. This article reviews some of the similarities between the traditions of Finno-Ugric, Samoyed, Paleoasian, and Inuit peoples. The hypothesis of a diffusion through migrations from a Siberian source or through continuous cultural exchanges between circumpolar peoples is discussed. This study thus stresses the propensity of intimate practices to travel and maintain themselves with a certain constancy, despite social changes and colonial experiences.

Plan

Texte

Introduction

La berceuse est fréquemment présentée comme une expression universelle chez l’humain : en deçà de la diversité des cultures musicales, la tendresse et l’affection envers les nouveau-nés et jeunes enfants constitueraient une sorte de fonds commun à l’expressivité vocale, faisant de la berceuse « l’une des rares manifestations musicales inhérentes » à notre espèce (Doja 1997 : 87). Malgré son attrait, cette idée se heurte aux observations de certains ethnographes, surpris par l’absence d’un genre supposé incontournable sur leur terrain d’enquête, notamment dans certaines régions d’Europe (e.g., Andrš 2014 : 35, Bartók 1967 : xlii-xliii), de Polynésie (e.g., Burrows 1940 : 340, Kaeppler 1980 : 142, Solomona 2009 : 27) et, surtout, de l’espace autochtone américain (e.g., Merriam 1967 : 164, Morelli et al. 1992 : 608, Seeger 2000 : 81).

Le cas de l’aire circumpolaire est singulier à cet égard : de la Scandinavie au Groenland, en passant par la Sibérie et l’Amérique du Nord, on y trouve une pratique remarquablement homogène parmi les populations autochtones, consistant à attribuer aux nouveau-nés et jeunes enfants des mélodies personnelles. Chez certaines communautés, ces mélodies offrent un répertoire privilégié pour calmer et endormir les enfants, à la manière de berceuses telles qu’elles se pratiquent ailleurs en Europe. Leurs fonctions dépassent néanmoins largement le cadre de l’endormissement et incluent notamment expression de l’amour parental, jeux et taquineries, consolidation de l’identité individuelle des enfants et prédiction de leur avenir. Dans la plupart des cas, ces chants peuvent être chantés par des femmes ou par des hommes, notamment le père de l’enfant.

Les sections suivantes visent à présenter et interpréter les similarités entre une série de communautés vivant dans les régions arctiques et subarctiques du globe. Il s’agit exclusivement de peuples dits « autochtones », ou « indigènes », héritiers de cultures nomades liées, selon les cas, à l’élevage de rennes, à la chasse ou à la pêche, colonisées à différentes époques par les populations scandinaves, russes ou nord-américaines, et appartenant à des groupes linguistiques divers : finno-ougriens, samoyèdes, paléoasiatiques et Inuit.1

Aborder en détail les cultures musicales et pratiques de parentage au sein de ces groupes dépasserait largement l’ambition de cet article, qui ne s’attardera que sur le cas Sámi, étudié dans le cadre de mon propre travail de terrain ethnographique, pour donner certains éléments de contextualisation.2 De même, étant donné l’échelle de la comparaison, les variations régionales entre groupes de même langue ne sont que brièvement abordées, tandis que l’emphase est placée sur les mentions attestant la présence de chants d’enfants personnalisés et sur certaines caractéristiques communes.

La méthode utilisée est celle d’un examen systématique de la littérature ethnographique en langues Sámi, norvégienne, russe, anglaise, française et danoise. Sur cette base, une interprétation de la diffusion des berceuses et chants d’enfant arctiques est proposée, en lien avec les connaissances actuelles sur les mouvements de migration entre la Sibérie, l’Arctique américain et l’Europe du Nord.

Certaines similarités entre cultures circumpolaires sont connues de longue date (Bogoraz 1929) et couvrent aussi bien des formes d’organisation sociale (structures flexibles et largement égalitaires), de subsistance (nomadisme, élevage et chasse) et de pratiques rituelles (importance du chamanisme) (Oosten & Rémie 1999 : 3) plus ou moins présentes de nos jours, que des schèmes ontologiques (prépondérance de « l’animisme ») (Descola 2005). Les berceuses et chants d’enfant constituent un exemple de tradition dont certains aspects sont remarquablement constants au sein de cet espace, illustrant la propension des pratiques de l’intime à voyager et se maintenir avec une certaine permanence, en dépit des bouleversements sociaux et des expériences coloniales.

1. Les Sámi et le dovdna

Les Sámi occupent un territoire traditionnellement situé au Nord de la Scandinavie et de la Finlande, ainsi que sur la péninsule de Kola en Russie. Considérés comme l’unique peuple autochtone présent au sein de l’Union Européenne, ils sont principalement connus en tant qu’éleveurs de rennes, activité qui ne concerne qu’une minorité de la population Sámi actuelle, bien qu’elle continue à porter une forte valeur symbolique en matière d’identité culturelle.

La principale pratique musicale propre aux Sámi est le yoik.3 Elle consiste à attribuer à une personne, un animal ou un lieu une mélodie spécifique, chantée avec ou sans paroles, sans accompagnement musical et de manière répétitive. Comme dans d’autres traditions de chants personnels de l’espace circumpolaire (personal song en anglais, lichnaya pesnya en russe) (cf. Nikolsky et al. 2020), chaque membre de la communauté est susceptible d’avoir sa propre mélodie, chantée au cours de la vie de tous les jours afin de penser à cette personne, la saluer ou la rendre présente par la voix. Certains chants, moins nombreux mais néanmoins appréciés des chanteurs Sámi, visent à évoquer et rendre présents des animaux (on parle du yoik du loup, du moustique, du saumon ou encore du lièvre) ou des lieux, tels qu’un village, une vallée ou une rivière.

Le yoik est l’une des traditions musicales les plus documentées de l’aire arctique (Aubinet 2023, Edström 1978, Graff 2004, Hilder 2013). Un aspect particulier demeure néanmoins méconnu : celui des chants attribués aux nouveau-nés et aux enfants. Ce n’est en effet qu’à l’âge de la confirmation (aux alentours de 15 ans) qu’une personne peut recevoir un yoik ‘adulte’ pouvant être conservé toute la vie. Auparavant, les enfants reçoivent une mélodie temporaire appelée ‘yoik d’enfant’ (mánáluohti en Sámi du Nord), ou dovdna. Un dovdna s’apparente à un yoik simplifié, minimaliste, plus court qu’une mélodie adulte et chanté avec tendresse. Plus tard, l’attribution d’un yoik adulte pourra se faire de différentes manières, notamment en créant une nouvelle mélodie, mais aussi, dans certains cas, en développant le dovdna de l’enfant, en lui donnant une structure plus élaborée et une interprétation moins infantile. Un dovdna reposant sur un unique motif mélodique peut ainsi donner lieu à un yoik adulte articulant plusieurs motifs selon une structure de type ABAC, ABAB ou ABBC. Le dovdna constitue alors un point de départ et une source d’inspiration ; empruntant au musicologue Yuriy Sheykin (2018 : 35) une expression qu’il utilise en contexte Chukchi, le dovdna fait ici office « d’embryon mélodique ».

Les dovdna peuvent être utilisés à la manière des berceuses, afin d’accompagner un enfant dans son endormissement. Il s’agit néanmoins ici de berceuses personnalisées : dès leur plus jeune âge, les enfants Sámi sont réputés capables de reconnaître leur propre mélodie et conscients de l’attention exclusive qui leur est donnée lorsqu’elle est chantée. En outre, la fonction du dovdna dépasse largement celle de la berceuse et peut tout aussi bien servir à motiver un enfant et lui donner confiance en lui-même. Une même mélodie peut ainsi être chantée avec différentes intonations afin d’apaiser ou, au contraire, de stimuler l’enfant.

Comme les yoiks d’adultes, le dovdna contribue également à consolider le sentiment d’identité individuelle, en assignant à l’enfant un modèle mélodique censé refléter son caractère et son comportement présent ou futur (Andreassen 2017 : 64). Les parents peuvent ainsi chercher à influencer le développement de leur enfant et lui transmettre, à travers le choix d’une mélodie, certaines qualités, telles que le fait de courir vite ou d’avoir une personnalité positive (Buljo 1998 : 141). En ce sens, le dovdna fait office d’outil d’éducation, au même titre qu’un ensemble de pratiques Sámi incluant certaines manières de nommer (gáibmi) et de taquiner (nárrideapmi) les enfants (Balto 1997).

La tradition du yoik est loin d’être pratiquée par l’ensemble de la population Sámi actuelle. L’attribution de dovdna aux enfants semble encore plus restreinte et il se pourrait qu’elle représente aujourd’hui l’exception plutôt que la règle dans les techniques de bercement Sámi. Le genre de la berceuse, telle qu’elle est pratiquée ailleurs en Europe, c’est-à-dire sous la forme de mélodies chantées indistinctement à tout enfant pour l’endormir, n’est pas inconnu chez les Sámi. Certaines de ces mélodies présentent d’ailleurs de fortes similarités avec les berceuses interprétées par les Scandinaves (non-Sámi) (Anderson 1978 : 185). Les dovdna représentent néanmoins un genre plus intime : la mélodie d’un enfant est rarement connue au-delà du cercle restreint de la famille.

Lorsqu’une personne atteint l’âge de recevoir son yoik adulte, il est rare que le dovdna soit encore chanté, si bien que bon nombre d’adultes semblent avoir oublié leur mélodie d’enfant. Leur yoik personnel est désormais public et peut être largement connu à l’échelle de la communauté : pour beaucoup, le fait de recevoir cette mélodie représente une forme d’acceptation en tant que membre à part entière de cette communauté (Jernsletten 1978 : 110). À partir de ce moment, entendre son propre dovdna, genre ancré dans une relation plus restreinte avec la famille proche, peut paraître embarrassant et infantilisant (Gaup 2015 : 31).

2. Sibérie

Comme les Sámi, les Nenets, peuple samoyède présent principalement sur les péninsules de Yamal et de Taïmyr en Sibérie occidentale, disposent de deux ressources musicales pour endormir leurs enfants : d’une part les berceuses proprement dites, d’autre part des chants personnalisés appelés nyukubts. Ces derniers sont composés par la mère, la grand-mère ou une sœur – plus rarement le père ou un frère – au moment de la naissance ou peu de temps après (Niemi 1998 : 107, Dobzhanskaya 2017 : 577). Comme dans le pays Sámi, les mélodies sont simples, de manière à être aisément mémorisables. Elles tendent à prédire certains aspects de l’avenir de l’enfant, coexistent avec des berceuses non personnalisées, et ne sont plus chantées en présence de la personne évoquée une fois l’âge adulte atteint. Les nyukubts ne sont pas pour autant oubliés et peuvent être chantés en son absence (Dobzhanskaya 2017 : 577-580). Ils sont connus au sein de la communauté et chantés aux enfants lorsque ceux-ci rendent visite à d’autres personnes, de manière à leur souhaiter la bienvenue ou bonne chance. Les nyukubts ont également été décrits comme des outils pour développer l’identité de genre des enfants ou servir de charmes de protection (Niemi 1998 : 107, Serpivo 2017 : 140).

Les Nganassan, autre peuple samoyède occupant notamment la péninsule de Taïmyr, ont recours à des chants appelés njuo bəly, ayant également fait office de protection magique par le passé (Dobzhanskaya 2015 : 8). Lorsque l’enfant devient adulte, un nouveau chant lui est assigné. Comme chez les Nenets et à la différence du contexte Sámi contemporain, les Nganassan créent leur propre chant adulte. Celui-ci peut évoluer et reflète la longueur de la vie : plus une personne vit longtemps, plus son chant sera long (Ojamaa 2002 : 80). Le chant est habituellement accompagné d’un texte indiquant le nom de l’enfant et décrivant son caractère (par exemple, le fait qu’il pleure beaucoup) sur un ton enjoué (Ojamaa 2002 : 79). Contrairement aux dovdna, ces chants ne sont en principe pas utilisés pour bercer l’enfant, mais seulement pour le stimuler et le taquiner, en utilisant des paroles infantiles et un ton plaintif, l’effet recherché étant de submerger l’enfant par l’attention reçue (Dobzhanskaya 2015 : 8). Un autre genre vocal, consistant en berceuses non personnalisées, est pratiqué par les hommes et par les femmes.

Plus au Sud, les Khanty et Mansi, peuples finno-ougriens de Sibérie occidentale, ont coutume d’attribuer trois chants différents au cours de la vie d’un individu : un chant enfantin composé habituellement par la mère après la naissance, un chant adulte que l’on compose pour soi-même et, dans certains cas, un chant créé à l’âge de la vieillesse, à caractère autobiographique et anticipant la mort (Savchuk 2018 : 174).

En Sibérie orientale, les Yukaghir appellent shiishii les chants personnels enfantins. Ceux-ci sont envisagés comme une troisième forme de nom pour le jeune individu, au même titre que son nom officiel (souvent russe) et son surnom. Ces chants incluent onomatopées et formules répétitives. Ils peuvent être chantés à différents rythmes, selon le but envisagé : stimuler l’enfant, le bercer ou soigner une maladie. Ces chants semblent principalement interprétés par les mères (Zhukova 2013 : 33-34).

Enfin, les Chukchi du Nord-Est sibérien pratiquent également un type de chants personnels enfantins servant principalement de berceuses (Vensten-Tagrina 2008 : 17), appelés chakchechang (Sheykin 2018 : 35). Comme chez les Sámi, ces mélodies préfigurent celles que reçoivent les individus à l’âge adulte (D’yachkova 2017 : 107) et sont destinées à influencer l’avenir des enfants ou à exprimer les souhaits des parents (D’yachkova 2016 : 71). Ces chants sont attribués immédiatement après la naissance et peuvent être chantés par les pères (Sheykin 2018 : 38). L’ethnologue Vladimir Bogoraz rapportait au début du xxe siècle que les berceuses occupent une place particulièrement valorisée chez les Chukchi, de sorte qu’un chant particulièrement beau peut être qualifié de « berceuse », quel que soit son genre (Bogoraz 1910 : 120).

3. Amérique du Nord et Groenland

De l’autre côté du Détroit de Béring, les communautés Yup’ik d’Alaska appellent inqum les chants personnels d’enfants (Johnston 1989). Ceux-ci comportent habituellement des textes compris uniquement par les membres de la famille proche. L’inqum d’un enfant mentionne généralement son surnom et certains traits physiques ou psychologiques, ou encore des événements de sa vie, tels que sa première capture d’animal. Des strophes peuvent être ajoutées au cours de la vie de l’enfant, de sorte que l’inqum prend peu à peu la forme d’un récit autobiographique. On chante l’inqum à la manière d’une berceuse, pour endormir les enfants, bien que sa fonction première soit, plus largement, d’exprimer l’amour parental. Le chant, en évolution constante, est conservé par l’individu tout au long de sa vie. À l’âge adulte, il est possible de chanter son propre inqum afin de se rassurer en situation de stress.

Au Nord de l’Alaska, les Iñupiat ont une pratique moins musicalisée, à mi-chemin entre le « mamanais » (motherese en anglais, une manière de s’adresser aux enfants répandue dans la plupart des cultures humaines, consistant notamment à accentuer l’intonation vocale) et les chants enfantins d’Eurasie. Le nuniaq consiste en une allitération rythmée de mots et de syllabes sans signification servant à articuler la relation de parenté entre l’interprète et l’enfant et à établir une connexion émotionnelle, tout en décrivant certains traits physiques, psychologiques, ou certains maniérismes propres à l’enfant (Sprott 1999). Chaque adulte utilise en principe un nuniaq spécifique pour s’adresser à un enfant donné, de sorte que le même enfant peut avoir une multitude de formules qui lui sont attribuées. L’objectif n’est pas de bercer l’enfant, mais d’éveiller en lui une réaction typique appelée uŋa et variant d’un individu à l’autre : en entendant son nuniaq, l’enfant a tendance à sourire, à danser, à chercher des câlins, à ramper sur le sol ou, plus généralement, à « faire le bébé ». Le nuniaq ne s’exprime qu’au sein du cercle restreint de la famille et rarement au-delà de l’âge de 4 ou 5 ans : en dehors de ce contexte, il serait vécu par l’enfant comme embarrassant.

On trouve des formules similaires chez diverses populations Inuit à travers le Canada. Si le terme aqausiq peut désigner par endroits un chant destiné à endormir un enfant (Dorais 2010 : 166), il évoque plus habituellement un ensemble de vers rythmés semblables au nuniaq. Dans le Nunavut, on compose un aqausiq pour son propre enfant, pour un neveu ou une nièce, des petits-enfants, un frère, une sœur ou un cousin plus jeune, ou encore des enfants d’amis (Bathory 2011 : 20). L’aqausiq n’est pas strictement privé, puisque certaines formules sont diffusées à la radio, par exemple à l’occasion d’un anniversaire (Bathory 2011 : 24-25), tandis que d’autres ont été adaptées par des artistes Inuit de manière à être interprétées sur scène (Duvicq 2016 : 18). La formule utilisée décrit le caractère de l’enfant et la relation singulière qu’il entretient avec l’interprète, sur un ton affectueux. Si l’enfant est parfois décrit en termes négatifs, ce n’est pas seulement dans une intention taquine, mais aussi pour éviter que son âme ne soit dérobée par un esprit malfaisant (Bathory 2011 : 21). Cette idée se retrouve en Sibérie, notamment chez les Nenet, où l’on évite de décrire la beauté ou la bonne santé d’un enfant dans les nyukubts (Serpivo 2017 : 140).

Comme chez les Iñupiat d’Alaska, l’objectif d’un aqausiq est de susciter une réaction spécifique chez l’enfant, appelée ici qaqajuq (ou qaqavoq au Groenland), mêlant timidité et fierté, et manifestée par des sourires, bonds, gazouillements et mouvements de la langue à l’intérieur de la bouche (Bathory 2011 : 12, Kleivan 1976 : 6). De même, chaque paire enfant-adulte peut donner lieu à un aqausiq spécifique (Crago, Annahatak & Ningiuruvik 1993 : 211). Il existe toutefois des différences notables d’une région à l’autre de l’Arctique canadien. Tandis que, dans le Nunavik (Québec), il est possible de prononcer un aqausiq en l’absence de l’enfant afin de penser à lui et invoquer son image (Petit 2011 : 71), certains Inuit du Nunavut indiquent que la présence de l’enfant est indispensable (Ekho & Ottokie 2000 : 19, 108). De même, la valeur propitiatoire de l’aqausiq semble absente dans la région d’Igloulik, mais préservée dans celle de Tununiq (Petit 2011 : 72). Enfin, chez certains groupes Inuit, il semble que l’aqausiq ait autrefois consisté en chants proprement dits, à la manière des traditions sibériennes et Yup’ik, et non en simples formules rythmiques (Petit 2011 : 72).

Cette dimension musicale se retrouve d’ailleurs au Groenland. Comme dans le cas des dovdna, les chants groenlandais aqaat servent non seulement à interagir avec des enfants éveillés et leur exprimer de l’affection, mais aussi à les calmer et les endormir (Kleivan 1976 : 6). Ils sont principalement créés et interprétés par des femmes, en particulier la mère de l’enfant, sa grand-mère ou sa grande sœur, voire une sage-femme (Kleivan 1976 : 6, Olsen & Hauser 2001 : 3). Au cours de la vie d’un individu, son chant peut être interprété à l’occasion de rites de passage. Dans certaines légendes groenlandaises, des personnes décédées ont pu être ramenées à la vie en chantant leur aqaat (Kleivan 1976 : 15).

Enfin, les chants aqaat rejoignent la pratique Sámi dans la mesure où ils contribuent à renforcer certains traits physiques ou psychologiques identifiés chez l’enfant et, ainsi, à consolider son identité (Kleivan 1976 : 19). De manière plus spécifique, les chants aqaat ont la réputation de renforcer chez l’enfant son inua (Grønlands Nationalmuseum & Arkiv), un concept Inuit parmi d’autres termes communément traduits par « esprit » ou « âme ». Les chants groenlandais, qu’ils concernent les adultes ou les enfants, sont ainsi censés refléter la force spirituelle de la personne. De même, le terme taanera fait référence au noyau mélodique à la base du chant, en écho au concept de tarneq, traduit, lui aussi, par « âme » (Hauser 2010 : 441).

L’usage de ces termes pourrait refléter la propension des chants personnalisés à développer et préserver l’individualité d’une personne. Il indique également une piste de recherche potentielle. L’acte de nommer a récemment été décrit dans le monde circumpolaire comme une manière d’instaurer l’âme des individus après leur naissance (Walsh et al. 2019), tandis que les yoiks adultes présentent eux-mêmes des caractéristiques spirituelles suggérant un parallélisme entre âme et mélodie (Aubinet 2023 : 59). Sur la base de ces observations, le lien exact entre les chants individuels attribués aux enfants (parfois décrits comme des « noms chantés », cf. Savchuk 2018: 174) et les conceptions autochtones de l’âme demeure à explorer.4

4. L’intime, d’un continent à l’autre

Au terme de ce parcours, l’espace circumpolaire semble remarquablement cohérent dans sa pratique d’attribuer aux enfants des chants ou des formules rythmiques stéréotypées. Chez certaines communautés, y compris les deux groupes les plus éloignés (Sámi d’une part, Groenlandais d’autre part), ces chants font office de berceuses. Néanmoins, aucune de ces traditions n’est strictement limitée au contexte de l’endormissement. Consoler l’enfant, le motiver, le protéger, consolider son identité individuelle, susciter en lui joie, fierté ou embarras, sourires ou comportements infantiles, développer son attachement et lui exprimer son amour et son attention, sont autant de buts recherchés par les interprètes qui, selon les cas, peuvent déborder la sphère féminine et inclure le père ou d’autres interprètes masculins.

Comment expliquer une telle correspondance, d’un continent à l’autre et des deux côtés de l’Atlantique Nord ? L’hypothèse d’une convergence des pratiques, c’est-à-dire d’une émergence indépendante de traditions similaires en différentes régions, ne peut pas être écartée d’emblée : après tout, on trouve des exemples d’attribution de chants individuels en d’autres régions du monde, notamment en Mélanésie, où les Yupno de Papouasie-Nouvelle-Guinée attribuent un type particulier de formule mélodique aux jeunes enfants, qui sera remplacé à l’adolescence par une mélodie plus développée servant de marqueur d’identité individuelle (Ammann et al. 2013). Néanmoins, étant donné la continuité géographique des régions de l’espace circumpolaire et l’homogénéité des traditions ici décrites, l’hypothèse d’une diffusion de la pratique à travers des mouvements migratoires ou des échanges interculturels semble plus plausible.

On retrouve ici les trois explications possibles proposées par Jean-Jacques Nattiez concernant les similarités entre les chants de gorge sibériens et Inuit, basées respectivement sur (1) l’universalisme, (2) le diffusionnisme ou (3) la phylogénèse (Nattiez 1999 : 411). Les similarités entre dovdna et chants Yupno ne peuvent que donner lieu à une interprétation du premier ordre, au sens où la similarité ne peut être due à une diffusion culturelle entre l’Arctique et la Mélanésie (second type d’explication), ni à l’hypothèse d’une origine commune (troisième type d’explication). Nattiez rejette également la thèse du diffusionnisme, jugeant que l’aire géographique couverte par les cultures musicales qu’il étudie est trop large pour résulter de simples emprunts. La thèse qu’il retient est celle de l’origine commune des populations pratiquant le chant de gorge arctique.

En l’absence de sources documentant les pratiques musicales de l’Arctique à des périodes reculées, cette thèse comporte nécessairement une dimension spéculative. Depuis la proposition de Nattiez, les études de génétique comparée et de paléogénomique permettant néanmoins de lui apporter un certain crédit. Selon ces sources, les populations autochtones qui habitent aujourd’hui l’essentiel du continent américain seraient principalement issues d’un mouvement de population à travers le Détroit de Béring (alors émergé) datant d’il y a environ 15 000 ans ; le premier peuplement du continent semble néanmoins largement antérieur, comme l’indiquent des traces de pas de 23 000 ans identifiées au Nouveau-Mexique (Bennett et al. 2021). L’Arctique américain n’aurait quant à lui été habité de manière durable qu’à la suite d’une autre vague de migrations vers l’Est il y a environ 5000 ans, donnant naissance aux cultures dites « pré-Inuit ». L’apparition de la culture de Thule, à partir d’une région inconnue située près du Détroit de Béring (probablement le Nord de l’Alaska), et son expansion jusqu’au Groenland autour du xiiie siècle entraînèrent quant à elles l’émergence des sociétés Inuit (Friesen & Mason 2016, Flegontov et al. 2019, Willerslev & Meltzer 2021).

Dans sa récente étude des traditions chamaniques circumpolaires, Charles Stépanoff (2019) invoque un raisonnement analogue à celui de Jean-Jacques Nattiez pour expliquer l’aire de répartition du rituel dit « de la tente sombre », une forme non-hiérarchique de voyage chamanique répandue à l’Ouest et dans le Nord-Est de la Sibérie ainsi que dans l’Arctique américain et au Groenland. S’appuyant sur l’hypothèse selon laquelle la migration ayant eu lieu il y a 5000 ans constituerait « la seule qui mette en contact spécifiquement les peuples d’Asie septentrionale et ceux d’Amérique du Nord à l’exclusion d’autres populations », Stépanoff conclut que c’est probablement lors de cet épisode migratoire que le rituel de la tente sombre s’est répandu en Amérique du Nord à partir d’un foyer sibérien (Stépanoff 2019 : 108) ; comme discuté plus loin, cette hypothèse d’un contact ponctuel unique entre les deux régions, analogue à la proposition de Nattiez, semble potentiellement réductrice.

S’appuyant sur la même démarche d’analyse, Richard Keeling a quant à lui exploré l’aire de répartition de chants visant à personnifier des voix animales (Keeling 2012). Son travail s’appuie sur les yoiks d’animaux Sámi, mais aussi sur des exemples d’Asie septentrionale et d’Amérique du Nord, y compris dans des zones largement éloignées de l’Arctique. La présence d’une pratique de chants d’animaux relativement cohérente de la Scandinavie à la Californie évoque selon lui une origine encore plus ancienne que les chants de gorge décrits par Nattiez, puisqu’elle a pu être importée sur le continent américain dès la migration datée de 15 000 ans, à partir d’un foyer situé dans le Nord-Est sibérien. Keeling s’appuie notamment sur le témoignage de certains chanteurs autochtones, selon lesquels les chants animaux seraient en effet les plus anciens dont ils disposent (Keeling 2012 : 259-260).

À la différence des chants d’animaux décrits par Keeling, l’attribution de chants personnels servant de berceuses ne semble pas répandue au-delà de l’espace circumpolaire. À en croire la littérature ethnographique, les berceuses et chants d’enfant sont d’ailleurs absents chez de nombreux peuples autochtones d’Amérique ; comme le note l’ethnomusicologue Anthony Seeger : « Les enfants s’endorment et se tiennent éveillés aux sons de la musique adulte » (Seeger 2000 : 81). Dans les régions septentrionales, le genre de la berceuse est pourtant bien attesté par endroits, notamment chez certains groupes algonquiens (Davidson 1945, Whidden 2007), parmi lesquels on note au moins une mention de chants personnalisés.5 Ces mentions sont néanmoins sporadiques et ne présentent pas le caractère systématique du continuum reliant l’Eurasie septentrionale aux inqum, nuniaq, aqausiit et aqaat. Ainsi, quelle qu’ait pu être son expansion passée, une tradition homogène et bien documentée de chants d’enfant personnalisés ne semble aujourd’hui observable en Amérique du Nord que parmi les populations de langues Inuit.

Du côté sibérien, les chants d’enfants personnalisés ne sont pas non plus universellement présents, puisque les peuples de langues toungouses et turques, établis plus récemment en Asie septentrionale, ne semblent pas, ou plus, les interpréter. Ce constat concerne notamment les Even, Evenk et Yakut, chez qui les pratiques d’attribution de chants personnels sont absentes ou, à tout le moins, en déclin (Nikolsky et al. 2020 : 16). À l’inverse, ces communautés se distinguent par l’importance de la guimbarde dans leurs traditions musicales, instrument absent en Amérique du Nord jusqu’à la colonisation occidentale (Nikolsky et al. 2020 : 27).

L’une des hypothèses les plus plausibles pour expliquer les similarités des berceuses et chants d’enfant arctiques de part et d’autre du Détroit de Béring semble donc être celle d’une diffusion par migration. L’un des scénarios envisageables est celui avancé par Charles Stépanoff pour le rituel de la tente sombre et Jean-Jacques Nattiez pour le chant de gorge, à savoir une diffusion de la pratique durant les épisodes migratoires à l’origine du peuplement de l’Arctique américain depuis 5000 ans. Pour l’heure, si certains travaux archéologiques ont évoqué de fortes similarités entre les cultures enfantines Inuit actuelles et celles de leurs ancêtres de la culture de Thule, rien ne semble permettre d’évaluer leur degré de continuité ou de rupture avec les cultures pré-Inuit antérieures (Park 2006).

En ce qui concerne le versant occidental de la pratique, des mouvements migratoires de la Sibérie vers l’Europe du Nord sont attestés et datées d’au moins 3500 ans, notamment sur la base d’études paléogénomiques (Lamnidis et al. 2018). Les caractéristiques génomiques des Sámi actuels se distinguent ainsi par l’association d’une base européenne dominante et de composantes d’origine sibérienne qui, selon les études, représenteraient jusqu’à 13 % de leur patrimoine génétique (Huyghe et al. 2011, Tambets et al. 2018). Il est donc possible que les dovdna des Sámi trouvent, eux aussi, leur origine dans un foyer sibérien.

Toutefois, l’hypothèse de la migration pourrait ne représenter qu’une partie de l’explication. Le fait d’invoquer d’emblée de grands déplacements de population unidirectionnels implique en effet le risque de négliger la multitude de mouvements et migrations de moindre ampleur ayant eu cours tout au long de la préhistoire dans les régions circumpolaires (e.g. Gulløv & McGhee 2016), y compris de l’Amérique vers la Sibérie (Willerslev & Meltzer 2021 : 360), ainsi que les interactions continues entre communautés voisines, faites d’échanges ou de conflits (Friesen & Mason 2016 : 10). Le détroit de Béring lui-même fut longtemps un lieu de circulation et d’échange plutôt qu’une barrière infranchissable (Walsh et al. 2019 : 20). Si la dynamique historique de la région demeure en grande partie inconnue, le détroit semble avoir servi de « filtre arctique », permettant aux populations américaines d’importer certaines pratiques venues d’Eurasie (e.g. l’usage de traîneaux à chiens) et d’en ignorer d’autres (e.g. la culture du riz ou l’élevage de chevaux) (Fitzhugh 2010 : 104). Les chants personnalisés, répondant à un désir d’interaction musicale avec les enfants largement répandu dans le monde, auraient ainsi pu franchir ce « filtre » avant de se répandre parmi les locuteurs de langues Inuit.

En somme, les données ne permettent pas de trancher clairement entre la thèse de l’universalisme, du diffusionnisme ou de la phylogénèse. Au contraire, il se pourrait que ce soit précisément l’entremêlement de ces différents facteurs – une propension à chanter aux enfants, des échanges culturels continus et des mouvements de population – qui ait donné aux berceuses et chants d’enfant arctiques leur distribution actuelle.

Comme en attestent d’autres articles rassemblés dans ce numéro, le genre de la berceuse a une forte tendance à voyager d’un espace géographique à l’autre, au gré des transferts culturels et des mouvements de population. Quelle que soit l’hypothèse explicative retenue, le cas circumpolaire semble présenter un cas extrême de diffusion, à travers les quelques 12 000 kilomètres séparant les côtes atlantiques norvégienne et groenlandaise, à une nuance près : ce ne sont pas ici les mélodies qui auraient voyagé – en l’absence d’une analyse approfondie, il n’est pas exclu que celles-ci diffèrent radicalement d’un endroit à l’autre – mais une pratique commune d’attribution de chants ou de formules rythmées, demeurée remarquablement cohérente malgré une longue période de divergence entre cultures eurasiatiques et américaines.

D’un bout à l’autre de l’espace circumpolaire, ces cultures se trouvent ainsi reliées par une pratique de l’intimité. Au-delà du paradoxe apparent, l’intime a pu, en Arctique comme ailleurs, constituer un milieu privilégié pour chanter à l’abri des bouleversements historiques et des autorités coloniales. Ainsi, si la relation parent-enfant ne constitue pas, à proprement parler, un fond « universel » pour la musique humaine, elle a néanmoins pu faire office de refuge stable pour l’expression vocale.

Je remercie Claire Houmard (Université de Franche-Comté) pour sa relecture critique du manuscrit, en particulier les informations relatives à l'histoire du peuplement de l'Arctique. Toute erreur ou imprécision dans le texte demeure de ma seule responsabilité.

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Notes

1 La notation anglo-saxonne et la forme invariable sont utilisées pour les ethnonymes tout au long de l’article. Retour au texte

2 Ce travail ethnographique inclut onze mois de terrain en pays Sámi, un apprentissage de la technique vocale du yoik et un ensemble d’entretiens semi-directifs avec des chanteurs Sámi, principalement réalisés à Kautokeino (Guovdageaidnu), Karasjok (Kárášjohka), Tana (Deatnu), Tromsø (Romsa) et Oslo – à ce stade de l’enquête, cinq de ces entretiens ont été entièrement consacrés au dovdna. Ces entretiens constituent le principal biais disponible pour accéder aux chants d’enfant sur le terrain : comme en contexte Iñupiat (Sprott 1999 : 153), l’interprétation de ces chants a généralement lieu dans l’intimité du foyer familial et demeure difficilement accessible aux chercheurs extérieurs. Une autre source d’information exploitée ici est celle de la littérature académique, en particulier par des chercheurs autochtones qui, faute de proposer une description systématique et approfondie du dovdna, fournissent ponctuellement un nombre appréciable d’informations sur le sujet. Retour au texte

3 Le terme est dérivé du Sámi du Nord juoigat, qui signifie « chanter un yoik » (les Sámi distinguent néanmoins le « yoik » du « chant », l’acte de chanter étant appelé lávlut). Un yoik, consistant en une mélodie éventuellement accompagnée d’un texte, est appelé luohti en Sámi du Nord (vuolle en Sámi Lule, vuöllie en Sámi Ume, vuelie en Sámi du Sud, ou encore leu’dd dans les régions orientales du pays Sámi). Retour au texte

4 Un contraste demeure : un aqausiq associé à une personne peut parfois être approprié pour s’adresser à un autre (Crago 1988 : 151) sans pour autant impliquer un lien d’affinité entre ces deux individus, à l’inverse des noms Inuit, souvent hérités de proches récemment décédés, les homonymes partageant alors des qualités communes, voire la même identité. Retour au texte

5 Chez les Innu, peuple algonquien installé dans l’Est du Canada, ceux-ci feraient office de chants de jeu et coexisteraient avec un répertoire de berceuses (Audet 2012 : 46). Il n’est pas exclu qu’il s’agisse d’emprunts récents, puisque des sources plus anciennes soulignent l’absence de tels chants en contexte Innu, où les enfants étaient divertis par des chants imitant les animaux (Burgesse 1944 : 17, Lips 1947 : 412). Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Stéphane Aubinet, « Berceuses et chants d’enfant arctiques : perspective circumpolaire », Textes et contextes [En ligne], 18-1 | 2023, publié le 25 juin 2023 et consulté le 21 novembre 2024. Droits d'auteur : Licence CC BY 4.0. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/textesetcontextes/index.php?id=4072

Auteur

Stéphane Aubinet

Postdoctorant, Department of Musicology, Faculty of Humanities, University of Oslo, P.O. Box 1017, Blindern, 0315 OSLO, Norvège

Droits d'auteur

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