Puta

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Puta

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Editor's notes

Traduit en 2016 avec le soutien de la Maison Antoine Vitez.

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La traductrice : rossanaj@wanadoo.fr
Liens utiles concernant la pièce :
https://vimeo.com/7676080
http://tredonneoltreillimite.blogspot.it/
https://www.youtube.com/watch?v=A51m2c1hxBw https://vimeo.com/109760999
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Text

Avant propos

Ce monologue, qui est souvent représenté tout seul et que je voudrais faire découvrir au public français, fait partie de la trilogie Trois femmes au-delà des limites de Francesco Randazzo, composée de trois volets : Assiettes cassées, Vers le mur d’en face et Puta. Il s’agit de trois regards brefs et poignants sur trois femmes d’aujourd’hui qui, à travers leurs parcours tragiques, nous entraînent au-delà des limites de l’hypocrisie rhétorique, du conformisme et des faux principes. Peu à peu, ces trois femmes blessées et malmenées par la société pour des raisons différentes, dévoilent aux spectateurs un douloureux secret qui a transformé leur existence en cauchemar en leur faisant prendre conscience de la dure réalité de la condition féminine.

Assiettes cassées est une sorte de verbiage désespéré, dépourvu de pudeur et par moments faussement léger, d’une femme parricide qui nous dévoile les horreurs qui peuvent se cacher derrière une famille bien comme il faut.

Vers le mur d’en face, court monologue aux allures plus poétiques que le premier, met en scène l’expérience traumatisante d’une femme ayant vécu une guerre et survécu à un tireur embusqué. Celle-ci, seule face au public et empreinte d’une douleur aussi dure que du cristal, raconte son histoire, la mort de son fils, le viol qu’elle a subi, jusqu’à sa terrible fugue « vers le mur d’en face », vers « le vide » de la liberté qui pourtant ne pourra plus la sauver.

Puta, le dernier et le plus long des trois monologues, est un texte saccadé, âpre, au souffle coupé par la cruauté de la vérité qui peu à peu est dévoilée par la protagoniste. Ce sont les paroles confuses, sans ponctuation, d’une jeune prostituée clandestine d’origine hispanique, sans espoirs ni illusions, qui, cette nuit- là, va parler sans détours d’elle-même et du drame qu’elle a vécu au policier qui l’a arrêtée. Ce monologue met en scène une figure féminine malheureusement bien connue par nos sociétés occidentales, la femme sans-papiers obligée à se prostituer pour vivre, exploitée par tout le monde et dont la vie compte moins que rien, encore moins, en tout cas, que celle des autres clandestins. Cette particulière condition humaine est parfaitement décrite par Puta dans une langue qui est un mélange très suggestif d’italien et d’espagnol (de français et d’espagnol en traduction) que j’ai essayé de conserver, mais cela m’a obligée à faire des choix de traduction que je vais brièvement expliquer.

De commun accord avec l’auteur qui maîtrise bien le français, j’ai parfois décidé d’ajouter ou enlever des mots en espagnol sans forcément respecter exactement l’ordre d’origine espagnol/autre langue, pour que le texte étranger reste compréhensible pour un public français, l’important étant surtout de respecter le mélange et l’alternance continuelle des deux langues tout au long du monologue. Nous avons aussi décidé d’ajouter quelques didascalies pour faciliter le travail de prononciation de l’actrice qui le jouera en français. Par ailleurs, le texte devra être joué avec fort un accent espagnol ; en italien, ce problème d’accent se pose moins car la prononciation est quasiment la même. Les textes des chansons restent inchangés, même quand ils comportent des « erreurs » linguistiques dues au mélange italien espagnol (ex. el unico frutto del amor è la banana...) voulu par l’auteur.

Puta

Personnages : Puta, une prostituée d’origine hispanique.

Une pièce glauque dans un commissariat de police

PUTA
Va te faire foutre Dejame
Lâche-moi lâche-moi
Maricòn bâtard
Lâche-moi lâche-moi
Ahi
Mierda
mais pourquoi
tu m'as fait mal
pourquoi
 
SILENCE
(Tout à coup, en chantonnant)
 
El unico frutto del amor
è la banana, è la banana
El unico frutto del amor

è la banana
sissignòr1
 
Bueno sì bueno
sì sì sì
 
Papel papel papel
Sin papel papito
No no no
j’en ai pas
Sans papiers
Extran-
jera
sin papeles
 
(en chantonnant )
 
El unico frutto del amor
è
la banana è la banana
El unico frutto del amor
è la banana
sissignòr
 
Clandestina sì
Coño sì
clandestine
pero tu me connais sì
c’est vrai sì
 
Je ne dis rien sì
non non
nada de nada
car de toute façon ensuite
tu m’auras quand même policia
 
Et porqué pourquoi je dois t’aider
ah porqué
Yo soy puta
soy clandestina
Y la muerta queda muerta
igual
Dejò de sufrir ella
 
Elle a arrêté
Elle ne souffre plus
plus jamais
Elle est morte elle
Matada
Matada
Et à moi aah à moi
qui pense à moi
Je suis vivante pero no existo
sin papeles
ademàs puta
Mais vivante
et toi tu es policia
y me vas a botar cierto
No te digo nada rien
 
PAUSE
 
(Elle chantonne)
 
Yo soy la que soy
y valgo lo que valgo
mas yo
yo te amo
como ninguna
te quiso nunca
 
Tu le sais
eh oui tu sais
cierto que tu sais
toi comment je m’appelle
moi je sais pas
je savais pas
Pero tu sì policia tu sì
Puta je m’appelle
putana extranjera
Puta latina
medio peso media altura
perruque folle
pelo negro
grands yeux
nez indio
cul rond
talons hauts jupe courte
20 euros dans ta voiture
30 euros dans ma chambre
Elle fait todo ce que tu veux
bueno QUASI todo
pero mucho mucho mas
de toute façon
beaucoup beaucoup plus
que ta femme et ta sœur
et ta mère est une sainte
por supuesto
Mais la puta es la puta
Soy yo
ni mujer ni esposa ni hermana
tampoco madre
Puta
Puta callejera
Une immonde putain de la rue
qui laisse la puanteur de ta propre bête
sur toi après le défoulement
y c’est pour ça que tu as un spray
dans ta voiture pour t’asperger
d’odeur de propre qui cache
la bête qui est en toi
et tu retournes chez toi bien parfumé
innocent et propre tu y retournes
chez ta femme chez ta mamà
chez tes niños qui ne savent pas
et ne doivent pas le savoir
Dios te protega
que tu es bestial
que tu es féroce
que tu es assassin
à l’intérieur de toi
quand tu sors la nuit
avec ta voiture propre
et tu parcours les routes
près des trottoirs
à la chasse de bêtes étrangères
Putanas
Gibier de chasse
Car tu te sens à la chasse
comme un sauvage
non ?
car tu aimes la poussée
de ‘drenalina qui te fait suer l’hormone
immonde et tu veux être immonde
et tu trouves des femmes immondes pour le faire
Puta sì
Puta je m’appelle
solamente
Ya
 
Porqué
Porqué me gusta
esto comme ça
comme ça et basta
et tu le penses toi aussi
Parce que j’aime
Et baise-moi
baise-moi sans pitié
Puta je m’appelle
Je suis née pour ça
baise-moi
 
(elle chante nerveusement dans un excès de fausse allégresse)
 
me gustan los aviones, me gustas tù
me gusta viajar, me gustas
me
gusta la mañana, me gustas
me gusta el viento, me gustas tù
ma gusta soñar, me gustas tù
me gusta la mar, me gustas tù
que
voy a hacer - je ne sais pas
 
(elle arrête de chanter et parle, comme entraînée par une question urgente et la conscience désespérée de soi)
 
que voy a hacer - je ne sais plus que
voy
a hacer - je suis perdue
que horas son, mi corazòn
 
PAUSE
 
Non
c’est pas moi
Ce merdeux veut protéger son cul
 
Je peux fumer policia
Non
Bueno sì
pourquoi non
Va te faire foutre yo fumo
Estoy nerviosa
Faut qu’on parle
très longtemps policia
Je sais je sais
que cette nuit
je suis tu putana
exclusive
toute pour toi
Seulement parler
Casse-pieds
En plus tu paies pas
Coño que noche de mierda
mi amor
 
Aaah
Laisse ce paquet
Tu sais comment on dit
dans mon pays
Fuma como una puta presa
Elle fume comme une pute emprisonnée
tu ne fumes pas non
Wah
Tu sais pas ce que tu perds chico
Tu vas mourir quand même tu sais
Ah c’est interdit
de fumer
Solamente
Interdit de fumer
Interdit de vivre
Interdit de mourir
Baise-moi entonces
Alors
il reste quoi
baiser
ou
se faire baiser
Mejor fumar
Vaut mieux fumer
Mira
Regarde policia regarde
tu la vois
tu la vois la cigarette
Regarde-la bien
Je la fume j’avale
je la fais entrer en moi
et puis je hume le plaisir
qu’elle me donne
et elle en silence
se consume, meurt dans les cendres
Comme la vie
que tu suces
et elle s’arrête
et dans tes mains il reste moins que rien
Comme la vie
(elle rit)
 
Banal
pero vrai
Una metafora estupida
trop simple
Qu’est-ce que tu veux policia
je suis seulement una putana
Pienso sì pienso
mais comme una putana
je pense comme je baise
naturellement
(elle rit de nouveau)
 
Quel âge tu as policia
Tu sembles...
Wah
je m’en fiche
no me importa nada
de ton âge
et de ta vie de mierda
La mienne me suffit
Je ne te dis plus rien de tout connard
(elle fume et chante)
 
Toma ese puñal
abreme las venas
quiero desangrarme
hasta
que me muera
 
Qu’on tombe malade à cause de la vie
tu le sais
que tout te semble une grande saloperie
faite exprès
juste pour te faire souffrir
alors la mort est comme un soulagement
una piensa
 
Toma ese puñal
cortame las venas
quiero desangrarme
hasta
que me muera
 
(en parlant)
 
Prends ce couteau
coupe-moi les veines
je veux me vider de tout mon sang
jusqu’à ce que je meurs
 
Pero no es facile no
ne pense pas
Tu ne veux
plus vivre et plus tu ne veux pas
plus la vie te reste collée
au palais entre les dents
comme un chewing-gum
que tu peux pas avaler
que tu peux pas cracher
il s’est collé là et ne part pas
Il faut utiliser les mains
tu dois faire quelque chose
avec tes mains
pour l’arracher de là
ta vie
Cette vie de mierda
qui est la seule chose qui me reste
qui nous dégoûte tous
moi aussi
pero elle est à moi
Comme un enfant
ton propre enfant
que tu accouches
et il te fait mourir
de douleur
et puis il suffit d’un sourire
et t’es prête à souffrir encore
Une fenêtre éclairée nous suffit
la nuit, quand tu es là à attendre
ces salauds qui te montent
et tu vois la lumière
tu vois la maison la chambre
un lustre le bruit de la télé
tu arrives à voir quelques tableaux
et tu imagines une table avec des chaises
des personnes une famille
et en toi naît un sourire un espoir
car tu peux y être toi aussi
là bas
car il y a un endroit comme celui-là
pour toi aussi
quelque part en ce monde
c’est que tu ne sais pas où c’est
mais tu le trouveras
Tu penses
que tout le monde a sa place
une maison une famille
pour moi aussi
La lumière des phares
te coupe les veines du rêve
et pendant que tu montes dans la voiture
prête à tailler une pipe
tu te rends compte que tu n’es qu’une idiote
et que la vie t’a trompée
de nouveau et t’a utilisée toi
tes illusions ton espoir absurde
pour te baiser encore
ça fait mal tu sais
 
Se sentir comme ça
chaque jour
chaque nuit
tous les jours
toutes les nuits
 
PAUSE
 
Combien on te paye policia
Cuanto pues
te lo digo yo
que dalle
que dalle on te paye
Car quand tu enlèves ton uniforme
t’es un misérable toi aussi
Wah
Tu sais combien je me fais moi en un mois
Ah
Tu veux pas le savoir
Bueno pues
Je te le dis pas
Jusqu’à dix
Jusqu’à dix par nuit
j’arrive à m’en travailler
Dix toutes les nuits
pendant trente nuits
Bueno no tanto
Hasta ocho jusqu’à huit
despues se me irrita
huit c’est bien quand même
une bonne paye non ?
Huit fois trente
le tarif tu le connais sì
tu le connais tu le connais
fais le calcul policia
qu’après je te taille
une pipe gratuitement
pour te consoler
que toi aussi, tu te fais chier
et t’as une vie de mierda
Moi je suis bien payée
toi que dalle je pense
 
T’es jeune
Tu pourrais essayer
Toi aussi tu sais
Un negocio de loca
Los maricones
les pédés je veux dire
ils rapportent beaucoup tu sais
Si en plus tu te mets deux faux nichons
tu remontes ton cul et tu serres bien el pipicito
comme ça t’as toujours l’option double-face
Ay que descuento !
Dos por uno
De belles affaires
ça va être super ça va être
De rumba toda la noche mi amor
 
(Elle chante en se moquant du policier)
 
Na na na na nana
Chiuahua
Na
na na na nana
Chiuahua
Chiuahua
Chiuahua

 
Tu peux acheter une maison à la mer
à ta femme si tu te mets à baiser
sur les routes comme moi
 
(elle rit)
 
Chiuahua
Chiuahua
Chiuahua

 
Pero no
pero no que digo no no
tu es un macho
macho italiano caliente
no se te arruga la pechuga
y siempre tienes el carajo parado
como una bandera
Un tricolor
Hacia al coño y a la victoria
siempre
Wah
tu me fais peur
 
Yeleiza

ça je peux te le dire
car ce n’est pas juste qu’elle reste
sans nom
Que cette sale mort
au moins ne l’humilie pas
et ne la laisse pas là dans ce sac
comme une chose abandonnée
sans nom
Yeleiza
qu’elle s’appelait
Je sais pas
je sais pas quel âge elle avait
comme moi je crois
un peu moins
un peu plus
Comme moi
Pero yo
je te le dis pas
l’âge que j’ai
Fais le calcul toi-même
quand tu trouves mon pasaporte
Dix-huit ans minimo
pour la justice
Deux cents au moins
pour ceux qui nous passent dessus
 
Yeleiza y basta
Una puta no tiene nom de famille
Latina sì
comme moi
Tenemos fantasìa
pour les noms tu sais
On s’invente les prénoms
Une femme aime bien Dolores
son mari aime bien Maradona
Et si c’est une fille ils l’appellent
Maradolores
et si c’est un garçon
elle voudrait Juan Gabriel
comme le chanteur
son mari Diego Armando
parce que lui il est obsédé par Maradona
Et alors ils s’inventent
Juagadiando
Et ils appellent l’enfant comme ça
sabes
Bueno si te gusta
tu peux appeler ton fils comme ça
C’est ton fils qui en bave après
Comme tu veux
sabes
Tu mélanges et tu as un nouveau prénom
Que fantasìa verdad
Claro hay aussi Juan y Juana
Carlos y Maria y Rosario
Mais c’est surtout les plus pauvres
qui ont de la fantasìa
como una riqueza inventada
et parfois ils n’ont rien
à manger pero la niña
a un prénom de princesa araba
et s’appelle
Elimàr…
 
No importa si la misère
reste et si Elimàr
à quinze ans est enceinte
de un bandido de la calle
et à vingt elle vend sa petite chatte
dans la capitale la plus ancienne de Europa
Coño c’est déjà un progrès
Una puta latina c’est à la mode
Dans son pays c’est ordinaire
À Rome à Paris ça fait très classe
de baiser avec una latina hispanica
plus que très classe pervers-chic
El viado du Bresil
Wah
Spaghetti
Kartoffen
Hot Dog
Ils sont tous fous
pour la chair latina
Gnamm Gnamm
La lara la La lara la
Fiesta muchachos
danse une tarentelle
entre mes cuisses pues
La lara la La lara la
(elle rit encore)
 
Eh oui eh oui
ton petit machin se dresse eh
On était trois
Une deux et trois
Yeleiza yo y el cerdo
El cerdo sì cerdo
Coño tu comprends que dalle
No hablas español
Do you speak english
Parlez-vous français
Porc Le porc El cerdo
Ce porc qui nous a abordées
ensemble
Tu le connais
Moi non
(Elle parle en prononçant les « s » à la fin des mots français)
« Faisons una fiesta mes beautés »
Voilà ce qu’il a dit
il faisait son beau
avec sa putain de grosse bagnole
et pour se moquer il parlait avec le esse espagnol
à la fin des mots
Parce que c’est ça no policia
Vous mettez un esse
à la fin de chaque mot
et vous croyez
que vous parlez espagnol
Wah
Que extraordinario
l’Italiano latino
(elle ajoute des « s » aux mots pour se moquer de lui : prononcer toutes les lettres)
que habla españolos
Salutos muchachas tu veux baiserés
Combien ças coûtas dé baiserés
Pipas
Culos
Manos
Bocas
Voiturés
Hotelés
Va te faire foutre
Que mierda patetica
 
Yo hablo trois langues policia
Como una puta mais je parle trois langues
Qu’est-ce que tu crois
que parce que je bats le trottoir
je suis une bête ignorante
Tu aimes penser ça
comme ça quand tu me sautes
tu n’as pas mauvaise conscience
Tu es en train de baiser une misérable
Bonne mais misérable
Et finalement tu arrives même à croire
que tu fais une œuvre de charité
que tu me paies tu m’entretiens
et puis tu es quand même mieux
que n’importe quel autre bâtard
perverti que
on ne sait jamais
j’aurais pu rencontrer
sans toi
qui me baises et me sauves
Qui me paies et me sauves
Gracias a Dios les Italiens
qui vont aux putes
ont tous leur mamma dans le cœur
La plupart comme toi
 
Et puis il arrive qu’un soir
tu as raison de penser ça
malheureusement tu ne viens pas me voir
et à ta place arrive celui-là
celui qui a une grosse voiture et un gros
portefeuille et une bite toute petite Celui qui aime
les trucs bizarres et qu’une seule putain
ne lui suffit pas Celui qui ajoute des esses
et veut te la lécher sans payer d’extra
Celui qui veut te faire mal
pour se venger parce que sa bite
ne marche pas bien
et te jette par terre
te jette contre le mur
et en plus il s’énerve
parce qu’il n’y arrive pas
et il prend ce machin énorme
et dur qui lui tombe sous la main
et il te le fout dedans
en criant comme un fou
et Yeleiza crie elle aussi
Pisse-toi dessus salope
chie de plaisir maintenant
ça c’est ma vraie bite
Et moi je suis là avec la tête ouverte
car avant il m’a cognée
je suis tombée et je vois flou
pero je vois ce qu’il fait à Yaleiza
qui crie
Et sa main qui serre cette chose
noire
Il l’enfonce
En haut en bas
Et y a du sang partout
Sang et chair lacérée
Et il crie
et Yeleiza crie
Je pleure
Puis il tire
Avec le pistolet dans Yeleiza
il tire
il tire
il tire
et le mec se baisse
et Yeleiza semble endormie
 
Je suis venu
il dit
avec un soupir
horrible
 
Et il rit
il pleure
 
Et il me regarde
me fixe
avec la bête cachée dans les yeux
avec les mains tremblantes
et puis il redevient cette merde lâche
qu’il est
sans cette force
sans cette bête
seulement la vermine qu’il est
et il me dit
 
Aide-moi
Aide-moi
 
Avec sa main il se glisse dans
ce qui reste de Yeleiza
et prend cette chose noire
toute recouverte de sang
il la prend par le fusil
et me la donne
 
Aide-moi
 
Je lui ai craché
à la figure
Et je l’ai laissé là
dans sa mierda
 
J’ai fait une erreur
 
J’aurais dû tirer sur lui
 
Lui ne l’a pas fait
il n’a pas de couilles
 
Moi
j’aurais dû tirer
 
Lui c’est quelqu’un d’important Vrai
Il a des avocats
il a de l’argent
 
Et puis
finalement
ce n’est qu’une pute
celle qui est morte
una putana extranjera
putana pervertie
une pute qui bat le trottoir avec sa sœur
dégoûtant non
 
Basura
Ordure
 
Va te faire foutre policia
Je ne parle plus
plus jamais
(Elle fait un doigt d’honneur)
Lo que pasò pasò
y no tiene remedio
 
(Comme une rengaine au loin, se lève la musique de la chanson « La barca » chantée par Mina)
 
Puta se tourne de dos
Une forte lumière éclaire son visage
Elle se protège le visage avec les bras
puis, lentement, les lève au-dessus de sa tête
Avec une main elle prend sa perruque
et la jette par terre

 
Noir

Notes

1 Trad. : le seul fruit de l’amour
c’est la banane, c’est la banane… Return to text

References

Electronic reference

Francesco Randazzo, « Puta », Textes et contextes [Online], 17-2 | 2022, . Copyright : Licence CC BY 4.0. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/textesetcontextes/index.php?id=4064

Author

Francesco Randazzo

Écrivain et metteur en scène, diplômé en 1991 de l’Accademia Nazionale d’Arte Drammatica “Silvio D’Amico” de Rome, Francesco RANDAZZO est actif en Italie et à l’étranger en tant que metteur en scène et auteur pour différents théâtres et festivals, parmi lesquels le Todi Festival, le Teatro Stabile di Catania, l’Ortigia Festival, le Narodno Kazaliste “I Zaic” (Rijeka), le Festival de Dubrovnik, le Teatro Nacional Juvenil (Venezuela), le Teatro IT&D (Zagreb), le Playwright Festival of New York, ou le Festival des Films du Monde de Montréal. Il a fondé la Compagnia degli Ostinati - Officina Teatro, dont il a été le directeur artistique. Il a publié auprès de différents éditeurs des pièces de théâtre, des recueils poétiques, des nouvelles et trois romans. Il a obtenu de nombreux prix nationaux et internationaux de dramaturgie et de littérature, dont les Prix Fondi La Pastora, Candoni, Fersen, Schegge d’autore, Sonar Script, Leonforte, Maestrale San Marco, Moak, et le Prix Ugo Betti. Ses pièces de théâtre ont été traduites en espagnol, tchèque, slovène, français et anglais, et ont été représentées au Canada, aux USA, en Croatie, Slovénie, Espagne, France, Belgique, et au Chili. Il est membre du Cendic (Centro di drammaturgia italiana contemporanea) et de la Fuis (Federazione Italiana Scrittori). Parallèlement, il dispense des cours de diction, de mise en scène, de dramaturgie, d’écriture créative, et d’histoire du spectacle. Il dirige des stages et donne des conférences pour différentes institutions publiques et privées comme la Scuola di Teatro Antico de l’Istituto nazionale del Dramma Antico, la Cinars (Montréal), le TNJV (Caracas), le Centro Teatro Educazione-Ente Teatrale Italiano, le Centro Studi Uilt, le Viagrande Studios, la New York University, les Ostinati Open Studio et l’International Acting School (Rome), l’Université Toulouse-Le Mirail, la Parioli Academy (Rome), la Civica Scuola “Paolo Grassi” (Milan), la Duoc Universidad Católica de Chile (Chili). Il est également éditeur et directeur de la collection textes des Editions Graphofeel à Rome.

By this author

Translator

Rossana Jemma

Rossana Jemma est enseignante dans le secondaire, poète et traductrice. Passionnée, entre autres choses, de théâtre contemporain et de médiation culturelle, elle a collaboré avec différents artistes, dramaturges et metteurs en scène (M. Serenellini, M. Scaparro, F. Randazzo, Lina Prosa, S. Audemars, G. Maffei, Alexandra Badea, C. Ceresoli, Pippo Pollina, Turi Zinna, Ricci/Forte, etc.) dans le cadre de spectacles, festivals littéraires et de théâtre, ou rencontres culturelles dont voici quelques exemples : « Pinocchio 2022 », « Les Italiens à Paris », « Le Pouvoir de la parole : festival des nouvelles dramaturgies italiennes », « Progetto Amazzone », « Fabulamundi-Playwriting Europe », « Poésie et Littérature. Six poètes italiens se racontent », « Le Printemps des Poètes », Festival « Canzoni e Parole », etc. Elle a été membre de la Maison Antoine Vitez (Comité de lecture italien), ainsi que d’« Eurodram - Réseau européen de traduction théâtrale » (Comité de lecture pièces francophones).
Elle a traduit des essais, des œuvres poétiques et plusieurs pièces de théâtre dont le texte Puta, présenté lors du colloque « Être(s) clandestin(s) : expression et représentation » (Dijon, Université de Bourgogne, 11 et 12 octobre 2018) et qui fait partie de la trilogie Tre donne oltre il limite de Francesco Randazzo (sélectionnée par la Maison Antoine Vittez en 2016), mais aussi La Merda de Cristian Ceresoli, Pulvérisés et Extrêmophile d’A. Badea, PPP. Ultimo inventario prima di liquidazione (Pier Paolo Pasolini. Dernier inventaire avant liquidation) du duo Ricci/Forte, etc. Dernièrement, s’étant consacrée surtout à l’écriture poétique, elle a reçu la Mention Honorable au Mediterranean Poetry Prize (édition 2021) et plusieurs de ses poèmes vont être prochainement publiés dans des anthologies poétiques en Italie.

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Licence CC BY 4.0