« La plus belle couleur au monde » : le bleu dans l’œuvre d’Edward Burne-Jones

  • ‘The most beautiful colour in the world’: blue in the work of Edward Burne-Jones

Résumés

À travers l’étude de quatre décennies de production picturale du peintre anglais Edward Burne-Jones (1833-1898), cet article analyse la présence progressivement dominante de la couleur bleue. Tour à tour céleste, romantique, symboliste, puis couleur du deuil, le bleu était pour Burne-Jones ‘la plus belle couleur au monde’. De nombreux éléments contextuels portant sur la biographie de l’artiste, sur l’histoire de l’art, et sur l’histoire des sciences (notamment la chimie) sont convoqués afin de suivre étape par étape la dérive monochromatique de Burne-Jones. Cette méthodologie interdisciplinaire permettra de mieux appréhender les multiples connotations associées à la couleur bleue dans l’œuvre de Burne-Jones, et de les situer dans la ‘révolution chromatique’ qui a marqué la seconde moitié du XIXe siècle.

Through the study of four decades of pictorial production by the English painter Edward Burne-Jones (1833-1898), this article analyses the progressively dominant presence of blue. In turn, heavenly, romantic, symbolist and then the colour of mourning, blue was for Burne-Jones ‘the most beautiful colour in the world’. Many contextual elements about the artist’s biography, the history of art, and the history of science (especially chemistry) are brought together in order to follow step by step the monochromatic drift of Burne-Jones. This interdisciplinary methodology will make it possible to better understand the multiple connotations associated with the colour blue in Burne-Jones's art, and to situate them in the ‘chromatic revolution’ that marked the second half of the 19th century.

Plan

Texte

De ses voyages en Italie en 1859 puis 1862, le peintre anglais Edward Burne-Jones (1833-1898) ramena une palette riche et sombre, caractérisée par les rouges ferrugineux et des orangers ambrés combinés aux verts profonds. L’usage qu’il fit de ces couleurs somptueuses a amené certains commentateurs à considérer Burne-Jones avant tout comme un « coloriste exquis » (Christian/Wildman 1999 :108)1. Ces choix chromatiques influencés par son ami et maître Dante Gabriel Rossetti, ainsi que celle des grands Vénitiens du Quattrocento que tous deux admiraient – Titien et Giorgione en particulier – n’altérèrent pas toutefois la prédilection de Burne-Jones pour la couleur bleue, qui ne fit que s’accentuer au fil des décennies. En effet, les œuvres de sa maturité, empreintes de rêve et de poésie, sont dominées par les tonalités bleues. Cette prédominance persiste jusque dans les dernières années de la vie de l’artiste, lorsque son art mélancolique se rapproche des idéaux esthétiques des Symbolistes.

Nous aimerions suggérer quelques raisons pour la domination progressive du bleu dans l’œuvre de Burne-Jones au cours de sa carrière, et examiner les possibles significations des multiples nuances de bleu dans son œuvre.

1. Bleu céleste

Tout d’abord, il convient de rappeler que, depuis l’antiquité jusqu’au XVIIe siècle, le bleu était obtenu en broyant du lapis-lazuli pour obtenir l’outremer véritable (qui au Moyen Âge valait plus cher que l’or) ou, à partir du XIVe siècle, en important à grands frais de l’indigo des Indes, et qu’il était donc réservé à de petites touches, même si quelques maîtres, dont Fra Angelico, l’utilisèrent plus généreusement. La première manière de Burne-Jones, fortement influencée par l’esthétique préraphaélite inspirée de la Renaissance italienne, comportait donc peu de bleu. La culture de l’isatis tinctoria et sa transformation en bleu pastel d’une part, et la fabrication de bleu de Prusse (découvert accidentellement par le peintre Heinrich Diesbach à Berlin en 1704) au XVIIIe siècle d’autre part, avaient rendu possible la grande mode du bleu, mais on sait que John Ruskin et les membres de la Confrérie Préraphaélite tenaient en horreur cette période artistique et souhaitaient se distancer du Rococo d’un Antoine Watteau dont les scènes galantes sont le plus souvent baignées d’une lueur bleuâtre aussi bien que de la manière suave d’un Thomas Gainsborough, célèbre pour son Blue Boy de 1770.

On peut ainsi supposer que c’est à la fois pour se rapprocher des maîtres de la Renaissance italienne et des Préraphaélites anglais, et pour marquer sa distance d’avec le manièrisme académique, que le jeune Edward Burne-Jones n’utilisa le bleu qu’avec parcimonie. Dans les années 1859 à 1861 où John Ruskin, Dante Gabriel Rossetti et Edward Burne-Jones travaillaient ensemble comme professeurs de dessin au Working Men’s College, il s’était produit une scène si extraordinaire qu’un de leurs étudiants, J. P. Emslie, s’en souvenait encore avec précision quelques décennies plus tard, et en rendit compte. Pour habituer ses élèves à travailler les ombres et les lumières au pinceau, Ruskin, qui apparemment avait changé d’avis concernant le bleu, les autorisait à utiliser du bleu de Prusse. Un soir, Rossetti visitant la classe de Ruskin en l’absence de ce dernier, s’indigna de la pratique de son mentor et maintenant confrère. « Qu’est-ce que ceci ? Rien que des études en bleu ? Aucun d’entre vous ne voit-il d’autre couleur ? » Un élève expliqua qu’ils suivaient simplement les instructions de leur maître, en conséquence de quoi Rossetti demanda où se trouvait la réserve de couleurs et confisca purement et simplement les douzaines de blocs de bleu de Prusse qui s’y trouvaient. Lorsque, quelques soirs plus tard, Ruskin apprit les circonstances de la disparition de ses pigments préférés, il éclata de rire (Burne-Jones 1905 : 1.192). Peut-être est-ce en souvenir de cet épisode qu’Edward Burne-Jones peignit pour John Ruskin une « Harmonie en bleu, buste vénitien intitulé Viridis de Milan » en 1861 (Christian / Wildman 1999 : 115).

Comme le suggère l’anecdote du Working Men’s College, la couleur bleue, autrefois rare et précieuse, était désormais largement accessible. L’industriel lyonnais Jean-Baptiste Guimet avait réussi à mettre au point un bleu d’outremer de synthèse et, sous l’appellation de bleu Guimet, ce pigment fut fabriqué de manière industrielle dès 1831. Le XIXe siècle vit le bleu se décliner en de nouvelles nuances à partir du cobalt, dont le suédois Georg Brandt avait démontré en 1745 qu’il n’est pas un minerai mais un « semi-métal » responsable de la couleur bleue : le bleu de Brême, aussi appelé bleu céruléen, était obtenu à base de stannate de cobalt, de smalt, et d’aluminate de cobalt.

L’état de la recherche sur les couleurs était connu en Grande-Bretagne grâce au théoricien et chimiste George Field (1777-1854), qui a influencé la perception et l’utilisation des couleurs à travers trois publications importantes : Chromatics (1817), Chromatography, or, A Treatise on Colours and Pigments, and of their Powers in Painting, &c. (1835) et l’incontournable Rudiments of the Painter’s Art, or, A Grammar of Colouring (1850). Ce dernier titre, maintes fois réédité, devint, jusqu’à la fin du siècle, la « bible » des étudiants en art, et expliquait les origines, la fabrication et les propriétés des couleurs. Concernant le bleu, les pigments mentionnés sont l’outremer, l’outremer artificiel, le cobalt, le smalt, le bleu roi, le bleu de Prusse, le bleu d’Anvers, l’indigo, le verditer, un équivalent artificiel de l’azurite, le bleu Saunders, qui doit son nom à une mauvaise prononciation de « cendres bleues » et le bice qui n’est pas une couleur à proprement parler mais un ton bis qui fonce de bleu les autres couleurs (Field 1896 : 52).

Toutefois, dans un siècle où les couleurs chimiques étaient de plus en plus utilisées par les artistes, Burne-Jones n’hésitait pas à pratiquer encore la tempera, une technique médiévale consistant à mélanger les pigments broyés avec de l’eau et du jaune d’œuf. Son travail de décorateur pour la firme d’arts décoratifs Morris, Marshall, Faulkner & Co, qu’il co-fonda en 1861 avec William Morris, Ford Madox Brown, Charles Faulkner, Dante Gabriel Rossetti, Peter Paul Marshall et Philip Webb, a sans doute amené Burne-Jones à se familiariser avec les techniques ancestrales et modernes de production et de mélange des couleurs. William Morris en effet, avait à cœur de retrouver les techniques oubliées de teinture de tissus, d’impression de papier, de coloration de verre et de peinture sur faïence. William Morris et Edward Burne-Jones s’étaient connus en 1853 à Oxford où, étudiants, ils avaient rencontré Dante Gabriel Rossetti en janvier 1856. La fascination de ces trois jeunes hommes pour le Moyen Age explique en partie l’importance du bleu, couleur médiévale par excellence aux yeux des Revivalists victoriens2. De fait, travailler dans la sphère des arts décoratifs conduisit Burne-Jones à se familiariser avec le bleu de Delft pour les faïences, et l’indigo pour les tapisseries. Cette familiarisation avec une couleur qui jusqu’alors avait eu une place moins importante que le rouge ou l’ocre sur sa palette, influença sans doute son œil. C’est son travail sur les vitraux qui amena Burne-Jones à expérimenter le bleu outremer dans la tradition des verriers du Moyen Âge. Depuis son premier carton de la Vierge à l’enfant en 1868 et jusqu’à l’une des dernières œuvres conçues en 1897-98 pour la firme Morris & Company, Burne-Jones dessina les cartons de quelque deux cents vitraux et en supervisa parfois la réalisation. Le grand vitrail de la Nativité qui occupe la façade ouest de l’église de Saint Deiniol à Hawarden, Clwyd, au Pays de Galles, se présente comme une douce mélodie en bleu et blanc, rehaussée de quelques accents colorés. Le bleu, on le sait, est la couleur mariale, mais l’artiste s’est plu à faire écho au bleu de la robe de la Vierge, à la médiane horizontale de la composition, par des découpes de bleu céleste dans la partie supérieure et une rangée d’ailes lapis-lazuli au dos des anges dans la partie inférieure.

Ce bleu virginal reste dans la mémoire de l’artiste indissociable de ses années de jeunesse, comprises entre l’annus mirabilis 1856, colorée d’azur, une année « où il n’y eut jamais ni pluie ni nuages, mais rien que du ciel bleu d’été, de Noël à Noël » (Burne-Jones 1905 : 1.151) et la naissance de sa fille bien aimée Margaret en 1866. Ce bleu céleste évoque l’outremer des vitraux d’église, le ciel d’Oxford lors de la « Jovial Campaign » de 1857, ou les yeux de Margaret, à laquelle il s’adressa dans ces termes : « Oh, ma pétillante petite Margot bleue »3. Pour Burne-Jones, le prénom Margaret était synonyme d’un bleu pur, franc et joyeux.

2. Bleu romantique

Toutefois, les gais et francs accents de primevère furent remplacés par des tons plus complexes à partir de la décennie suivante. La grande période bleue d’Edward Burne-Jones correspond à celle des profondes émotions de sa vie, lors de sa liaison tourmentée avec Maria Zambaco dont il était devenu le maître en 1866 et l’amant peu de temps après. Couleur « suprêmement romantique » (Gage 2000 : 186), le bleu est devenu la marque de l’artiste à l’apogée de son art, et a contribué à le définir comme « le dernier des Romantiques » pour paraphraser le titre d’une belle exposition à la Barbican Art Gallery à Londres en 19894. Le bleu était la couleur du sentiment selon Johann Wolfgang von Goethe, un auteur que les membres de la Confrérie Préraphaélite plaçaient très haut dans leur panthéon d’« Immortels »5, autant pour son oeuvre littéraire que, sans doute, pour son Traité des couleurs publié en 1810 et dont la traduction annotée par Charles Lock Eastlake en 1840 avait été un événement en Grande-Bretagne. Burne-Jones fut bien sûr gagné par l’infuence du grand Romantique allemand et l’on sait qu’en 1874 La vie de Goethe par George Henry Lewes était l’une de ses lectures favorites (Burne-Jones 1905 : 2.56). Si la prédominence du bleu dans l’imaginaire romantique est due en grande partie à Goethe, d’autres Allemands y ont contribué, notamment le géologue-poète Friedrich von Hardenberg, mieux connu sous le nom de Novalis, et dont le roman Heinrich von Ofterdingen (1800) commence avec la quête du héros pour trouver une mystérieuse fleur bleue. Ainsi, cette fleur emblématique devint chez de nombreux Romantiques le symbole d’un idéal inaccessible, et conduisit Goethe à associer la couleur bleue au repos, au mystère, à l’éternité, à l’intellectualité et à la poèsie. Chez les Romantiques allemands, le bleu est une couleur féminine, alors que les couleurs chaudes telles que le jaune-oranger sont perçues comme masculines. (Gage 2000 : 186-187).

Dans la tradition romantique, le bleu s’est imposé dans l’art de Burne-Jones comme la couleur de l’amour : il en drapa le personnage de la série Amour et Psyché (1865-1887) réalisée pour des peintures murales à Palace Green, les amants de L’Amour parmi les ruines (1870-73) et les danseurs des Noces du roi (1870). Cette petite aquarelle avait séduit John Ruskin qui la commenta dans « Les trois couleurs du Préraphaélitisme », remarquant notamment les longues robes bleu foncé des danseurs et les fleurs bleues et blanches de l’étroite couronne de la mariée qui « bien qu’elles soient simplement bleues et blanches, brillent, on ne sait comment, à la manière des pierres précieuses » (Ruskin 1878 : 222).6

Figure 1 : Les Noces du roi (The King’s Wedding), 1870, aquarelle et gouache avec or sur vélin ; 32 x 26 cm ; Neuss, Clemens-Sels-Museum.

Figure 1 : Les Noces du roi (The King’s Wedding), 1870, aquarelle et gouache avec or sur vélin ; 32 x 26 cm ; Neuss, Clemens-Sels-Museum.

https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Burne_jones_king_s_wedding.jpg.

Toutefois, la variété de bleus utilisée pour peindre les vertiges de l’amour inclut des nuances cassées ou sombres aussi bien que le bleu électrique affectionné par John Ruskin. Suite à la décision de Burne-Jones de rompre avec Maria, et à la tentative de suicide de la jeune femme en janvier 1869, le bleu à l’âme de l’artiste semble avoir obscurci sa palette et jeté un doux nuage de douleur sur les grands sujets mythologiques qui marquent l’essentiel de sa production et ont fait sa renommée. A partir de 1870, la couleur bleue évoque directement ou sous un voile mythologique, Maria Zambaco : bleus canard et violacé pour Phyllis et Demophoön (1870), bleus saphir et sarcelle pour le Maria Zambaco (1870), bleus-gris pour l’allégorie de la Fortune (La Roue de la Fortune, 1875-83), bleus turquin et charrette pour L’Enchantement de Merlin (1873-74), fumée et pastel pour le vêtement de Pygmalion (série Pygmalion et l’image, 1875-78), bleu de Prusse aux reflets argentés pour les armures du roi Cophétua (Le roi Cophétua et la jeune mendiante, 1880-84) et de Persée (série Persée 1884-85). Ces variations suggèrent la lourde charge symbolique qu’avait la couleur bleue pour Edward Burne-Jones.

Si elle est due, comme nous venons de le voir, aux états sentimentaux de l’artiste enregistrés dans ses grandes fresques sur le thème de l’amour, la propagation du bleu dans l’œuvre de Burne-Jones a également une seconde origine possible : son troisième séjour en Italie, en 1871. Outre Gênes, Florence, Pise et Sienne, qu’il avait déjà visitées, Burne-Jones découvrit San Gemignano, Orvieto, Assise, Péruge, Cortone, Arezzo et Rome. A l’issue de ce voyage, la liste de ses maîtres italiens préférés s’était allongée, et incluait maintenant, en plus de Michel-Ange, Luca Signorelli, Mantegna, Giotto, Botticelli, Andrea del Sarto, deux « nouveaux » : Paolo Uccello et Piero della Francesca (Burne-Jones 1905 : 2.26). En revanche, il n’eut même pas envie d’aller voir les Titien7. A Arezzo, il avait découvert la beauté hiératique et hors du temps des peintures de Piero della Francesca. Le maniement par ce dernier de l’ombre et de la lumière fut une révélation pour Burne-Jones, écrit Fiona MacCarthy. Il copia dans ses carnets les fresques du maître, s’imprégna de leur atmosphère immobile et solennelle, et de leur chromatisme. Les bleus surtout le séduisirent, « Bleus profonds des vêtements. Bleus pâles mouchetés des ciels. Comme Piero [della Francesca], Burne-Jones aimait le bleu »8 (MacCarthy 2011 : 234). Le resserrement de ses liens avec John Ruskin fut sans doute aussi en partie responsable de l’envahissement du bleu dans l’art de Burne-Jones. En effet, dans une lettre de novembre 1879, l’auteur des Peintres modernes se définissait lui-même comme un « amoureux du bleu »9, dont l’un des grands maîtres, à ses yeux, était Turner qui, dans le traitement des ciels avait su rendre l’azur plus lumineux en le mêlant de gris, de jaune, voire de noir (Ruskin 1905 : 36.36). Bien qu’ils n’aient jamais vraiment rompu leur amitié, Ruskin et Burne-Jones s’étaient distanciés pendant quelques années, avant que l’âge et les épreuves ne rapprochent les deux hommes10. C’est sans doute en se souvenant des leçons de celui qui l’avait accompagné durant ses deux premiers voyages en Italie, à travers sa présence textuelle en 185911, et physique en 186212, que le peintre avait entrepris son troisième voyage en 1871. De Rome, il écrivit à un ami à quel point l’Italie lui était salutaire, exerçant sur lui une « divine influence »13. S’éloignant comme l’avait fait Ruskin de l’« animalité vénitienne », en Toscane Burne-Jones trouva le « repos » (Christian /Wildman 1999 : 83). Sous le vocable « repos », Ruskin englobait « sa vision romantique du monde comme expression extérieure de la nature de Dieu » (Christian /Wildman 1999 : 83) et pour cet adepte de la symbolique des couleurs, la notion de repos équivalait au bleu clair. D’accord avec celui que toute sa vie il appela « Papa », le peintre se mit à utiliser du bleu de Prusse en grande quantité.

1872 fut une année marquée par la tristesse, la maladie et le deuil, ce fut aussi l’une des plus fertiles dans la carrière de Burne-Jones (Burne-Jones 1905 : 2.26). La dépression de son ami Dante Gabriel Rossetti l’affecta profondément. « C’est le spectacle le plus triste que j’ai vu de ma vie, et il teinte toutes choses des couleurs de la mélancolie et de l’angoisse », écrivait-il à Charles Eliot Norton car « ce que je ressens pour lui est plus qu’une tendre amitié – il est à l’origine de tout ce qui compte pour moi » (Burne-Jones 1905 : 2.29). Teintée de mélancolie, la production réalisée ou prévue de cette année là est essentiellement bleue. En effet, rares sont les mentions d’autres couleurs : les vingt-huit projets auxquels il travailla en 1872 sont décrits par leur titre, leur sujet, leur technique ou leur format, sauf dans le cas du bleu, ce qui indique une visualisation intérieure déjà colorée du projet. Sont mentionnés notamment « [Une] petite aquarelle sur toile de deux fillettes endormies, en robes bleu », ainsi qu’une « peinture à l’huile de Luna, dans des tons de bleu » (Burne-Jones 1905 : 2.30). Ce dernier tableau ne fut achevé qu'en 1875 et fut remarqué par William Michael Rossetti, le frère cadet du maître de Burne-Jones, auteur d'une critique de l'exposition dans The Academy. Selon lui, le tableau était « une superbe invention chromatique, de teintes bleues voilées et néanmoins brillantes »14.

3. Bleu symboliste

Au cours de la dernière décennie de sa vie, l’artiste se retira dans un monde intérieur d’onirisme et de mystère, ce qui l’amena à éviter les couleurs qui rappelaient trop la nature et la vie – le vert et le rouge. Se détournant de la réalité frénétique que tentaient de saisir sur le vif les peintres impressionnistes, Burne-Jones s’isola dans un monde intérieur tamisé. « J’aime travailler ainsi entravé », écrivait-il, « et suis mieux en prison qu’en plein air » (Burne-Jones 1905 : 2.159). Graham Robertson, qui connut personnellement l’artiste, a livré de lui un portrait où l’attachement du maître à sa couleur préférée est évident : il lui apparut vêtu d’une chemise bleu foncé agrémentée d’une cravate bleue dont les pans étaient rassemblés dans un anneau incrusté d’une pierre bleue (MacCarthy 2011 : 291)15. Ayant fait le choix d’une « prison » et même d’un « uniforme » bleus l’artiste se réfugia dans une palette de plus en plus limitée dans son spectre mais toujours plus complexe dans la multiplicité des nuances de bleus. Cette dérive monochromatique suscita quelques critiques assez hostiles au bleu, couleur de l’ombre. Toutefois, les innombrables nuances de bleu qui coloraient la vie aussi bien que la palette du maître ne manquèrent pas de charmer les Esthètes et les Décadents du siècle finissant. Cette couleur plus que toute autre a présidé à l’œuvre des dernières années, au point de devenir la quintessence de l’imaginaire de Burne-Jones et contribuer à « la sombre et mystique beauté qui plaît à l’imagination sans détour et constitue l’atmosphère même des légendes »16. Quand bien même certains critiques à Londres semblaient regretter « une sentimentalité morbide et une étrangeté recherchée » (Duranty 1879 : 372) caractérisée par « la lassitute trop appuyée de toutes les paupières, … l’affaissement de toutes les bouches » (Christian 1999  :1), sur le continent, Burne-Jones devenait l’objet d’un véritable culte parmi les Symbolistes. Le poète décadent Jean Lorrain et la mondaine baronne Madeleine Deslandes, par exemple, n’eurent de cesse de chanter ses louanges auprès du public parisien. Jean Lorrain, fervent admirateur de Burne-Jones avec qui il partageait une prédilection pour la couleur bleue17, dédia à l’œuvre du peintre anglais quelques beaux vers en hommage à Botticelli :

Sous la lune bleue aux caresses molles,
Par le clair-obscur des bois épineux,
Le Printemps s'avance aux sons lumineux
Des flûtes mêlées aux voix des citholes. (« Printemps mystique », 1885)

Le même esthète décrivait dans un texte en prose une « atmosphère étrange où les chairs se nacrent et où les bleus s'irisent comme sous un clair de lune, et que je ne connais qu'à trois peintres au monde : Reynolds, Burne-Jones et Whistler » (Lorrain 1895 : 72). C’est peut-être lors d’une de ses visites au salon de la baronne Deslandes que Lorrain s’éprit comme son hôtesse de l’œuvre de Burne-Jones. (Saunier 1999 : 58)

Pour Madeleine Deslandes, qui publiait ses critiques sous le pseudonyme d’Ossit, Burne-Jones « a créé un genre de beauté […] troublante », des « êtres pâles, désordonnés, souffrants et chimériques » qui « paraissent rongés de désirs inconnus, épuisés, voluptueux, vagues et inconscients. » Leurs yeux, écrivait-elle,

expriment, avec une intensité incroyable, l’étonnement et la douleur de vivre. […] Le sentiment de ses œuvres est tendre et pénétrant, comme l’odeur d’une fleur ; il est aussi cruel, fatal et nostalgique, et tous ces regards points donnent avec une étrange force l’impression hantante de quelque douleur innommée : ce sont tous des êtres blessés par la vie (Ossit 1893 : 1).

La fine lecture ekphrastique de son œuvre, tout autant que le goût de la fascinante baronne pour l’esthétique symboliste séduisirent Burne-Jones lorsqu’elle se rendit chez lui à Londres en mars 1893 (Saunier 1999 : 60). Aussi, il semble peu étonnant que pour le portrait d’elle peint par Burne-Jones, la baronne Deslandes choisît une robe d’un bleu profond.

Figure 2 : Portrait de la baronne Madeleine Deslandes, 1894, huile sur toile ; 115,5 x 58,2 cm ; National Gallery of Victoria, Melbourne.

Figure 2 : Portrait de la baronne Madeleine Deslandes, 1894, huile sur toile ; 115,5 x 58,2 cm ; National Gallery of Victoria, Melbourne.

https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Portrait_of_Madeleine_Deslandes_by_Burne-Jones.jpg.

Le poète belge Emile Verhaeren, lui aussi Symboliste, admirait chez Burne-Jones la capacité à créer une atmosphère surnaturelle : « On le sent hors du réel, là-bas, en des nuits féériquement nimbées, où les fleurs et les bosquets obéissent à des prestiges, où les eaux habillent les corps subtils des fées, où des notes de cristal semblent tomber de la lune, gemmes aussi » (Verhaeren 1887 : 291). Cette atmosphère où sont évoqués l’eau et le cristal ne pouvait être suggérée que par des iridescences bleutées qui éloignent l’objet du spectateur et, ce faisant, attirent irrésistiblement ce dernier vers la toile, comme l’avait remarqué Goethe. Dans l’imaginaire décadent, une couleur domine, un bleu glauque qui rappelle l’eau et les univers sous-marins et qu’a noté Jean Pierrot : « Toute cette réalité est baignée d’une lumière particulière, celle qu’apporte l’eau lumineuse, qui estompe les formes en même temps qu’elle fait briller les objets, qui donne à toutes les réalités une apparence de rêve » (1977 : 289). Cette description évoque irrésistiblement la couleur « eau bleu-vert transparente » dont Burne-Jones avait empli « une grande cuve avec une vitre sur l’avant » (Christian / Wildman 1999 : 264) pour les besoins de son tableau Les Profondeurs de la mer (1886).

Outre les Français et les Belges, de nombreux Italiens étaient admirateurs de l’art de Burne-Jones dont Giulio Aristide Sartorio notait qu’« il rappelle immédiatement les spirituels Toscans » (Pieri 2007 : 148). Sans doute le peintre italien avait-il identifié dans la palette de l’Anglais l’empreinte bleue de Piero della Francesca.

4. Couleur du deuil

Le bleu chez Burne-Jones est parfois associé au deuil, comme dans un projet de décor de théâtre représentant le roi Arthur mort, veillé par trois reines gigantesques vétues de bleu nébuleux (Burne-Jones 1905 : 2.249). Or, l’association du bleu et du deuil connotent la mère de l’artiste, la grande absente décédée six jours après lui avoir donné la vie. Dans une lettre qui se voulait amusante, adressée à son épouse en janvier 1898, Burne-Jones la priait de transmettre ses amitiés aux frères MacDonald (chez qui Georgiana séjournait), ainsi qu’à « ma sœur la lumière du soleil et ma mère le Bleu »18 (Burne-Jones 1905 : 2.326). Se figurant peut-être comme le pâle clair de lune, l’artiste au soir de sa vie confessait à quel point lui avait manqué la sœur, décédée avant sa naissance, qui aurait pu colorer sa vie de nuances plus vives. Surtout, fils de la couleur bleue, il avouait dans une formulation étrange, mais pour lui très claire, la quête de toute sa vie pour retrouver cette couleur primordiale, intime et, pour lui, maternelle. Dans son cœur, la place de sa mère n’avait jamais été inoccupée, donc Burne-Jones n’accepta jamais vraiment le remariage de son père (Burne-Jones 1905 : 2.125). La mort de sa mère était un sujet très sensible, qu’il abordait rarement. Toutefois, dans une lettre de 1897, il s’épanchait pudiquement : « plus le temps passe et plus j’y pense » confiait-il, « si je la vois un jour, eh bien ce sera une jeune femme, de l’âge de Margaret. Mais ne disons pas ‘si’ – lorsque je la verrai : mourrons dans la foi »19 (Burne-Jones 1905 : 2.325). Ainsi, dans l’esprit de Burne-Jones vieillissant, sa mère Elizabeth Coley, sa fille Margaret et la couleur bleue semblent se superposer et se confondre. Lors d’une des dernières conversations sur l’art qu’il eut de sa vie, avec une jeune femme qui faisait ses débuts dans la peinture, il avoua « j’aime le bleu, je trouve que c’est la plus pure et la plus belle couleur au monde, et la plus adorable »20 (Burne-Jones 1905 : 2.347). Difficile de savoir s’il parlait de la couleur ou de sa mère inconnue et idéalisée qu’il partirait rejoindre quelques semaines plus tard.

Conclusion

A travers quatre décennies de production picturale, l’oeuvre d’Edward Burne-Jones a été assez rapidement dominée par la couleur bleue, une couleur qui, comme nous l’avons vu, revêtait pour lui de multiples connotations. Depuis le bonheur sans nuage de sa jeunesse où, en disciple des premiers Préraphaélites, il aspirait à copier la nature, jusqu’au rêve poétique de ses dernières années durant lesquelles il ne s’efforçait plus que de faire surgir sur la toile « le reflet d’un reflet de quelque chose de purement imaginaire » (Burne-Jones 1905 : 2.261), le bleu était pour Edward Burne-Jones la couleur de la lumière, fût-elle azur ou miroirement. Or, couleur et lumière pour George Field, Joseph Mallord William Turner et John Ruskin, comme pour les maîtres de la Renaissance, étaient des substances. C’est pourquoi le critique méprisant qui opposa les deux termes lorsqu’il écrivit en 1933 que Burne-Jones « s’est occupé d’ombres, non de la substance de l’art » (Christian 1999 : 1) en même temps révéla ses propres insuffisances théoriques. Parce que l’ombre comme la lumière, dont elle est le complément nécessaire, étaient des substances, concrètes, présentes, vivantes aux yeux d’Edward Burne-Jones, elles ont donné corps à ses œuvres les plus significatives et nuancé d’une multitude de bleus sa palette et son imaginaire.

Bibliographie

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Clifford, Edward, Broadlands as it was, London : Lindsey, 1890.

Christian, John, « Un saut périlleux critique », in : Christian, John, et al., Eds. Edward Burne-Jones 1833-1898. Un maître anglais de l’imaginaire (Trad. Pierre-Emmanuel Dauzat), Paris : RMN, 1999, p. 1-4.

Christian, John / Wildman, Stephen, « Catalogue », in : Christian, John, et al., Eds. Edward Burne-Jones 1833-1898. Un maître anglais de l’imaginaire (Trad. Pierre-Emmanuel Dauzat), Paris : RMN, 1999, p. 41-336.

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Notes

1 Pourtant, ceux qui ont connu l’artiste ont témoigné de sa prédilection pour le dessin, et de la facilité avec laquelle il s’exprimait par le trait (Robertson 1953 : 84). Retour au texte

2 ‘Blue was […] instrumental in the medieval revival in art’, (Patey, 2004 : 165). Retour au texte

3 ‘O my bright blue little Margot’, (Burne-Jones, 1905 : 2.85). Edward Burne-Jones a peint plusieurs portraits de sa fille à des âges différents, mais invariablement vêtue de bleu. Voir son Portrait of Margaret Burne-Jones, the artist’s daughter (c. 1880), Margaret Burne-Jones (n.d.) en buste, les bras croisés, et le Margaret Burne-Jones (1885-1886), où elle pose devant un miroir circulaire. Comme le remarquent Christian et Wildman, « [C]e portrait la représente vêtue de bleu, la couleur préférée de son père et à laquelle Margaret était associée dans son esprit » (Christian / Wildman 1999 : 261). Burne-Jones semble avoir associé non seulement sa fille mais le prénom même de Margaret à la couleur bleue : son vitrail Margaret of Antioch pour l’église de St Margaret à Rottingdean montre la sainte en longue chasuble bleue. Dans un autre vitrail consacré à sainte Margaret réalisé en 1888 pour l’église All Saints à Dedworth, la martyre apparaît tout entière vêtue de bleu, foulant aux pieds un dragon rouge. Retour au texte

4 Exposition « The Last Romantics: The Romantic Tradition in British Art, Burne-Jones to Stanley Spencer », 9 février – 9 avril 1989. Retour au texte

5 Voir la « Liste des Immortels » où Goethe est gratifié de deux étoiles (Hueffer, n. d. :105-106). Retour au texte

6 « Before them (the couple), the three bridesmaid and their groomsmen dance in circle, holding each other’s hands, barefooted, and dressed in long dark blue robes […] [T]he depth of the distant background throws out her pale head in an almost lunar, yet unexaggerated, light; and the white and blue flowers of her narrow coronal, though merely white and blue, shine, one knows not how, like gems » (Ruskin 1905 : 34.152). Retour au texte

7 « This time […] I never wanted even to look at Titian » (Burne-Jones 1905 : 2.26). Retour au texte

8 « [Piero’s] use of shadow and light […] came as a revelation to Burne-Jones, who made copies of the frescoes in his sketchbook […] He absorbed Piero’s stillness and atmosphere […] solemn paintings in which strange things are happening. They have a static quality, a mysterious suspended animation which Burne-Jones was to emulate in his own work. And the colour is remarkable, especially the blueness. Deep blues of people’s garments. Pale, flecked blues of the skies. Like Piero, Burne-Jones loved blue » (MacCarthy 2011 : 234). Retour au texte

9 Lettre de John Ruskin à H.S. Marks R.A., novembre 1879 : « I’m such a lover of blue (except in beards, stockings and devils) ». (Ruskin 37 : 302) Retour au texte

10 Voir à ce sujet l’article de Cristina Pascu-Tulbure « Aethetics of Desire: Ruskin, Burne-Jones and their Sleeping Beauties » (2014 : 149-179). Retour au texte

11 Val Prinsep, qui fit le voyage avec Burne-Jones au cours de l’été 1859, raconte qu’ils parcoururent Gênes, Pise, Florence, Sienne, Vérone, Padoue et Venise « Ruskin à la main » (Christian / Wildman 1999 : 80). Retour au texte

12 Au cours de l’été 1862, les époux Burne-Jones se rendirent en Italie avec John Ruskin et visitèrent Milan, Parme, Vérone, Padoue et Venise (Christian / Wildman 1999 : 82-83). Retour au texte

13 « I have got well under the divine influence of [Italy], and […] for a time at least, I feel no sort of sadness or depression, and am in better health than I have been for I think three or four years » (Burne-Jones 1905 : 2.25). Retour au texte

14 http://www.christies.com/lotfinder/paintings/sir-edward-coley-burne-jones-bart-ara-rws-5157409-details.aspx Retour au texte

15 « His face with its great width across the eyes and brows, tapering oddly towards the chin, was strangely like his own pictorial type; its intense pallor gave it a luminous appearance added to by his large grey-blue eyes and silvered hair; his long coat and high waistcoat produced an impression indefinitely clerical; he wore a dark blue shirt and a blue tie drawn through a ring in which was set a pale blue jewel ». Robertson cité in MacCarthy (2011 : 291). Retour au texte

16 « The shadowy mystic beauty which appeals directly to the imagination and constitutes the very atmosphere of the legends » « Drama: This Week », The Athenaeum, 19 janvier 1895, 93. Retour au texte

17 Il est l’auteur de La Forêt Bleue (1883). Retour au texte

18 « Give my love to my brothers the MacDonalds and my sister the Sunlight and my mother the Blue » Retour au texte

19 Dans une lettre, à propos de la mort de sa mère, il écrivait : « As time goes on I think of it more and more. If ever I see her, why she will be a young thing, as young as Margaret. But we won’t say ‘if’ – when I see her: let us die in the faith ». Retour au texte

20 « I love blue, I think it the most pure and beautiful colour in all the world, and the most lovely ». Retour au texte

Illustrations

Citer cet article

Référence électronique

Béatrice Laurent, « « La plus belle couleur au monde » : le bleu dans l’œuvre d’Edward Burne-Jones », Textes et contextes [En ligne], 17-2 | 2022, publié le 15 décembre 2022 et consulté le 21 novembre 2024. Droits d'auteur : Licence CC BY 4.0. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/textesetcontextes/index.php?id=3770

Auteur

Béatrice Laurent

Professeur, Département d’études anglophones, Université Bordeaux Montaigne, Domaine universitaire, 19 Esplanade des Antilles, 33607 PESSAC Cedex

Droits d'auteur

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