Le rôle du couple dans la fiction policière de Tony Hillerman

Résumés

Tony Hillerman, au travers de dix-neuf romans policiers, met en scène deux membres de la police tribale navajo, Jim Chee et Joe Leaphorn, qui traquent le crime sur la réserve. L’entourage intime des deux protagonistes, épouse pour l’un, fiancées pour l’autre, joue un rôle important et n’est pas sans incidence sur l’évolution des deux hommes et leur travail.
Le lieutenant Joe Leaphorn s’est éloigné de ses racines navajos au contact des Blancs et considère avec détachement les traditions de son peuple. Il forme un couple fusionnel avec sa femme Emma, une indienne traditionnaliste qui représente la Voie navajo. Gardienne du passé mythologique et du respect des valeurs navajos, elle l’écoute et le conseille, ce qui permet au policier d’avancer dans ses enquêtes en utilisant les méthodes rationnelles des Blancs tout en puisant dans l’atemporalité de ses origines.
Le sergent Jim Chee, son subordonné, policier apprenti-shaman, est quant à lui tiraillé entre son attachement aux traditions et son attraction pour la société moderne. Ses fiancées respectives Mary Landon, Janet Pete et enfin Bernie Manuelito accompagnent son cheminement intérieur, depuis la tentation de rejoindre le monde des Blancs (le FBI à Washington) jusqu’au retour dans le cercle sacré des ancêtres.

In his nineteen detective novels, Tony Hillerman provides a stage for two members of the Navajo Tribal Police, Jim Chee and Joe Leaphorn, who track down criminals on the reservation. The family circles of the two protagonists, represented by a wife for one of them and by several successive girlfriends for the other, play an important part in the novels, affecting the evolution of the two men and of their work.
Joe Leaphorn is westernized and estranged from his Navajo roots. He and his wife Emma, a traditional Indian who represents the Navajo Way, are inseparable. As a guardian of the mythological past and of Navajo values, Emma advises him, which enables the policeman to move forward in his investigations by using both the rational methods of the Whites and the timeless wisdom of his origins.
Jim Chee, a shaman-to-be and police officer, is torn between his attachment to traditions and his attraction to modern society. His successive girlfriends Mary Landon, Janet Pete and Bernie Manuelito, accompany him on his inner journey, embodying the temptation to join the White culture (the FBI in Washington) or, conversely, the return to the sacred world of his ancestors.

Plan

Texte

Tony Hillerman, disparu en 2008 à l’âge de 83 ans, est l’auteur d’une série de dix-neuf romans policiers mettant en scène deux membres de la police tribale navajo de Shiprock, Nouveau-Mexique, Jim Chee et Joe Leaphorn, qui enquêtent dans la réserve. Les personnages féminins jouent un rôle important dans la fiction policière de Tony Hillerman, à commencer par ceux qui gravitent autour des deux policiers : Emma, la femme de Joe Leaphorn, et les fiancées successives de Jim Chee, Mary Landon, Janet Pete et Bernie Manuelito.

Joe Leaphorn est le plus âgé des deux policiers. Eduqué dans des pensionnats gérés par le Bureau des Affaires Indiennes et diplômé de l’Université d’Arizona, il s’est éloigné de ses racines navajos au contact des Blancs. A l’inverse, sa femme Emma est ancrée dans les traditions navajos. Ils forment un couple fusionnel et Joe Leaphorn aime à la consulter. Bien que n’intervenant jamais directement dans le récit, elle joue cependant un rôle primordial.

Jim Chee, policier traditionnaliste, est quant à lui très proche de sa culture. Il pense même à devenir shaman1. Ses fiancées successives vont exercer sur lui une influence significative, chacune symbolisant une étape dans son cheminement personnel.

Chez Hillerman, l’entourage intime a donc une incidence sur l’évolution des détectives, sur leurs rapports à leur culture d’origine et sur le déroulement de leur quête-enquête. Au fil des romans, les femmes sortent de l’ombre et prennent de plus en plus de consistance. Femmes fatales ou filles de joie dans le hardboiled des années 30-50, cantonnées à un rôle domestique (femme au foyer, femme de chambre, cuisinière) et subalterne (secrétaire) ou simplement victimes jusque dans les années 70, enquêtrices plus récemment2…les femmes, chez Hillerman, de par leur appartenance à des groupes ethniques et à des milieux différents, jettent un éclairage anthropologique, voire mythologique sur les rapports avec les héros masculins. Les couples qu’elles forment avec leur mari/compagnon sont donc particulièrement intéressants à étudier.

1. L’importance du cercle familial chez les Amérindiens

Avant de plonger dans l’intimité des deux policiers navajos, il convient au préalable de rappeler l’importance de la communauté, et donc de la famille, chez les sociétés autochtones nord-américaines, largement illustrée dans la littérature amérindienne.

Comme dans toute société tribale, le sentiment d’appartenance au groupe est très fort. La famille constitue un noyau dur, un socle, un ciment. Chez les Navajos, la figure maternelle est centrale. Le nom, l’appartenance au clan, la propriété sont transmis par lignage féminin (société matrilinéaire). Le cordon ombilical et le placenta relient à la Terre-Mère. Le lien intergénérationnel est puissant et le respect envers les anciens, dépositaires du savoir et des traditions, est sacré.

Dans la fiction de Tony Hillerman, les parents et grands-parents sont ainsi régulièrement invoqués. Comme souligne Fred Erisman (1989 : 33) dans son analyse des romans d’Hillerman, « un facteur primordial est la nature et l’importance des liens familiaux. Ceux-ci sont, pour les Navajos, déterminants et essentiels »3.

L’oncle de Chee, Sam Frank Nakai, un homme-médecine, est un personnage récurrent qui exerce une grande influence sur les choix culturels du jeune homme. S’il n’apparaît pas directement dans les romans, Chee y fait régulièrement référence : la sagesse de son oncle le guide4.

Par opposition, l’absence de famille est un signe négatif. Le commentaire « Il se comporte comme s’il n’avait pas de famille »5 que fait Leaphorn dans La Voie de l’ennemi (The Blessing Way) est à ce sujet significatif et traduit l’égarement et la perdition de celui qui est coupé des siens. Chez Hillerman, tous les criminels, qu’ils soient blancs ou navajos, sont ainsi des êtres malmenés par la vie, en rupture avec leur famille et avec la société6, à mille lieues de l’idéal navajo représenté par la famille de Chee.

De même, dans les romans de James Welch, tels The Death of Jim Loney et Winter in the Blood, les personnages à la dérive sont issus de familles éclatées, décomposées et sont éloignés de leur culture ancestrale.

L’arrière-plan familial revêt donc une importance particulière, mais chez Hillerman ce sont surtout les compagnes qui occupent le devant de la scène aux côtés des policiers. L’histoire sentimentale s’entremêle avec l’histoire policière, générant des interactions qui ajoutent une dimension culturelle et identitaire à l’intrigue.

2. Mary Landon ou la tentation de l'aliénation

Mary Landon rencontre Chee dans Le Peuple de l’ombre (People of Darkness) et elle apparaîtra dans trois autres romans. Elle est physiquement l’exact opposé du jeune Navajo : visage ovale, grands yeux bleus, cheveux blonds. C'est l’archétype de l'Anglo-Saxonne.

Au premier regard qu'il pose sur elle, Chee revit son passé d'étudiant en anthropologie, et catalogue immédiatement la jeune femme comme faisant partie de ces étudiants WASP qui ressentent une certaine culpabilité vis-à-vis des peuples que leurs parents ont essayé de détruire7.

Cette situation est loin d'être aussi anodine qu'elle semble l’être. Au-delà d'un banal échange entre deux personnes, ce sont deux peuples que tout oppose qui se rencontrent. Si cette opposition est, nous l'avons vu, d'abord physique, elle est également culturelle et géographique. Leur seul point commun est d'être nouveaux dans la région, ce qui confère à leur rencontre un caractère adamique.

Mary Landon est enseignante auprès de jeunes Indiens, fonction qui renvoie à la politique d'acculturation forcée qui a été menée au vingtième siècle afin de détourner les Indiens de leur propre culture. De plus, elle vient d'un État de l'est des États-Unis, le Wisconsin, dont la différence culturelle avec les États de l'ouest est historique : elle est en quelque sorte doublement dépaysée, renvoyée en arrière dans le passé, à l'époque de la Frontière, quand l'Ouest était encore sauvage.

Par conséquent, cette rencontre rappelle les premières expéditions pour la conquête de l'Amérique : Chee et Mary Landon s'observent mutuellement, observent leurs différences, tout en gardant leurs distances l'un par rapport à l'autre. Ils réagissent comme les colons ont pu réagir lors de leur premier contact avec les Indiens. On peut alors considérer que lorsque Chee essaie de séduire la jeune enseignante, il refait l'Histoire en sens inverse : c'est le Navajo qui vient conquérir le monde des Blancs, explicitement incarné par Mary. Il convient à ce sujet de souligner que le nom complet de la jeune femme, « Mary Landon », n’est pas sans évoquer le Maryland, l’un des tout premiers territoires de l'Est colonisé par des Blancs.

Mary Landon est donc un personnage ambigu : c'est la pureté originelle (son prénom symbolise la virginité chez les Chrétiens), l'évocation pour Chee de l'époque de la grandeur de son peuple qu'il va essayer de retrouver, de reconquérir. En même temps, elle représente l'acculturation imposée par les Blancs, l'empreinte du présent et du futur sur le peuple navajo. Elle est à la fois la grandeur du passé et le péril de l'avenir ; elle possède à la fois la pureté des grands espaces historiques et la corruption, le vice de la société blanche moderne.

L'évolution des rapports entre Chee et Mary Landon fluctue ainsi, au gré des romans, selon une trajectoire qu'il convient d’examiner de plus près. Que Chee fasse de la jeune femme son compagnon d'enquête est opportun. Leur équipée permet de confronter les personnages et leurs mondes respectifs.

Chee se rend bientôt compte que leur vie commune nécessite obligatoirement une forme de conversion de la part de l'un des deux. Il pourrait intégrer le FBI, ce qui signifierait un meilleur salaire. Dans La Voie du fantôme, la jeune femme l’y incite pensant qu’il est prêt, intellectuellement compatible avec la société blanche8. Pourtant, il hésite à emprunter le chemin que Mary lui montre, en proie à un conflit intérieur : « Soit il restait dans la Police Navajo, soit il prenait un emploi en-dehors de la réserve. Soit il restait Navajo, soit il devenait blanc »9. Rester à Dinetah avec la jeune femme ne serait pas non plus une solution pour Chee : sa caravane est trop exiguë pour eux deux. Le manque d'espace est rédhibitoire pour le Navajo, qui serait étouffé par cette présence. Pour Chee, succomber aux charmes de Mary Landon est donc synonyme de renoncement à l'espace et à la liberté de mouvement de Dinetah pour s'enfermer dans les traditions occidentales. Á l’occasion d’une enquête qui le conduit à Los Angeles, Chee y voit enfin clair. Il découvre le monde des Blancs et ses mauvais côtés, les associant systématiquement à la jeune femme : « Le monde de Mary Landon. Une rangée de panneaux indiquant ce que l’on pouvait acheter avec de l’argent s’étendait le long de l’infinie décrépitude de West Hollywood Street. […] Les prostituées attendant le client au coin des rues se blottissant contre le vent. […] Cela aussi faisait partie du monde de Mary Landon »10. Chaque répétition de l’expression « le monde de Mary Landon » précipite un peu plus la rupture entre Chee et sa fiancée. L'Indien est d'abord attiré par ce nouvel univers puis, apprenant progressivement à le connaître, il prend peu à peu ses distances pour finir par le rejeter. L'aura de pureté de Mary Landon n'est qu'apparence, et Chee découvre à Los Angeles le vrai visage de la société des Blancs.

Alors qu’il hésite encore entre deux voies possibles, Mary Landon choisit pour lui et le remet à sa façon dans le droit chemin spirituel : « ‘Je ne sais pas quel compromis nous pouvons trouver’, avait dit Mary Landon. ‘Je ne vois vraiment pas comment nous pouvons y arriver’… Elle avait raison… Il n’y avait pas de compromis possible »11.

Mary Landon quitte donc Dinetah pour retrouver son monde, et Chee peut rester sur sa terre et continuer d'être un Navajo.

Si Mary Landon représente la tentation, celle pour Chee de rejoindre le monde moderne, son personnage joue à la fois un rôle de catalyseur et déclenche une prise de conscience, c'est elle qui montre la voie à Chee : « Il ne pouvait pas s'adapter au monde de la production laitière du Wisconsin que Mary Landon avait projeté pour lui. Et Marie ne pouvait pas imaginer élever ses enfants blonds aux yeux bleus dans son monde à lui »12.

Le jeune policier a en fait toujours su qu'il ne pourrait quitter Dinetah, mais il a fallu l'apparition de Mary Landon dans sa vie pour qu'il assume sa décision. Ainsi, peu à peu, le personnage de Mary Landon s’efface de la mémoire de Chee. Cette disparition progressive est évidemment accélérée par sa rencontre avec Janet Pete.

3. Janet Pete ou la figure de l’indienne occidentalisée

Janet Pete, la jeune avocate navajo qui prend la place de Mary Landon dans le cœur de Chee, apparaît dans Porteurs de peau (Skinwalkers) et les sept autres romans suivants. Présentée comme une « femme de carrière », elle travaille à Washington dans un cabinet d’avocats et vient sur la réserve pour les besoins d’un procès où elle doit défendre un Navajo que Chee voudrait bien interroger. Dès leur première rencontre, tout semble séparer Chee et Janet Pete, à commencer par leur travail : celui de Chee consiste à arrêter les criminels, celui de l'avocate à les défendre. De plus, à cause de son métier, qu'il juge peu approprié pour une femme, Chee rejette Janet Pete dans un premier temps. Mais l'antagonisme n'est que de façade, et peu à peu les points de vue des deux Navajos vont se rapprocher à tel point que Chee commence à voir en elle la femme navajo qu’il pourrait aimer. Le jeune homme a résisté au chant des sirènes occidentales, mais n'a pas pour autant trouvé quel genre de vie il souhaitait mener, et quel genre de relations il voulait entretenir avec l'avocate. Chee et Janet Pete ont en fait suivi un chemin parallèle, tous deux faisant face au même choix : intégrer la civilisation des Blancs et cesser d'être des Navajos à part entière, ou choisir la réserve et renoncer à la vie commune avec leurs partenaires respectifs (Mary Landon pour Chee, un petit ami blanc à Washington pour Janet, avocat comme elle).

S’il entrait au FBI et choisissait le monde occidental, Chee devrait renoncer à son statut de Navajo mais n'en resterait pas moins considéré comme un Indien par les Blancs. Parce qu'il est Indien, le FBI l’enverrait exercer dans une quelconque tribu13. Janet Pete, qui baigne déjà dans la société WASP, est également bien consciente de son statut : servir de faire-valoir. Elle se montre d’ailleurs très critique à l’égard des Yuppies de Washington. Elle se sait utilisée : « Je suis l’indienne du cabinet. Les Indiens sont censés tout savoir sur les Indiens »14, « Je faisais principalement des recherches et de la paperasse. Ils m’envoyaient seulement faire du lobbying lorsqu’ils avaient besoin d’une vraie Indienne pour faire bonne impression devant un membre du Congrès progressiste »15, et elle pense que sa présence aux côtés de son compagnon blanc ne correspond qu'à une mode : elle est l'Indienne que l’on sort et que l’on expose, un objet exotique, « l’alibi peau-rouge »16.

À l'image de Chee, Janet Pete oscille donc entre les deux mondes, entre son peuple et sa carrière. Sorti renforcé dans son indianité de son expérience avec Mary Landon, Chee essaie donc de sauver Janet Pete de l'emprise de la société blanche, dont ambition, succès et concurrence sont les piliers, et la pousse à revenir dans la Voie navajo, concept de vie reposant sur l’harmonie, l’équilibre, la beauté.

Chee est conscient du degré d’acculturation de Janet Pete et du vide à combler dans l'éducation navajo de la jeune femme. Preuve en est qu’elle introduit le chaos dans la narration et ralentit la collecte de renseignements en interrompant celui qui parle. Cette interruption casse le flux de la parole, allant ainsi à l'encontre de l'harmonie temporelle du discours. La référence à la tradition orale des Navajos est évidente : on n'interrompt pas le conteur, qui seul a le contrôle de la structure temporelle de sa narration17.

Janet Pete n'est pas une femme complète selon les traditions navajos. N'ayant pas célébré sa puberté selon les rites de son peuple, elle est, spirituellement parlant, stérile. Elle ne peut transmettre des traditions qu'elle ne connaît pas, et cette ignorance la coupe des autres Navajos, d'autant plus qu'elle vit en-dehors des montagnes sacrées.

La jeune avocate ne sait plus si elle doit s'inclure lorsqu'elle parle du peuple navajo, ou si elle doit rester en-dehors. Elle revient au pays sans avoir aucun repère, aucune famille – excepté Chee – pour l'ancrer à sa culture. Chee se rend compte que malgré sa situation d’avocate et le confort matériel qui est le sien à Washington, Janet Pete peine à se construire une vie. La société dans laquelle elle évolue est une société sans racines, sans dimension spirituelle. L'argent n'est que le vernis, l'armure qui masque ce vide béant. Il est également le symbole de la corruption spirituelle de tout un peuple, le colifichet contre lequel il vend son espace vital.

Chee envisage de prendre Janet Pete pour femme mais elle se détourne de la Voie navajo qu’il lui propose. Faisant écho à leurs divergences la mère de Janet souhaite une cérémonie à l’occidentale alors que Chee préfère un mariage navajo. Finalement, l’attrait de la vie et du confort modernes restent les plus forts et Janet Pete rentre à Washington. C’est un nouvel échec sentimental pour Chee. Plus tard, il repense à cette histoire avec douleur et prend conscience « qu’il n’était que l’alibi navajo pour Janet, quelqu’un à ramener à Washington et à civiliser »18.

4. Bernie Manuelito, la voie de l’indianité

Beaucoup considèrent le roman policier comme l’héritier direct des romans de la prairie et du western. « Du cow-boy au gangster, il n’y a que ce qui sépare un revolver d’un 6.35 automatique » écrit Jacques Cabau (1981 : 21). Et lorsque Jean-Louis Bory (1966 : 144) dit de la femme qu’elle a « le même usage que les éperons : elle sert à l’accélération du mouvement », le commentaire s’applique plutôt bien à Mary Landon et Janet Pete. Ces « civilisatrices à fuir », pour reprendre les mots de Susan J. Rosowski (1993 : 145), ont mis à l’épreuve la solidité de l’attachement de Chee à sa culture, provoquant une avancée du personnage dans sa démarche identitaire.

C’est avec l’arrivée de Bernie Manuelito que Chee va définitivement retrouver la voie de l’indianité et vivre selon les préceptes de son peuple. Elle apparaît dans Blaireau se cache (Hunting Badger) comme simple collègue qui a un faible pour Chee. Dans ce roman, Chee qui avait un temps été en poste à Tuba City, revient à Shiprock. Ce retour et sa rencontre avec Bernie, issue d’une famille navajo traditionnelle et élevée dans le respect des anciens, vont dans le sens d’un retour aux racines. Encore meurtri par son histoire avec Janet Pete, Chee hésite à se lancer dans une autre aventure mais tout au long du roman son intérêt pour Bernie grandit et à plusieurs reprises il la compare à son ancien amour, « comparant charmante avec belle, mignonne avec élégante, campagnarde avec haute société »19. Le roman s’achève sur une ultime comparaison : « Dans les cheveux de Janet flottait un parfum floral, dans ceux de Bernie l’odeur du genévrier et du vent »20 et annonce une nouvelle page dans la vie amoureuse du policier : « Quelle femme, cette policière Bernadette Manuelito »21.

Bernie va ainsi progressivement prendre de l’importance et dans Le vent qui gémit (The Wailing Wind), le chapitre 1 s’ouvre sur elle. Mais c’est dans L’Homme squelette (Skeleton Man) que son personnage s’affirme réellement et le lecteur suit la quête amoureuse de Bernie et Chee en même temps qu’il suit l’enquête policière. Bernie est décrite comme une jeune femme « toujours joyeuse, heureuse, rieuse, débordant de bonne humeur »22, faisant écho à son nom navajo pour les cérémonies, « Fille qui rit »23. Tout au long du roman, Chee pense à Bernie et Bernie pense à Chee. Elle s’interroge à son sujet et se remémore les paroles de sa mère qui la questionne sur celui qui pourrait devenir son mari, soucieuse qu’elle est de faire entrer dans la famille un homme digne de son clan. « Il y avait certainement de la sagesse dans certaines des questions de sa mère »24. Le respect de la parole des anciens apparaît ici très clairement. Bernie incarne la solidité des liens familiaux des Navajos.

Pour Chee en revanche, la chose est entendue. C’est Bernie. Il repense à ses amours passées qui l’ont éloigné de lui-même. « Mary et Janet avaient trouvé en lui quelqu'un qu'elles pourraient modeler à leur guise. Mais il avait trouvé Bernie »25. Elle arpente avec lui les grands espaces de la réserve sur la trace des criminels. Ses qualités de pisteur (« tracking skills ») la relient à ses ancêtres. De son passé d’assistante dans le laboratoire de biologie lorsqu’elle était étudiante à l’Université du Nouveau-Mexique, elle garde le goût de la botanique et de l’herpétologie. Elle connaît les plantes, les animaux, ne craint pas les serpents, s’extasie devant la moindre manifestation de la nature. « Les formes des nuages la ravissaient, un coucher de soleil, la forme d'une coquille de noix ou les ombres s'étendant sur les pentes couvertes d’armoise lorsque le soleil se couchait »26. Bernie incarne le lien qui relie les Navajos à la Terre Mère et représente l’étape finale dans le parcours amoureux de Jim Chee qui aura été marqué par une ascension progressive vers la spiritualité. Chee ne s’y trompe pas. « Quand il trouva Bernie, juste devant lui, il sut que c’était sa chance. La vraie »27.

Alors que Chee pense à trouver une maison pour héberger leur couple, Bernie décide de s’installer dans le vieux mobile home de Chee, sans aucun confort, mais qui surplombe la San Juan River. « Je me suis assise sur ce rondin sur lequel tu aimes t’asseoir, et j'ai regardé couler la rivière, et la brise souffler dans les peupliers, et écouté tous les oiseaux qui passent par là. Et je me suis sentie bien »28. La boucle est bouclée. L’harmonie règne.

5. Emma Leaphorn ou l'éternel navajo

En opposition au parcours amoureux de Chee, l’intimité de Joe Leaphorn est beaucoup plus stable. Sa femme Emma fait son entrée dans Porteurs de peau alors que Leaphorn est marié avec elle depuis le premier roman. Ni Là où dansent les morts (Dance Hall of the Dead) ni Femme qui écoute (Listening Woman), écrits entre-temps, ne contiennent la moindre allusion à Emma.

Jusqu'à Porteurs de peau elle existe en tant qu’épouse – figure certes importante chez les Navajos – mais elle reste en retrait dans la narration. Ce livre marque donc un changement radical dans la mesure où la femme de Leaphorn sort de l'ombre (ceci sans jamais intervenir directement).

Alors qu'Emma semblait devoir rester en-dehors du temps et ne pas être affectée par ses effets, elle apparaît ici sous les traits d'un personnage évolutif renvoyé dans le temps humain, et que la maladie semble condamner à brève échéance. Alors qu’elle refuse d'aller voir un médecin blanc, Leaphorn hésite, manifestation supplémentaire de son appartenance à deux cultures. L'évolution de la maladie d'Emma devient, au même titre que les relations entre Chee et Mary Landon, une intrigue secondaire qui prend de plus en plus d'importance et s’immisce dans l'intrigue policière.

Un équilibre s'instaure ainsi entre les deux récits croisés, qui développent en alternance l'évolution de deux aventures humaines non dénuées de paradoxes. Chee, Navajo traditionnaliste, est au départ amoureux d'une femme blanche, alors que Leaphorn, qui s'est éloigné de ses racines et semble être plus occidental que navajo, vit avec une Navajo traditionnaliste. Si Mary Landon symbolisait l'attrait de la ville et portait en elle toutes les perversions de la société industrielle, Emma représente le lien de Leaphorn avec la culture navajo qu'il hésite à faire passer avant la culture occidentale. Avec Emma, Leaphorn est confronté au même dilemme que Chee avec Mary Landon : vaut-il mieux faire confiance au monde des Blancs ou bien chercher la solution dans les traditions navajos ? Alors qu’il semble pencher pour la première option, il doute parfois, exactement comme Chee, après avoir initialement choisi le monde de Mary Landon, se demandait s'il avait fait le bon choix.

Le personnage d'Emma revêt donc une importance capitale pour Leaphorn : elle l'amarre à son peuple, force centripète qui combat la force centrifuge qu'est son travail, qui le précipite en-dehors de sa culture. Ce lien est à la fois géographique et magique. Leaphorn est lié à Emma, qui est liée à Dinetah. Que ce fil casse, et Leaphorn est coupé de son passé, de son peuple : « Pour Leaphorn, Emma était le lien. Une simple loi physique. Emma ne pouvait être heureuse loin des Montagnes Sacrées. Il ne pouvait être heureux loin d’Emma »29.

Emma est l'émanation présente du passé, des traditions, et Leaphorn ne peut vivre normalement sans continuellement s'y référer. Il continuera d'ailleurs à le faire après la mort de sa femme. Il est alors aisé de comprendre l'angoisse du policier lorsqu'il s'aperçoit que sa femme est probablement frappée par la maladie d'Alzheimer. Le cercle est brisé. Le compte à rebours du récit est donc rythmé par la maladie d'Emma et la visite décisive chez le neurologue. La Navajo perd progressivement la mémoire, ce qui, pour une société basée sur des traditions orales – donc transmises exclusivement grâce à la mémoire –, signifie qu'elle est en train de disparaître. Elle est frappée d’un mal qui la condamne irrémédiablement et commence à la vider de sa substance, c'est-à-dire de la spiritualité.

L'obscurité dans laquelle Emma s'enfonce ressemble fortement au monde des Blancs, où personne ne se connaît, où l'accent est mis sur l'individualisme et l'égoïsme, où la structure familiale n'existe plus (on ne reconnaît pas plus ses parents qu'Emma ne reconnaît Leaphorn). Cette aliénation va en s'accentuant.

Le processus de détachement de son peuple se poursuit pour Emma : l'étape suivante est la perte du langage. Lorsqu'elle arrive à communiquer, son discours est complètement décalé dans le temps. Cette situation n’est pas sans rappeler l'acculturation forcée des Indiens dans les écoles blanches, contraints d’oublier leur propre langue. Le lien qui unissait Leaphorn à son passé est en train de se désagréger, et la descente aux enfers d'Emma est la chronique d'une mort annoncée, celle d’une civilisation et de ses traditions, le bout du chemin (« the end of the trail ») pour faire référence à la sculpture de James Earle Fraser.

Dès le début de Voleur de temps (A Thief of Time), la mauvaise nouvelle tombe : Emma est morte. Le lien qui reliait Leaphorn aux traditions de son peuple s'est rompu avec la disparition de sa femme. Cependant, la mort d'Emma n'en est pas vraiment une. Le temps humain a tué son incarnation terrestre, mais son statut de personnage emblématique lui permet de survivre. Représentante de la culture navajo, Emma ne peut réellement disparaître si Leaphorn utilise le seul moyen de la garder spirituellement en vie, la mémoire. Leaphorn se réfugie donc dans le souvenir d'Emma encore vivante. Qui plus est, ces retours en arrière vont fréquemment faire intervenir Emma dans le présent, à savoir le temps de l'enquête policière.

Le rôle que va désormais jouer Emma dans la vie du policier est alors évident : Leaphorn va recourir à l'intelligence de sa femme dans le cadre des enquêtes policières qu'il va mener, recherchant ainsi dans la culture navajo des solutions à ses problèmes. Si, de par son métier, le policier s’est habitué à utiliser des armes occidentales comme la logique pour résoudre les mystères, Emma, en revanche, se plonge dans son instinct, c'est-à-dire sa sagesse ancestrale, pour comprendre le monde. Ce qui se produit s'est déjà produit et se reproduira : la réponse au mystère est déjà inscrite quelque part dans le passé des Navajos.

Le paradoxe dans le rôle capital joué par Emma est qu'il a fallu attendre sa mort physique pour que le personnage revête une telle importance dans le récit, comme si ce nouveau statut lui conférait un pouvoir supplémentaire : Emma vivant dans le temps humain ne pouvait avoir la même influence qu'Emma évoluant désormais dans le Temps Sacré. Sa mort rend la femme de Leaphorn plus présente, lui donne une vie dans le récit. Elle est même parfois le catalyseur de l'enquête.

À la cérémonie chrétienne (dont Leaphorn se détourne) répond le souvenir de la cérémonie navajo de l'enterrement d'Emma. Ses frères l'ont enterrée à un endroit « protégé des prédateurs par du bois mort »30. Emma est désormais à l'abri, elle vit dans l'atemporalité que le contact avec le monde moderne l'empêchait d'atteindre.

Il est clair que pour Leaphorn, Emma vit encore : elle existera toujours dans son esprit puisque, comme nous venons de le voir, le policier s'évertue à la faire revivre. De la même manière que l'homme-médecine recrée le passé mythologique, Leaphorn recrée le personnage d'Emma en établissant un dialogue entre eux. Le retour incessant dans le passé la rend plus présente, la cyclicité de ses apparitions en fait un personnage à part entière qui a atteint un statut particulier : comme dans les mythes navajos, elle a la possibilité de revivre lorsque Leaphorn le désire. Emma appartient à la mythologie de Leaphorn.

Elle est ainsi l'emblème du combat spirituel d'une culture qui s'efforce de lutter contre l'emprise matérielle de la société moderne, elle est l'anti-Landon : c'est pour Leaphorn le refuge contre l'aliénation, le cordon ombilical qui le relie à son peuple et à ses traditions. Avec la mort de sa femme, Leaphorn atteint donc un stade supérieur et réussit à vivre en harmonie dans le monde des Blancs assumant pleinement son rôle de médiateur culturel. Indianité et roman policier semblent ainsi se fondre.

Conclusion

Pour Jim Chee et Joe Leaphorn, la famille demeure la pièce maîtresse de l’édifice et leur trajectoire est indéniablement influencée par leurs compagnes. D’un côté, Emma représente le pilier, le totem, la sagesse atemporelle navajo et guide Leaphorn dans ses enquêtes au-delà de la mort. De l’autre, les compagnes successives de Chee l’accompagnent dans sa quête d’indianité et le confortent dans son choix de la Voie navajo.

Grâce à Mary, Janet, Bernie et Emma, les deux limiers « retrouvent la compréhension de leur relation avec eux-mêmes » (Bondil 1990 : 40) qui leur permet d’atteindre l’harmonie et d’être de meilleurs hommes et de meilleurs policiers.

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Macdonald, Gina & Macdonald, Andrew, Shaman or Sherlock ? The Native American Detective, Westport, Connecticut : Greenwood Press, 2002.

Michaud, Marc, Temporalité et espace du récit dans les romans de Tony Hillerman, thèse de doctorat, Paris VII-Denis Diderot, 22 novembre 1996.

Rosowski, Susan J., « La femme, la Frontière et l'écriture », in Le Mythe de l’Ouest, Paris : Editions Autrement, Série Monde HS n°71, 1993.

Notes

1 Cette ambiguïté est analysée dans Shaman or Sherlock de Gina et Andrew Macdonald (2002). Le détective hésite entre travailler pour les Blancs en arrêtant les suspects et se comporter en shaman, à savoir régler les crimes au travers d’une cérémonie curative. Retour au texte

2 Cf. l’essai Á armes égales publié en 2018 par Caroline Garnier sur les femmes dans le roman policier contemporain. Retour au texte

3 “One dominant issue is the nature and importance of family ties. These are, for the Navajo, defining and essential”. La traduction française proposée et les suivantes sont celles de l’auteur de l’article. Retour au texte

4 C’est d’ailleurs une constante dans la littérature amérindienne. Le héros rencontre souvent un vieux sage qui l’oriente dans sa quête. Retour au texte

5 “He acted like he had no relatives” (Hillerman, The Blessing Way, 1970 : 99). Retour au texte

6 Dans La Voie du fantôme (The Ghostway), Chee parle en ces termes de Leroy Gorman, un Navajo exilé devenu hors-la-loi : « Ce Navajo de Los Angeles n’a pas de nom de guerre, pensa Chee, parce qu’il n’a pas de famille. Il n’est pas Dineh (Navajo). Il ressentit de la pitié pour Leroy Gorman » (“This Los Angeles Navajo doesn’t have a war name, Chee thought, because he doesn't have a family. He isn't Dinee. He felt pity for Leroy Gorman” (Hillerman, The Ghostway, 1984 : 161). Retour au texte

7 Plusieurs fois dans les romans de Hillerman, cette démarche est qualifiée de guilt trip (voyage expiatoire). Retour au texte

8 « Elle avait dit à Chee qu’elle pensait qu’il était un homme intellectuellement assimilé » (“She told Chee she had thought he was an assimilated man intellectually”. Gaines & Hammer (1994 : 255). Retour au texte

9 “Either he stayed with the Navajo Police or he took a job off the reservation. Either he stayed Navajo or he turned white”. (Hillerman, The Ghostway, 1984 : 7). Retour au texte

10 “The world of Mary Landon. A row of signs proclaiming what could be had for money stretching up the decrepit infinity of the West Hollywood street. […] The whores waiting on the corners, huddling against the wind. […] This, too, was part of Mary Landon's world.” (Hillerman, The Ghostway, 1984 : 95-96) Retour au texte

11 “‘I don’t know how we can compromise’, Mary Landon had said. ‘I just don’t see how we can work it out’…She was right…There was no compromise solution”. (Hillerman, The Ghostway, 1984 : 7) Retour au texte

12 “He could not adjust to the world of Wisconsin dairy farming which Mary Landon planned for him. And Mary could not imagine raising her blond, blue-eyed children in his world”. (Hillerman, Skeleton Man, 2004 : 92) Retour au texte

13 « Il ne se faisait aucune illusion sur ce que serait sa carrière au FBI. Ils l'identifieraient comme un Indien, il en était certain » (“He had no illusions about where his career in the FBI would take him. They would identify him as an Indian, he was sure enough of that.” (Hillerman, The Ghostway, 1984 : 176)) Retour au texte

14 “I’m the firm’s Indian. Indians are supposed to know about Indians” (Hillerman, The Ghostway, 1984 : 110). Retour au texte

15 “Mostly I did research and paperwork. They only sent me over to lobby for something when they needed a real Indian to look good for a liberal Congressman.” (Hillerman, Sacred Clowns, 1993 : 64) Retour au texte

16 “Token redskin” (Hillerman, Sacred Clowns, 1993 : 63). Retour au texte

17 « Chee sentit ses mâchoires se serrer. Cette interruption avait brisé le flux de ce que Redd essayait de leur dire. Et, selon des critères Navajos, une telle interruption était insultante. Il fallait laisser celui qui parle terminer (…) avant de parler à son tour. Mais Janet n’était vraiment Navajo que par le sang et la naissance. Elle n’avait pas été élevée dans la réserve ni dans la Voie navajo » (“Chee felt his jaw tighten. This interruption broke the flow of whatever Redd was trying to tell them. And, by Navajo standards, such an interruption was rude. One let a speaker finish (…) before one spoke. But then Janet Pete was really Navajo only by blood and birth. She hadn't been raised on the Reservation in the Navajo Way.” (Hillerman, Coyote Waits, 1990 : 143)). Retour au texte

18 “He was just the token Navajo to Janet, someone to be taken back to Washington and civilized.” (Hillerman, Skeleton Man, 2004 : 98) Retour au texte

19 “Comparing pretty with beautiful, cute with classy, a sheep-camp woman with high society.” (Hillerman, Hunting Badger, 1999 : 97) Retour au texte

20 “Janet’s hair carried the perfume of flowers, Bernie’s the scent of juniper and the wind.” (Hillerman, Hunting Badger, 1999 : 274) Retour au texte

21 “What a woman, this Officer Bernadette Manuelito.” (Hillerman, Hunting Badger, 1999 : 275) Retour au texte

22 “always cheerful, happy, laughing, brimming with good nature” (Hillerman, Skeleton Man, 2004 : 57). Retour au texte

23 “Girl Who Laughs” (Hillerman, Skeleton Man, 2004 : 157). Retour au texte

24 “But there certainly was some wisdom in some of her mother’s questions.” (Hillerman, Skeleton Man, 2004 : 59) Retour au texte

25 “Mary and Janet, they’d found him someone they could mold into what they wanted. But he had found Bernie.” (Hillerman, Skeleton Man, 2004 : 98) Retour au texte

26 “She was rapt in admiration of a cloud formation, or a sunset, or the shape of a walnut shell, or the shadows spreading out across the sagebrush slopes when the sun was low.” (Hillerman, Skeleton Man, 2004 : 200) Retour au texte

27 “And when he found Bernie, right under his nose, he knew here was his chance. The really right one.” (Hillerman, Skeleton Man, 2004 : 98) Retour au texte

28 “I sat there on that log you like to sit on, and I watched the river go by, and the breeze blowing in the cottonwoods, and listened to all the birds that hang around there. And I just felt comfortable with it.” (Hillerman, Skeleton Man, 2004 : 237) Retour au texte

29 “For Leaphorn Emma was the tie. A simple physical law. Emma could not be happy away from the Sacred Mountains. He could not be happy away from Emma.” (Hillerman, Skinwalkers, 1986 : 128) Retour au texte

30 “Protected by deadwood from the predators” (Hillerman, A Thief of Time, 1988 : 80). Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Marc Michaud, « Le rôle du couple dans la fiction policière de Tony Hillerman », Textes et contextes [En ligne], 15-2 | 2020, publié le 15 décembre 2020 et consulté le 24 novembre 2024. Droits d'auteur : Licence CC BY 4.0. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/textesetcontextes/index.php?id=2779

Auteur

Marc Michaud

Maître de Conférences, LEMIC / CIRPaLL, Université Catholique de l’Ouest, Faculté des Humanités, 3, Place André Leroy - 49000 ANGERS

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