D’une intimité à l’autre : érudition scripturaire, lecture d’humanité et vision politique, dans le Tratado de las ocho questiones del templo (1552) de Juan de Vergara

  • From One Intimacy to Another: Scriptural Erudition, Human Reading and Political Vision in Juan de Vergara’s Tratado de las ocho questiones del templo (1552)

Résumés

Le Tratado de las ocho questiones del templo (1552) de Juan de Vergara est considéré comme l’ouvrage fondateur de la critique historique en Espagne. Si l’on s’intéresse à la genèse de ce texte et aux traces qu’il en conserve, on perçoit que Vergara l’a sans doute conçu avec davantage d’ambition. Fruit de l’intimité avec le duc de l’Infantado, Vergara donne une véritable leçon d’humanisme dans cet échange épistolaire dont il fait un traité. Au delà des mises en garde contre une érudition stérile, au delà des consignes qui encadrent la pratique de la philologie, le traité dévoile, dans l’intimité de sa mise en texte et de sa mise en livre, le dessein de son auteur. Dans la totalité de sa réponse à la lettre du duc de l’Infantado, Juan de Vergara indique à cet homme comment acquérir et conserver une dignité en accord avec son état. Ce faisant, il ouvre l’humanisme philologique et les pratiques sur lesquelles il repose à la question de l’harmonie du corps politique.

The Tratado de las ocho questiones del templo (1552) by Juan de Vergara is considered as the founding work of Spanish historical criticism. If we look at the genesis of the text and the marks it still bears of its conception, we discover that Vergara’s ambition must have been even higher. He turns this correspondence into a treatise and a true lesson in humanism as the fruit of his intimacy with the Duke of the Infantado. Beyond warnings against sterile forms of erudition and instructions for the practice of philology, the treatise displays his author’s design in its textual and material arrangement as a book. In his answer to the Duke’s letter, Juan de Vergara explains to him how to acquire and keep a dignity in keeping with his rank, and opens philological humanism and its practices to the question of the harmony of the body politic.

Plan

Texte

À peine onze années après la parution du Tratado de las ocho questiones del templo, un des esprits les plus brillants de son temps, le dominicain Melchor Cano, rendait à Vergara, dans le XIe livre du De locis theologicis, le plus bel hommage qui pouvait être. Traitant de l’autorité de l’histoire humaine en matière théologique et plus précisément des moyens de distinguer les historiens dignes de foi des autres, il y citait Vergara et son opuscule en exemple. Ce faisant, il s’acquittait de la dette qu’il avait contractée auprès de lui en matière de méthodologie historique (Cano 2006 : 641-642).

Malgré l’éclat de ce témoignage d’estime présent dans la somme théologique de Cano, il semble que quelques lignes de l’Historia de los heterodoxos aient pesé encore plus lourd sur les termes du passage à la postérité du Tratado de las ocho questiones del templo. Elles ont contribué à renforcer l’idée selon laquelle ce traité avait joué un rôle majeur, mais dans un champ très clairement délimité, pour le développement de la pensée espagnole moderne. En effet, au début des années 1880, Marcelino Menéndez y Pelayo reconnaissait en l’auteur de cet opuscule le « père de la critique historique en Espagne »1 et faisait accéder cet ouvrage publié en 1552 par l’humaniste accompli, correspondant, ami et défenseur d’Érasme, que fut Vergara, au statut d’œuvre fondatrice de cette nouvelle manière de faire de l’histoire (Menéndez y Pelayo 1882 : 63).

Le traité, qui porte sur la construction du second temple de Jérusalem au retour de la captivité de Babylone, à la fin du VIe siècle avant Jésus-Christ2, ne dément pas le jugement de l’érudit positiviste et catholique, mais invite toutefois à formuler quelques précisions. Tout d’abord, l’apport décisif de Juan de Vergara à la méthodologie historique est concentré dans le cinquième chapitre de l’ouvrage (qui en compte huit), véritable traité dans le traité puisqu’il s’étale sur cinquante-quatre folios (32v-86r), sur un total de 1173. Or cette réduction de l’ensemble d’un discours à ce qui n’est qu’un moment central, pour important qu’il soit, occulte la singularité, l’hybridité, génétique et générique, de ce texte. En effet, bien qu’intitulé Traité…, il se situe à mi-chemin entre le traité proprement dit et l’échange érudit entre humanistes, puisque Juan de Vergara y répond à un ensemble de questions qu’Íñigo López de Mendoza a soumises à sa sagacité et à son érudition, comme le rappelle la suite du titre, … des huit questions sur le temple proposées par le très illustre seigneur duc de l’Infantado. L’exposé méthodique d’une question précise n’est donc rien d’autre que le fruit de la communication épistolaire, libre et intime, entre deux hommes. En réduisant ce texte au message révolutionnaire et décisif qu’il délivra dans l’Espagne de son temps, on court ainsi le risque de réduire considérablement sa portée. Juan de Vergara a choisi de couler un discours novateur dans un moule en apparence traditionnel mais dont plusieurs indices visuels relaient, dans les profondeurs de la page, ce que le discours verbal qui la noircit en surface ne dit qu’incomplètement. La genèse si particulière du Tratado de las ocho questiones del templo invite donc à scruter la mise en texte de cet ouvrage. Cette opération intéresse tous les procédés divers par lesquels un auteur oriente la lecture de son ouvrage et lui garantit celle qu’il estime correcte :

On peut en effet définir comme relevant de la mise en texte les consignes, explicites ou implicites, qu’un auteur inscrit dans son livre afin d’en produire la lecture correcte, c’est-à-dire celle qui sera conforme à son intention. Ces instructions, adressées clairement ou imposées à son insu au lecteur, visent à définir ce qui doit être la juste relation au texte et à imposer son sens. Elles reposent sur une double stratégie d’écriture : inscrire dans le texte les conventions sociales ou littéraires, qui en permettront le repérage, le classement, la compréhension ; mettre en œuvre toute une panoplie de techniques, narratives ou poétiques, qui, comme une machinerie, devront produire des effets obligés, garantissant la bonne lecture. Il y a donc là un premier ensemble de dispositifs, purement textuels, voulus par l’auteur, résultant de l’écriture, qui tendent à imposer un protocole de lecture, soit en ralliant le lecteur à une manière de lire qui lui est indiquée, soit en faisant agir sur lui une mécanique littéraire qui le place là où l’auteur veut bien le placer. (Chartier 1985 : 101-102)

De par son statut de refonte de ce qui est présenté comme un échange épistolaire, et en vertu du changement de destinataire et de destination que cette opération suppose pour son discours, le Tratado de las ocho questiones del templo incite le lecteur moderne à traquer, dans ses moindres recoins, toutes les traces des manipulations, par l’auteur, d’un matériau originel qu’il ne connaît qu’imparfaitement et dont il n’était pas appelé à être, originellement, le récepteur. Sur ce point, le prologue de l’ouvrage fourmille de détails qui n’ont d’autre propos que de nous faire pénétrer dans l’intimité des deux correspondants et, partant, dans celle du traité. À partir du xvie siècle et avec le développement de l’imprimerie, ces stratégies discursives se doublent souvent de dispositifs purement typographiques mis en œuvre par l’éditeur-imprimeur de l’ouvrage. Ils sont censés respecter, voire renforcer, le protocole de lecture voulu par l’auteur (Chartier 1985 : 102-103).

Cependant, la loquacité des premières pages sur la genèse même de l’ouvrage ne semble pas trouver d’écho – ou du moins en apparence – dans ce travail de « mise en livre ». À l’exception d’un passage notable, la mise en page est peu aérée et sans fantaisie aucune, jusque dans les lettrines qui inaugurent chacun des chapitres : un texte relativement dense et réparti de manière uniforme – voire monotone – occupe à lui seul tout l’espace imprimé de la page. De ce point de vue donc, comme c’est également le cas pour d’autres ouvrages sortis des presses tolédanes de Joan Ferrer au début des années 15504, le traité de Juan de Vergara affiche une certaine austérité, voire une apparente pudeur.

Fruit de l’intimité intellectuelle entre deux hommes tout d’abord, puis résultat du travail d’un des plus grands humanistes de son temps, le message délivré par le Tratado de las ocho questiones del templo ne saurait être compris sans tenir compte des circonstances qui président à l’élaboration de cet ouvrage. Elles lui confèrent une double dimension : d’une part, celle de réponse précise à certaines questions d’érudition qui favorise la mise en œuvre d’une méthodologie historique érigée en modèle, à la faveur d’une discrète mais ferme intention didactique de la part de celui qui la pratique ; celle, également, d’ouvrage enraciné dans des usages si fondamentaux pour les humanistes que sa richesse et sa profondeur s’en trouve décuplées.

1. Computation et « lecture d’humanité »

De la monotone mise en page de l’édition de 1552 du Tratado de las ocho questiones del templo, deux espaces typographiques atypiques se dégagent pourtant5. L’inexorable dévidement discursif accueille en effet en son sein, aux folios 37v et 40v, deux listes dynastiques. Elles suivent le même patron. En partant de la gauche, une première colonne classe de manière croissante les rois de Perse, dont les noms viennent ensuite, dans une seconde colonne. La dernière est double : elle précise en années ou en mois, suivant les cas, la durée du règne de chacun. D’origine différente, ces deux listes ne possèdent pas le même statut dans le traité. En effet, la première est directement tirée d’une chronique d’Eusèbe de Césarée, « où les rois de Perse et les années de leur règne sont disposés de cette manière. »6 (Vergara 1552 : fol. 37v) La seconde, quant à elle, est l’œuvre de Juan de Vergara qui l’a déduite d’un texte de l’historien perse Méthastène, sans doute contemporain d’Alexandre le Grand selon l’humaniste.

L’une et l’autre révèlent un des principaux objectifs du traité. Les doutes du duc de l’Infantado, qui interroge ici Juan de Vergara, portent essentiellement sur des questions de computation, autrement dit de supputation des temps. Les textes bibliques et leurs commentateurs ne s’accordant ni sur l’époque de la reconstruction du temple, ni sur les souverains sous lesquels elle a été entreprise et s’est déroulée, le noble castillan a décidé de s’en remettre à l’érudit chanoine de la cathédrale de Tolède. Et de fait, il n’est pas une question du duc qui ne porte sur l’identification précise d’une époque ou d’un personnage historique, ce qui revient au même. Les réponses formulées par le docteur Vergara, saisies dans leur ensemble, n’accordent cependant pas toutes la même importance à la computation. Précisément, là même où elle se trouve au cœur du texte qui lui a ménagé un espace inédit, et où les listes dynastiques établissent une communication nouvelle avec le lecteur, non plus discursive mais principalement visuelle, Juan de Vergara finit par écarter d’un revers de main ces préoccupations, tout simplement peut-être pour conjurer une obsession qui pourrait s’avérer stérile. Après avoir, en plusieurs passages, rétabli la chronologie pour certaines périodes, et au moment où il vient de confronter deux tableaux chronologiques à quelques pages d’intervalle, il affirme :

Mais, eu égard aux difficultés ardues que pose d’ordinaire la computation des années, non seulement en histoire profane, mais dans les saintes Écritures mêmes, la différence d’années dans cette monarchie n’est pas si grande qu’elle ne puisse de cette manière, ou d’une autre, correspondre ou être corrigée. Elle n’est pas non plus si importante qu’elle suffise à troubler des comptes longs, notoires et connus, comme les âges du monde, les LXX semaines de Daniel, et d’autres de ce genre, car ce qu’un écrivain allonge dans une monarchie, il le réduit dans une autre, si bien que les sommes importantes finissent presque par concorder (Vergara 1552 : fol. 45r)7

En effet, plus décisif est pour Vergara d’établir la véritable liste des rois de Perse, sans se préoccuper de la durée de leur règne, puisque Eusèbe et Méthastène divergent également sur cette question. Il va s’employer longuement à faire toute la lumière sur une confusion, « non seulement importante, mais intolérable »8 (Vergara 1552 : fol. 45v), dans la suite de ce cinquième chapitre. Il quitte, à cette fin, l’étroit terrain de ceux qu’il nomme « chronographes9 » (Vergara 1552 : fol. 45r) pour s’aventurer sur celui de la réfutation des manipulations et des falsifications de certains auteurs, parmi lesquels Annius de Viterbe occupe la première place. Le dominicain Giovanni Nanni, de son vrai nom, est un érudit italien, qui, en plus du latin, maîtrisait également le grec, l’arabe, l’hébreu et le chaldéen. Il avait mis ses compétences linguistiques au service de l’étude de l’histoire sacrée et de la chronologie. Les œuvres qu’il publia dans ces domaines lui valurent un grand renom et la bienveillance de deux papes de la fin du xve siècle, Sixte IV – qui lui conféra la charge de Maître du Sacré Palais en 149910 – et Alexandre VI, mais également des Rois Catholiques (Cirot 1905 : 67). Si elles sont désormais largement méconnues, la réputation de faussaire de leur auteur est toujours vivace. Les listes généalogiques et les calculs vertigineux occupent une place de choix parmi tous les procédés de falsification auxquels il a recours (Crahay 1983 : 255). Chez Annius de Viterbe, l’intention est bel et bien de recouvrir la manipulation coupable de la matière historique d’une apparente et factice respectabilité.

Le détail de ces opérations malhonnêtes qu’on peut rencontrer dans les ouvrages d’Annius jette une lumière nouvelle sur l’attitude quelque peu paradoxale de Vergara relevée plus haut. Pourquoi, en effet, avait-il éprouvé la nécessité de souligner la vanité de calculs auxquels il se livrait en plusieurs autres endroits du traité ? La réponse à cette interrogation met en lumière la stratégie intellectuelle de Vergara. Si, au delà de sa contribution érudite à l’édification de son correspondant, il cherchait également à inculquer à un plus large lectorat les principes fondamentaux de l’écriture de l’histoire, se lancer dans certains calculs trop ardus et sans intérêt décisif, quelle que fût l’intention avec laquelle ils étaient menés, revenait à se commettre avec les tenants d’une pratique dont la réfutation est tout l’enjeu du cinquième chapitre.

Les listes dynastiques du Tratado de las ocho questiones del templo ont donc quelque chose d’un leurre, du moins dans les colonnes consacrées à la computation. D’une manière générale, elles valent davantage pour ce qu’elles montrent que pour ce qu’elles disent textuellement. Elles fonctionnent de la même manière que les récapitulations de la teneur des questions par lesquelles commence chaque réponse. Par le souci de clarté extrême du propos qu’elles manifestent, elles ne sont que le reflet d’une radicalisation jusqu’à l’extrême des préoccupations méthodologiques qui animent Vergara. Ainsi, elles montrent combien la transmission d’une méthode a tout autant droit de cité dans l’œuvre, voire davantage, que la pure érudition. Cette conclusion n’a rien d’original. C’était à ce titre que Cano en avait inclus une partie dans la somme qu’il publia en 1563.

Juan de Vergara n’en reste pas moins un des hommes les plus savants de son temps. Il puise dans les livres, en procédant à des recoupements, comme c’est le cas tout au long du traité sur le temple de Jérusalem, ce qui fonde son savoir. En 1557, à Tolède, le nombre et la diversité des ouvrages vendus aux enchères après sa mort survenue cette même année, nous prouvent l’étendue et la profondeur de cette érudition. Sa bibliothèque regorgeait de commentaires bibliques mais également d’ouvrages portant sur l’agriculture, les mathématiques, la médecine, la cosmographie, etc. (Laspéras 1976 : 337-351). Ainsi, c’est en vertu d’une certaine idée de l’érudition qu’il fustige Jean Driédon11 : « Le voile de l’ignorance est parfois si épais chez ceux qui ne sortent pas des livres de leur faculté. Sur le sujet que nous traitons, on peut compter Jean Driédon parmi eux. Cet homme docte et pénétrant dans sa théologie est toutefois étranger (selon toute apparence) à toute lecture d’humanité. »12 (Vergara 1552 : fol. 48r)

Pour avoir remis en cause l’autorité d’Eusèbe et de saint Jérôme, pour mieux « embrasser dans l’obscurité son Méthastène »13 (Vergara 1552 : fol. 48r), ce personnage mérite une telle censure de la part de Juan de Vergara. Sans qu’elle suppose pour Driédon une condamnation sans appel, la référence à la théologie – spéculative plus que scripturaire si l’on veut bien lire entre les lignes – l’inclut dans le camp avec lequel les humanistes, qui prétendent faire profiter des avancées de la philologie dans l’exégèse des textes sacrés, ont maille à partir. À l’instar d’un Juan Luis Vives, qui confessait avoir eu tant de mal à se débarrasser du carcan scolastique de sa formation, le docteur Vergara savait bien quel genre de maître Driédon pouvait être et connaissait directement ou pouvait aisément imaginer la doctrine qui était la sienne. Dès 1522, dans une lettre envoyée à Érasme depuis Bruxelles où il séjournait avec la cour impériale, Vergara revenait de manière éloquente sur son parcours intellectuel :

Quant à moi, je voudrais que tu me considères comme un homme très épris des bonnes-lettres ; de ce fait, tu reconnaîtras en moi, du même coup, un fervent admirateur de l’œuvre d’Érasme, dont j’ai toujours cru la cause étroitement unie à celle des disciplines les plus honorables. Ceci, assurément, je le dois à la disposition d’un esprit par ailleurs peu fécond. Livré, dès l’enfance, par la décision d’autrui, à des études trop rébarbatives, je me tournai parfois vers des Muses plus douces, vers une érudition plus humaine, que je préférais certes à toutes les sornettes les plus subtiles ; j’estimais qu’aux théories trop sévères de la philosophie sacrée et profane il convenait de mêler et d’unir une telle érudition. (Gerlo 1967 : 69)14

« Humanité » renvoie donc de manière immédiate, dans le Tratado de las ocho questiones del templo, aux humaniores literæ, ces belles lettres dont la restauration et l’étude furent si importantes pour l’épanouissement de la Renaissance dans l’Europe entière. Il y a tout lieu de penser également que la lecture d’humanité dont parle Vergara est tout autant un procédé, une méthode, qu’une activité. Certes Driédon puise ses informations, sans discernement aucun, chez un auteur dont les écrits sont sujets à caution mais surtout il le fait en secret, comme s’il se couvrait lui-même du voile de l’ignorance pour se retrouver dans l’obscurité, dans une intimité suspecte, voire blâmable. Les erreurs grossières qu’il commet sont imputables à cette démarche en tout premier lieu. Son incapacité à montrer de l’intérêt pour d’autres disciplines que la sienne limite sa réflexion, tout comme elle le prive de recevoir les lumières des autres penseurs de son temps. Dans son édition du De civitate Dei, Vives n’avait pas hésité à inclure toutes les connaissances historiques, philosophiques, etc., nécessaires à la bonne compréhension du texte de saint Augustin, quitte à alourdir son édition, lui qui souhaitait plaire par la brièveté15. Comme il le rappelait dans la préface à son ouvrage, il avait d’ailleurs vu ses efforts récompensés par les critiques d’un théologien ignare qui estimait inutile d’expliquer les allusions géographiques, philosophiques et autres, car sans intérêt pour les théologiens (Gerlo 1976 : 52)

2. Authenticité et autorité

En excellent humaniste, Juan de Vergara puise donc pleinement dans les ressources de la philologie. Il utilise ainsi tous les savoirs à sa disposition, confronte les différentes leçons d’un même texte, pour accéder à une intimité avec la lettre qui permet seule d’en délivrer l’esprit. Les exemples en sont légion tout au long du traité, à l’image de ces passages de la réponse à la seconde question. La correction des Antiquités de Flavius Josèphe, à partir du troisième chapitre du livre d’Esdras dans la version des Septante, permet d’y déterminer avec précision les événements auxquels il est fait référence et, partant, de les situer dans le temps. L’erreur de datation repose en effet sur une confusion dans la traduction du passage. Vergara finit par la déceler en relevant les contradictions entre le discours d’Esdras et celui de Flavius Josèphe, et au sein de l’œuvre même du prophète.

De cette manière, si l’on tient compte de tout cela, en en venant au passage du 3e chapitre qui semble contredire cela, il faut le nuancer, car il n’est pas dit, une fois le temple édifié, mais fondé, ce qui revient à dire une fois que ses fondations ou bases furent jetées. On est assuré, en effet, qu’elles le furent à cette époque, sans que les travaux fussent poursuivis, comme on peut le déduire du récit que les Samaritains font dans le chapitre 5 de la lettre qu’ils écrivirent au roi Darius sur cet ouvrage. Cette différence entre fondé et édifié a été très bien gardée par les soixante-dix interprètes dans le traduction grecque de ce passage…16 (Vergara 1552 : fol. 14v-15r)

Cette mise au point pose, par delà la question de l’authenticité et de la fiabilité des sources que peut manier l’auteur, point amplement débattu dans la réfutation d’Annius de Viterbe au chapitre V, celle de l’autorité de l’auteur moderne. Mais l’habileté dont Vergara fait montre ici, en ce début des années 1550, pour déceler les erreurs qui ont pu se glisser dans un texte – ou qui ont pu y être introduites à dessein – et pour rétablir la juste datation des faits, a déjà été mise à l’épreuve dans des circonstances autrement cruelles, quelque vingt années plus tôt.

Lorsque son frère, Bernardino Tovar, est emprisonné dans les geôles de l’inquisition de Tolède à l’automne 1530, principalement sur des dénonciations de Francisca Hernández, Vergara – que la déposition de la béate n’épargne pas non plus –, met tout en œuvre pour lui offrir la meilleure défense. Il va même jusqu’à corrompre des ministres subalternes de l’institution inquisitoriale et parvient à entretenir avec Tovar une correspondance, brisant ainsi le sacrosaint secret de l’instruction. Accusations et soupçons d’hérésie s’étaient accumulés contre Vergara, depuis 1530, sans comporter d’élément décisif permettant d’entamer une procédure contre l’influent secrétaire de plusieurs archevêques de Tolède. En 1533, la découverte de ce faux pas offre aux inquisiteurs le motif qu’ils attendaient depuis bientôt trois ans.

Après avoir été emprisonné, lors des premières auditions devant le tribunal inquisitorial, Vergara se voit donc placé devant l’obligation de répondre aux accusations formulées contre lui. Les minutes du procès font état d’échanges assez vifs entre l’accusé et ses juges. Dans sa défense, Vergara s’emporte tout particulièrement quand on lui reproche ses critiques à l’encontre des Quinquagenæ de saint Augustin. À travers Vergara, c’est tout l’héritage d’Érasme qui est naturellement visé. Le chanoine soutient – avec une certaine véhémence, voire une pointe d’arrogance – que la méconnaissance du grec chez l’évêque d’Hippone disqualifie son commentaire des psaumes :

Ledit docteur proféra à ce sujet nombre d’injures en disant que celui qui soutenait le contraire ne savait pas ce que c’est que l’Esprit et que les moines, en contredisant Érasme, étaient des ignorants et que certains mots des psaumes, comme du livre de Salomon, n’étaient pas traduits des saintes Écritures que nous possédons à partir du grec, mais que le texte grec veut dire autre chose, concédant davantage d’autorité à ce qui est en grec que lui [saint Augustin]…17 (Longhurst 1958-1963 : 154)

Derrière les défenseurs de saint Augustin se cachent ceux qui soutiennent, sans réserve aucune, l’autorité de la Vulgate, rédigée, à l’instar des Quinquagenæ, sous l’inspiration de l’Esprit saint. Vergara s’estime d’autant plus fondé à s’exprimer sur ce point qu’il rappelle à ses juges qu’il traduisit, à la demande du cardinal Cisneros, la majeure partie de la philosophie et de la métaphysique d’Aristote, ainsi que plusieurs livres bibliques, dont les livres sapientiaux. Il fut chargé, en outre, de rédiger la glose interlinéaire qui accompagne certains textes des Écritures dans la Bible complutense (Longhurst 1958-1963 : 38, 162-163). Rappeler un tel curriculum vitæ ne revient pas à autre chose qu’à lier la question de l’authenticité des sources textuelles à celle de l’autorité de celui qui les commente. À ce titre, dans le même interrogatoire où il répond aux vingt-deux chefs d’accusation qui pèsent contre lui, Juan de Vergara dissocie l’authenticité d’un auteur de l’authenticité du message délivré par ses écrits. Comme théologien et homme

relativement instruit en langues, spécialement en grec et en latin, il dit de nombreuses fois que [chez] des docteurs très authentiques on trouve des erreurs commises par ignorance des langues grecque et hébraïque et [que], par ailleurs, dans des traductions faites de ces langues en latin se sont glissées des erreurs qui montrent que les commentateurs ne purent bien percer le véritable sens du texte puisqu’ils ne possédaient pas la langue d’origine18 (Longhurst 1958-1963 : 38, 162)

Si la détermination de l’authenticité d’un texte ou d’un auteur et de l’autorité qu’il faut leur reconnaître fait l’objet de développements aussi serrés sous la plume de Vergara c’est qu’Annius de Viterbe prétend énoncer des règles en la matière et car de nombreux auteurs, à l’image de Johannes Nauclerus, chroniqueur allemand, se sont fourvoyés en les accueillant « comme si elles provenaient de l’oracle d’Apollon. »19 (Vergara 1552 : fol. 43r) Vergara semble déplacer sensiblement le problème quant à lui : un texte ancien n’est authentikos, autrement dit il ne possède d’autorité – puisque c’est là le sens de l’adjectif grec – que celle que celui qui s’en saisit peut lui conférer. Pour cette raison, le texte qui fait office de prologue à la totalité du traité se referme sur une ultime phrase de captatio benevolentiæ qui va dans ce sens. Puisque le chanoine ne peut se prévaloir de l’inspiration divine, à l’instar du diacre Philippe expliquant Isaïe au trésorier de la reine Candace, « il nous faut, dit-il au duc de l’Infantado, nous en remettre aux livres d’auteurs authentiques. Je dirai ce que j’ai compris à leur lecture à propos des questions de votre seigneurie »20 (Vergara 1552 : fol. 5v) Dans cette déclaration d’intention, l’humaniste laisse apparaître combien il ne prétend pas transmettre autre chose de ces lectures que ce que son travail et ses propre capacités lui permettent de comprendre. Si les « livres d’auteurs authentiques » doivent être privilégiés, l’auteur de cette précision ne souffle toutefois mot des critères qui permettent de distinguer ces ouvrages des autres. Sans plus de précisions, Vergara ne se différencierait pas vraiment des auteurs qu’il accuse d’avoir reproduit, sans discernement, les erreurs et autres malhonnêtetés d’Annius de Viterbe. Pourtant l’assomption, toute en modestie ici, de l’intelligence personnelle des textes et, implicitement, de ses limites, constitue un précieux gage d’honnêteté. Elle garantit, en effet, la volonté d’offrir au lecteur une juste interprétation et soustrait celle-ci, dans un même mouvement, à toute intention dogmatique.

Cette posture est réaffirmée à deux reprises dans le traité. Une première fois, à la fin de la réponse à la seconde question où celui qui posséderait une explication plus convaincante au point débattu est invité à ne pas faire cas de ce que vient d’exposer l’auteur : « Si l’on trouvait quelque meilleure interprétation, qu’on ne tienne pas compte de celle-là »21 (Vergara 1552 : fol. 20v) ; à la toute fin du traité ensuite, où l’humaniste accepte de soumettre son travail à l’examen de la censure ecclésiastique, mais surtout de le confronter à toute autre opinion, au premier rang desquelles figure celle du destinataire du traité (Vergara 1552 : fol. 102r).

3. Le dialogue des huit questions sur le temple

Contre les interprétations et les calculs solitaires et obtus, voire délibérément malhonnêtes, Vergara affirme sa foi en l’échange entre penseurs et en la circulation des idées, en cette communauté humaniste dont Érasme a constitué le centre de gravité presque jusqu’à sa mort en 1536. Le traité rend compte, dans sa matérialité, de ces convictions profondes. Tout d’abord, s’il procède vraiment de l’agencement de deux missives, du duc de l’Infantado pour une part, de Vergara pour une autre, on doit remarquer que l’humaniste tolédan a pris le parti de conserver ce qu’il présente comme le texte original de la lettre du duc alors même qu’il insère dans ses réponses des préambules récapitulatifs qui pourraient très bien s’y substituer. Il invoque deux raisons à cela : il s’agit de « ne pas priver le lecteur du fruit d’une telle érudition »22 (Vergara 1552 : fol. 6r) ni des diverses références qui s’y trouvent mentionnées. Est-ce là une simple marque d’allégeance, voire de servilité, dans le cadre si codifié du paratexte des ouvrages médiévaux et modernes, d’une espèce de complément, voire de contrepoint à la captatio benevolentiæ ? Tout se passerait alors comme si l’évocation de l’excellence intellectuelle du duc n’était là que pour des raisons rhétoriques, pour faire pendant aux capacités limitées que l’humaniste se reconnaît de bonne grâce. Il y a tout lieu de penser, en réalité, que l’intention est plus ambitieuse. La motivation la plus vraisemblable à cette inclusion de la lettre originale et à la dispersion de ses différentes parties en amont de chacune des réponses, tient sans doute en la superposition du patron du dialogue platonicien à l’exposé érudit.

Juan de Vergara ne mentionne à aucun moment ce possible modèle. Il n’en reste pas moins que, par delà l’introduction visuelle des circonstances qui présidèrent à sa rédaction, il imprime au Tratado de las ocho questiones del templo un certain dynamisme et le revêt, dès les premières pages, d’une apparente probité. En effet, la mise en scène du dialogue, au travers de la fragmentation de deux lettres en huit parties, est un premier élément qui permet de rendre plus aisée la lecture d’un propos ardus, en ménageant au lecteur de courtes pauses. Cette économie générale brise également la monotonie de la mise en page de Joan Ferrer. Cet in-octavo, comme les autres ouvrages parus chez lui à cette même époque, présente inexorablement les mêmes pages saturées de caractères de taille moyenne et espacés d’un interligne relativement important. Juan de Vergara n’a donc pas choisi une telle mise en page mais s’en est parfaitement accommodé. En outre, cette mise en livre est, en elle-même, une réfutation des pratiques des faussaires qu’il démasque dans son ouvrage. Les textes d’Annius de Viterbe, pour répandre leurs mensonges, prenaient volontiers le masque des bibles ou des ouvrages théologiques (Crahay 1983 : 251-252). En offrant à la vue du lecteur des pages à la structure complexe où des notes denses se trouvaient disposées tout autour d’un texte principal un peu à l’étroit, ils contribuaient à égarer le lecteur le plus vigilant tout en se parant, ainsi que leur auteur, d’un air de respectabilité. Le Tratado de las ocho questiones del templo, en épousant les contours simples du moule typographique de Joan Ferrer, entend procéder autrement. Sa lecture ne peut être que linéaire tandis que les éléments divers du discours de son auteur se présentent sous les yeux du lecteur, sans détour, pour ce qu’il sont et rien d’autre, comme ces longues citations de Méthastène et d’Annius auxquelles Vergara, bien qu’il en demande pardon par avance, ne peut renoncer pour la clarté et l’honnêteté de son raisonnement. Les subdivisions accompagnées de sous-titres qui fractionnent l’ample cinquième chapitre, entre autres choses, répondent au même souci de mettre au jour les différentes étapes du raisonnement et donc de ne dissimuler aucune difficulté. Le véritable humaniste ne scrute pas les textes pour y faire apparaître ce qu’il souhaite y découvrir. Point d’hypothèse de départ en réalité : la conclusion n’est connue qu’une fois le travail rigoureusement mené à son terme. Il s’agit là de la raison pour laquelle un échange de lettres a pu devenir un traité sous la plume de Juan de Vergara. Alors que le chanoine de Tolède pensait répondre brièvement aux questions du duc, il découvrit tant de matière qu’il dut renoncer à la concision, « et ainsi l’œuvre grandit jusqu’à atteindre les dimensions d’un traité entier. » (Vergara 1552 : fol. 6r)

En complément au discours verbal, le texte proclame dans ses aspects les plus divers que sans la reconnaissance et l’assomption de sa dignité par l’humaniste et par l’homme à la fois, il ne peut y avoir de savoir véritable. Ainsi, dans un premier temps, la pensée qui semble se dégager du discours de Juan de Vergara accuse une dette étonnamment transparente à l’égard de l’Oratio de hominis dignitate de Pic de la Mirandole, ou une surprenante communauté de pensée tout au moins. Si la méditation sur la dignité de l’homme est une tradition très ancienne, elle se trouve assez malmenée entre les mains de ce Florentin de la fin du xve siècle. Pour Pic de la Mirandole, l’homme, depuis Adam, « reçoit le privilège d'être seulement ce qu'il devient, et de devenir ce qu'il se fait: dès lors, c'est moins une place hiérarchique que l'exercice d'une liberté qui garantit sa dignitas. » (Pic de la Mirandole 2005 : XXI) Dans l’humilité de sa posture, dans le respect qu’il témoigne envers son lecteur, la foi qu’il professe en le dialogue avec lui, dans son rejet de toute forme de compromission, jusque dans l’apparence extérieure de son texte, Juan de Vergara s’offre à nous, en bon humaniste et digne disciple d’Érasme.

À y regarder de plus près les toutes premières pages du Tratado de las ocho questiones del templo, les choses sont peut-être plus complexes. Sous l’annonce du début du traité figure la première partie de la lettre du duc, reconnaissable au vocatif qui l’inaugure. Íñigo López de Mendoza y rappelle les circonstances de ses lectures et y expose ses premiers doutes. À ce texte, Vergara répond en deux temps différents, matérialisés par l’éclatement du sous-titre « Réponse du docteur » (Vergara 1552 : fol. 3r) « À la premier question » (Vergara 1552 : fol. 6v)23. Que s’est-il passé entre ces deux bornes ? L’humaniste tolédan a placé, dans cet espace, un texte tenant lieu de prologue où il fait l’éloge de son correspondant. Désolidarisées des éléments de réponse à la première question, mais engagées dans le développement du traité puisque placées après la citation de cette question du duc, ces quelques pages apportent un troublant éclairage au reste de l’ouvrage, à la pensée de Vergara, et, en dernière analyse, au personnage lui-même.

Il y revient tout d’abord sur l’activité au cours de laquelle le duc s’est penché sur la question de la construction du second temple de Jérusalem. Lorsque ce noble castillan quitte son somptueux palais de Guadalajara pour partir quelques jours à la chasse, il semble avoir pour habitude d’emporter avec lui quelque ouvrage de sa bibliothèque, une des plus riches de Castille à cette époque. L’alliance des arts et des lettres chez ce haut personnage ne peut qu’appeler les louanges de l’humaniste mais également une assez longue censure contre ces nobles qui négligent l’activité intellectuelle pour se consacrer uniquement aux exercices corporels, laissant donc aux gens de peu ceux de l’esprit. Il y a là, pour Juan de Vergara, une grave inversion des rôles dans la société. Il l’explicite ainsi : les nobles devraient se consacrer aux opérations les plus élevées

Car, en laissant de côté la considération de la substance de notre âme, dont la nature surpasse celle du corps, non seulement de la même manière que la forme surpasse la matière, mais également de façon identique à l’esprit à l’égard du corps, du perpétuel par rapport au corruptible, de la participation divine en comparaison de la participation animale, pour venir aux œuvres et aux exercices de l’une et de l’autre parties d’un point de vue moral, il est admis qu’entre les opérations et actions de l’âme et celles du corps, il y a la même différence qu’entre l’office du seigneur et celui de l’esclave24. (Vergara 1552 : fol. 3v-4r)

Cet humaniste pétri de savoir biblique et de philosophie antique applique à ce passage de son discours les normes qu’il prône pour le discours historique, et poursuit en dévoilant ses sources : Salluste ainsi que le premier livre de la Politique d’Aristote.

… en faisant de l’empire de la raison sur la sensualité un empire politique ou royal, qui équivaut à celui du seigneur sur le vassal, [le Stagirite] fait de l’empire de l’âme sur le corps, un empire despotique ou seigneuriale, lequel équivaut à celui du seigneur sur l’esclave. En s’adonnant donc entièrement aux œuvres et aux exercices de la part matérielle, corporelle, corruptible et servile, en méprisant la part formelle, spirituelle, incorruptible et maîtresse, les hommes dégénèrent et déchoient sans aucun doute de la noblesse de leur propre composition, chose qui chez de hauts et excellents personnages est plus digne de censure25. (Vergara 1552 : fol. 4r-4v)

La pensée de Vergara épouse fidèlement les contours de celle de l’Aristote du deuxième chapitre de la Politique26 et des premiers mots de La conjuration de Catilina de Salluste27. En somme, en vertu du libre arbitre dont l’homme jouit, il est concevable que la chair se rebelle parfois, rompe le pacte que la raison a passé avec elle, et cherche à satisfaire de coupables appétits. Cette situation n’est rien d’autre qu’un aveu de l’échec de la raison humaine. Elle souligne, dans le même mouvement, l’importance de cette faculté et de la cultiver. En revanche, il est inconcevable que le corps prenne le dessus sur l’âme puisque Dieu lui-même a conféré à cette dernière un pouvoir absolu sur celui-là. Pour cette raison, l’homme qui se met au service de son corps et néglige son âme perd une dignité qui le place au sommet de toute la création. Il s’agit là de lieux communs théologiques auxquels deux détails, en apparence anodins dans ce prologue, apportent une surprenante profondeur de champ. Tout d’abord, Juan de Vergara admet se réjouir « grandement de voir les études sacrées en particulier ainsi anoblies entre les mains d’un aussi grand seigneur. »28 (Vergara 1552 : fol. 3v) Filant la métaphore cynégétique, il fait valoir à son correspondant tous les avantages de la proie que traque l’intellect : si elle ne se laisse pas prendre un jour, il est toujours possible de repartir en chasse plus tard ; le chasseur ne l’effraie pas ; le vilain ne la maudit pas quand les chasseurs et leur meute traversent ses champs à sa poursuite ; le loup, enfin, n’a cure d’elle. En pensant au duc de l’Infantado auquel il s’adresse en premier, l’auteur du Tratado de las ocho questiones del templo quitte le domaine strictement philosophique pour faire valoir que pour les grands de ce monde la conservation de la dignité humaine a partie liée avec celle d’un statut. L’union des armes et des lettres chez ceux que la naissance a placé au dessus du commun des mortels est garante de l’épanouissement de leur propre nature comme de l’harmonie au sein du corps politique.

Conclusion

Marcel Bataillon voyait en cette ultime production intellectuelle de Juan de Vergara ces « templa serena de l’érudition » (Bataillon 1998 : 743) dans lesquels se serait réfugié un humaniste meurtri par les procès inquisitoriaux intentés contre lui-même et ses proches ainsi que par la tentative d’imposition d’un statut de pureté à la cathédrale de Tolède. Il semblerait que, depuis cette thébaïde, il n’ait pas renoncé à délivrer son message. Nous connaissons de manière très précise un des récepteurs du Tratado de las ocho questiones del templo, puisqu’il en est l’instigateur et, à n’en pas douter, le commanditaire : Íñigo López de Mendoza, quatrième duc de l’Infantado. Dans le bref paragraphe qui porte sur le Tratado de las ocho questiones del templo de la notice biographique consacrée à Juan de Vergara, Nicolás Antonio a éprouvé le besoin de souligner que ce haut personnage était animé par l’amour des muses (Antonio 1783 : 793). Le jugement du bibliographe espagnol du xviie siècle repose assurément sur la réputation du duc de l’Infantado mais également sur sa propre production. Il a laissé à la postérité, en effet, une preuve de l’acuité avec laquelle il avait lu le traité de Vergara et de l’influence que ce dernier a pu exercer sur sa formation intellectuelle, celle d’un humaniste accompli.

Une miscellanée d’histoire antique, sortie des presses de Pedro de Robles et de Francisco de Comellas en 1564, prolonge, d’une certaine manière, l’enseignement de Vergara29. Ce gros volume, en comparaison du traité de Vergara, se compose de deux cent treize brefs chapitres. Ils rassemblent une grande quantité d’anecdotes qui balaient l’histoire antique, depuis la fondation de Rome jusqu’au Ve siècle après Jésus-Christ. L’érudition du duc est pleinement palpable dans les quelque deux cent vingt sources différentes dont sont tirés les récits historiques. Elle l’est encore davantage dans l’apparat scientifique – comme on serait tenté de le qualifier dans le langage contemporain – d’une extraordinaire modernité qui les accompagne. L’auteur qui rapporte l’intégralité de l’événement, dont le chapitre fait le récit, apparaît naturellement en tête de ce chapitre, dans une manchette placée au même niveau que la lettrine sur laquelle il s’ouvre. Cette référence liminaire est complétée par une multitude d’autres qui correspondent aux variantes existant pour ce seul récit. Un savant appareil de notes, intratextuelles et marginales, propose enfin un découpage thématique du chapitre permettant de classer ces variantes30. Cet ensemble de références sature l’ensemble du Memorial et prend souvent le pas, quantitativement, sur la narration historique. L’auteur-compilateur de cette miscellanée n’intervient pour ainsi dire jamais pour orienter la lecture. Est-ce à dire que le duc aurait renoncé à exercer l’autorité que Juan de Vergara semblait conférer au commentateur d’un texte. Rien n’est moins sûr tant, par delà les apparences, il la pousse pour ainsi dire à son paroxysme en disparaissant totalement derrière le fruit de son labeur qui, en l’état, n’est autre que son propre travail d’érudition et de lecture d’humanité, pour reprendre l’expression de son maître. La comparaison des différentes leçons d’un texte ou des diverses versions d’un récit, est la tâche à laquelle se tient Íñigo López de Mendoza dans son ouvrage, le prologue excepté.

La portée du Memorial de cosas notables, dédié à un fils déjà passé à un monde meilleur au moment où le livre est imprimé à Guadalajara, ne s’en trouve pas diminuée. En prenant en exemple le marquis de Santillane, glorieux ancêtre mais surtout figure exemplaire de l’union des armes et des lettres dans un haut personnage, le duc de l’Infantado indique, dans son prologue, la voie qu’il convient que son successeur suive. La fréquentation des livres est, en effet, une inépuisable source d’enseignements, et tout particulièrement pour ceux qui sont appelés à exercer un pouvoir politique :

Ils vous enseigneront comment bien vous conduire, vous et vos sujets, et, de manière générale, à mener votre vie droitement et sans errements. Vous remplirez, ainsi, l’obligation qu’ont devant Dieu et devant le monde les hommes de votre état, spécialement ceux que Dieu a comblés de si grandes grâces, comme celles que vous avez reçues de sa main et que j’espère, vous recevrez31. (López de Mendoza y Pimentel 1564 : A3r)

Ainsi, cultiver les humaniores litterae n’est point une occupation qui soustrait celui qui s’y adonne aux questions de ce monde mais une pratique qui l’arme pour les affronter. Aux yeux du quatrième duc de l’Infantado, il ne s’agit pas, chez le noble, d’une activité dont il faudrait saluer la présence chez certains de ses semblables. Il en fait le moyen, au contraire, par lequel son successeur pourra remplir dignement la mission qui lui incombe sur cette terre.

Juan de Vergara n’est cité à aucun moment dans le Memorial de cosas notables qui n’est que de douze ans l’aîné du Tratado de las ocho questiones del templo. La miscellanée du duc de l’Infantado a pourtant été écrite dans l’ombre portée du traité de Vergara sur la reconstruction du temple de Jérusalem. L’érudition stérile que le chanoine de Tolède fustigeait subtilement quelques années auparavant, particulièrement à propos des questions si ardues de computation, n’a plus droit de cité dans l’œuvre de son correspondant. La culture humaniste ne vaut que si elle rend l’homme meilleur et le conduit à assumer une dignité qu’il ne peut abdiquer puisqu’elle est intimement liée à sa nature de créature de Dieu.

Bibliographie

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Vergara, Juan de (1552). Tratado de las ocho questiones del templo propuestas por el Illustríssimo señor Duque del Infantadgo, y respondidas por el doctor Vergara canónigo de Toledo. Tolède : Ioan Ferrer, 1552.

Vergara, Juan de (1781). Tratado de las ocho questiones del templo, propuestas por el Illustrísimo señor duque del Infantadgo, i respondidas por el doctor Vergara, canónigo de Toledo (Cerdá y Rico, Francisco, Ed.). Madrid : apud Antonium de Sancha.

Notes

1 « padre de la crítica histórica en España » Retour au texte

2 L’incipit de l’ouvrage apporte des indications plus précises que ne le fait la page de titre : « Comiença el tratado de las ocho questiones de la reparación del templo de Salomón propuestas por el Illustríssimo señor don Íñigo López de Mendoça Duque del Infantadgo marqués de Santillana, Conde del real de mançanares &c. Y respondidas por el Dotor Juan de Vergara Canónigo en la santa yglesia de Toledo. » (Vergara 1552 : fol. 2r) Retour au texte

3 Dans sa thèse de doctorat, Renaud Mallaviale n’examine que ce cinquième chapitre (Mallaviale 2003 : 43-83). Retour au texte

4 On pourra comparer par exemple avec le De divino nomine Iesus per nomen tetragrammaton significato de Juan Martínez Silíceo, autre in-octavo sorti des mêmes presses de Joan Ferrer deux ans plus tôt, en 1550. Retour au texte

5 La seconde édition qui figure dans la miscellanée de Francisco Cerdá y Rico, intitulée Clarorum hispanorum opuscula selecta et variora, respecte scrupuleusement les choix de la princeps (cf. Vergara 1781). Retour au texte

6 « Donde se ponen los reyes de Persia y años de su Reynado en esta manera » Retour au texte

7 « Mas porque attentas las difficultades que suele aver en computaciones de años, no sólo en historias profanas, sino en la mesma sagrada scriptura : la differencia destos años en esta monarchía no es tan grande, que no se pueda por esta o por otra vía concordar, o reformar : ni tampoco es tan importante, que baste a turbar cuentas largas notables y señaladas, como son las edades que se notan del mundo, las .lxx. semanas de Daniel y otras desta qualidad : porque lo que en una monarchía un escritor alarga, en otra lo acorta, de manera que las summas largas vienen al cabo quasi a concordar » Retour au texte

8 « no sólo importante sino intolerable » Retour au texte

9 « chronógraphos » Retour au texte

10 Les principales attributions de ce théologien attitré du pape sont d’examiner les livres avant de délivrer, ou non, l’imprimatur. Retour au texte

11 Ioannis Neys de Dorendonk (Driedonis), c. 1480-1535, professeur à l’université de Louvain (Cano 2006 : 642) Retour au texte

12 « Tan gruesso es a las vezes el velo de la ignorancia en los que no salen de los libros de su facultad. De los quales en nuestro propósito es uno Ioan Driedonio varón docto y diligente en su theología : pero ageno (según parece) de toda lettura de humanidad. » Retour au texte

13 « para abraçarse ascuras (sic) con su Metásthenes » Retour au texte

14 La lecture de cette première longue missive ramène Érasme à des sentiments plus cordiaux à l’endroit de son correspondant espagnol. Dans sa réponse du 2 septembre 1522, il écrit, depuis Bâle : « Je m’étais trompé sur toi jusqu’ici. Je ne soupçonnais point que tu fréquentasses aussi familièrement les Muses des deux littératures. » (Gerlo 1976 : 156) Retour au texte

15 « Il s’est trouvé des passages où cela me fut impossible [plaire par la brièveté], par exemple, quand il s’agissait de points pas très connus de nos théologiens, comme les faits historiques, les légendes, les passages philosophiques, surtout concernant Platon. » (Gerlo 1976 : 51) Retour au texte

16 « De manera que quedando esto por constante, viniendo a las palabras del, (sic) iii. capítulo que a esto parecen contrarias, hase de ponderar en ellas, que no dizen, edificado el templo, sino fundado, que es tanto dezir puestos los fundamentos, o cimientos dél. Ca esto consta averse puesto entonces, sin passar más adelante. Como parece por la relación, que los Samaritas hazen en la carta que escrivieron sobre esta obra al rey Darío en el .v. capítulo. Esta differencia entre fundado y edificado guardaron muy bien los .lxx. intérpretes en su translación griega deste passo… » Les citations bibliques n’étant pas signalées de manière typographique dans l’édition princeps, nous nous rangeons à l’emploi de l’italique adopté par l’éditeur du texte de Vergara en 1781. Retour au texte

17 « el dicho doctor dixo a esto muchas ynjurias diziendo quel que dezía lo contrario quel no sabía qué cosa era espíritu e que los frayles en contradezir a Erasmo eran neçios y que algunas palabras ansí de los salmos como de Salomón no están trasladadas en la sagrada scriptura que tenemos de la mano que están en lo griego syno que quiere dezir otra cosa dando más auctoridad a lo griego quel y otros hereges » Retour au texte

18 « medianamente enseñado en las lenguas espeçialmente griega e latina a dicho muchas vezes que (sic) dotores muy auténticos se hallan hierros cometidos por falta de la lengua griega y hebráyca e así mismo en translaçiones hechas de las dichas lenguas en latín ay faltas por donde los glosadores no pudieron bien atinar el verdadero sentido del testo careçiendo de la lengua original » Retour au texte

19 « como si las tomara del oráculo de Apollo » Retour au texte

20 « no resta sino (…) remittirnos a los libros de auténticos scriptores. De cuya leción dire lo que he comprehendido al propósito destas questiones de vuestra señoría » Retour au texte

21 « Si otro mejor entendimiento alguno hallare, no haga caso deste. » Retour au texte

22 « por no privar al letor del fruto de tanta erudición » Retour au texte

23 « Respuesta del dotor » ; « A la primera questión. » La formulation des réponses aux questions suivantes, sans utilisation de la préposition « a » nous invite à considérer que les deux sous-titres ne font qu’un en réalité. Retour au texte

24 « Porque dexando aparte la consideración de la sustancia de nuestra ánima : cuya naturaleza excede del cuerpo no sólo quanto va de forma a materia : sino quanto va de spíritu a cuerpo, de perpetuo a corruptible, de participación divina a participación brutal : viniendo a las obras y exercicios de la una parte y de la otra por vía moral : consta que entre las operaciones y actos del ánima a las del cuerpo, ay la misma differencia, que entre el officio del señor al del esclavo. » Retour au texte

25 « haziendo al imperio de la razón sobre la sensualidad imperio político, o real, que es como de señor a vasallo, haze al imperio del ánima sobre el cuerpo, imperio despótico, o dominico que es como de señor a esclavo. Pues darse los hombres del todo a las obras y exercicios de la parte material, corporal, corruptible y servil, menospreciando los actos y operaciones de la parte formal, spiritual, incorruptible y señora : sin duda es degenerar y caer de la nobleza de su propia composición : lo que en altas y excelentes personas se deve más reprehender. » Retour au texte

26 « L’animal est composé d’abord d’une âme, puis d’un corps : la première, par sa nature, commande, et le second obéit. Je dis “par sa nature”, car il faut regarder le plus parfait comme émané d’elle, et non ce qui est dégradé et sujet de la corruption. L’homme, selon la nature, est celui qui est bien constitué d’âme et de corps. Si, dans les choses vicieuses et dépravées, le corps paraît souvent commander à l’âme, c’est assurément à tort et contre nature. Retour au texte

27 « chez nous autres hommes, la puissance d’action réside à la fois dans l’âme et dans le corps : à l’âme nous réservons de préférence l’autorité, au corps l’obéissance : l’une nous est commune avec les dieux, l’autre avec les bêtes. Aussi, me paraît-il plus juste de chercher la gloire en faisant appel à l’âme plus qu’au corps, et, puisque la vie même dont nous jouissons est brève, de faire durer le plus possible le souvenir qu’on gardera de nous. Car la gloire qui vient de la richesse et de la beauté est mobile et fragile, mais la vertu demeure glorieuse et éternelle. » (Salluste 1968 : 29) Retour au texte

28 « Gozéme sobre manera en ver los estudios especialmente sagrados assí ennoblecidos en manos de un tan gran señor » Retour au texte

29 Pour une étude de cet ouvrage, cf. Quero : 2011. Retour au texte

30 « Va puesto el auctor que cuenta todo el capítulo, al principio dél : y todos los que le siguen, o dizen la mayor parte, tampoco se pone más del lugar donde lo traen. Y los que hazen alguna differencia, o cuentan alguna particularidad de las del capítulo, van señalados por letras : apuntando los lugares donde lo tratan : para que se vea, no sólo de dónde se tomó lo que en él se dize, sino también se entienda quién (sic) son, los escriptores que de otra manera lo cuentan. Por donde si quisiere estar un poco atento el que lo leyere, hallará que está bien. » (López de Mendoza y Pimentel 1564 : A3r) Retour au texte

31 « Éstos os mostrarán a regiros bien, a vos y a vuestros súbditos, y generalmente, a llevar el curso de la vida derecho, y bien guiado : de manera que cumpláys con la obligación, que a Dios y al mundo tienen los hombres de vuestro estado : especialmente a quien Dios ha hecho tan largas mercedes, como vos de su mano avéys rescebido : y espero en él que rescebiréys. » Retour au texte

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Référence électronique

Fabrice Quero, « D’une intimité à l’autre : érudition scripturaire, lecture d’humanité et vision politique, dans le Tratado de las ocho questiones del templo (1552) de Juan de Vergara », Textes et contextes [En ligne], 6 | 2011, publié le 01 décembre 2011 et consulté le 22 novembre 2024. Droits d'auteur : Licence CC BY 4.0. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/textesetcontextes/index.php?id=334

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Fabrice Quero

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