Ferré, le chant inachevé du roman aragonien

Résumés

Dans son album de mise en chansons d'Aragon, Ferré propose une véritable interprétation du poète, dans tous les sens : musical, mais aussi linguistique et théâtral. Ferré y déploie comme un Art poétique de son univers de chanteur, en recomposant la matière lyrique matricielle. Il bouscule la temporalité du recueil-source, Le Roman inachevé. Il commence en rétrospection, se suspend sur des vertiges, et s'achève sur une ouverture du présent sur l’avenir. L'analyse détaillée de ses choix d'enchaînements et de transformations met en lumière le reflet propre que Léo Ferré confère aux poèmes d'Aragon.

In his album singing Aragon, Ferré proposes a true interpretation of the poet, in all the senses: musical, but also linguistic and theatrical. Ferré deploys there as a poetic Art of his singer universe, recomposing the original lyric material. Recreating the temporality of Le Roman inachevé, its matrix, he begins in retrospection, goes on with kinds of vertigo, and ends on a open link between the present and the future. Precisely analysing his choices of sequences and transformations, this article stresses the specific reflection Léo Ferré gives to Aragon's poetry.

Plan

Texte

« Je puis être ou non d'accord, [mais] même si ce n'est pas tout ce que j'ai dit ou voulu dire, c'en est une ombre dansante, un reflet fantastique, et j'aime ce théâtre qui est fait de moi. » (Aragon, 1961)

Lorsqu'il évoque sa mise en chanson par Léo Ferré, dans un album sorti en 1961, intitulé Léo Ferré chante Aragon (Ferré, 1961), Aragon exprime à la fois une approbation et une distance, au travers de deux images : reflet, théâtre. C'est ce jeu de reflets et d'incarnation projetée par l'univers musical et vocal de Ferré dont on va ici essayer d'apprécier les modalités par rapport au recueil source, essentiellement Le Roman inachevé, paru cinq ans plus tôt.

1. Le disque et les recueils d’Aragon

On rappellera d'abord, par un parallèle entre les titres de Ferré et ceux des poèmes originels, les sources des chansons chez Aragon. L'ordre proposé correspond aux plages des morceaux de l'album.

  1. L’Affiche rouge / « Strophes pour se souvenir » (Aragon 1956 : 227-228)
  2. Tu n’en reviendras pas / « La guerre et ce qui s’en suivit » (Aragon 1956 : 62-64)
  3. Est-ce ainsi que les hommes vivent / « Bierstube Magie allemande  » (Aragon 1956 :72-75)
  4. Il n’aurait fallu / «  Il n’aurait fallu  » (Aragon 1956 : 181-182)
  5. Les Fourreurs / In « Poésies pour tout oublier » : «  C’est un sale métier  » (Aragon 1956 : 220-222)
  6. Blues / Les Poètes  : « 14e Arrondissement » (Aragon 1960 : 79-87)
  7. Elsa / « L’amour qui n’est pas un mot » (Aragon 1956 : 171-173)
  8. L’Etrangère / « Après l’amour » (Aragon 1956 :148-155)
  9. Je chante pour passer le temps / « Je chante pour passer le temps » (Aragon 1956 : 157-158)
  10. Je t’aime tant / Elsa : « Mon sombre amour d’orange amère » (Aragon 1959, 41-43)

On constate donc que la trame du disque provient du Roman inachevé. Seules deux chansons proviennent d'autres recueils, plus récents, Elsa, et Les Poètes, parus respectivement en 1959 et 1960. Elles viennent scander le mouvement général de l'album, puisque l'une, Blues, vient en sixième position après cinq morceaux tirés du Roman inachevé, et que la seconde, Je t'aime tant, conclut le disque, après une nouvelle suite de trois chansons tirées du Roman.

2. Mouvement du disque de Ferré

L’écoute totale de l’album de Ferré permet d’en dégager à la fois une ligne de force et la dynamique d’un parcours signifiant. Au prix de multiples combinaisons, de l’inchangé du poème au coupé, des bouleversements de strophes aux insertions de refrains, au fil également de nombreux changements (ou ajouts) de titres, dont au premier chef, l'étendard du premier titre, L’Affiche rouge, Ferré met en place le mouvement d’un disque qu’on pourrait découper en trois grands mouvements. D’abord, une dramatisation par la guerre ; puis un lyrisme angoissé – au bord du trou ; enfin les facettes du lyrisme amoureux.

2. 1. Dramatisation par la guerre

D’emblée donc, la guerre est évoquée par Ferré selon le mouvement doublement rétrospectif des chansons 1/2/3 : de 1945 à 1918, des Résistants de la seconde guerre à la fin de la première en Allemagne occupée ; mais aussi un mouvement en fait inauguré depuis 1955 par les « Strophes pour se souvenir » devenues L’Affiche rouge : « onze ans déjà que cela passe vite onze ans ». Le tout envisagé depuis le présent de l'enregistrement en 1961.

Envisagé comme une rétrospection, le sens de l'album s'amorce ainsi à l'inverse du Roman inachevé d'Aragon, qui commence avec l'enfance du poète et suit la chronologie jusqu'à son présent d'écriture, d'où l'inachèvement revendiqué (contrairement aux Mémoires d'outre-tombe par exemple).

Ferré assume donc d'être un reflet du sens d'Aragon – dans tous les sens, eût pu commenter Rimbaud, qu'il va ensuite si souvent chanter également. Revendiqué d'emblée, le lyrisme du Coryphée de L’Affiche rouge sonne donc en Art poétique du chanteur – sa théâtralisation du poète. Il affiche, au sens propre, une couleur sang, ferment d'amour, plus un drapeau politique.

Après cette enseigne, les deux chansons suivantes de ce premier mouvement reviennent sur la fin de la première guerre, traitée d’un regard médical par les mots d’Aragon, l'ancien carabin, sur ceux qui périssent : Ferré relaie ces tableaux d’une mort crue, couleur sang versé – lui qui avait déjà assumé la bizarrerie macabre de Jean-René Caussimon dans Monsieur William, en 1950 (Ferré, 1953).

2. 2. Au bord du trou

Dans la suite de l’album, les chansons 4/5/6 proposent un divertissement amer et ricanant à ce rouge vertige de l'histoire : avec la délicatesse d'Il n'aurait fallu, c'est presque en tour de funambule qu’intervient ce début de l’amour survenu à la fin des années 20 (et sans même qu’Elsa y soit nommée). La chanson qui suit, Les Fourreurs, située dans la chronologie d'Aragon après 1945, offre un témoignage aux couleurs sonores très Saint-Germain des Prés. Tirée du groupe de poèmes au titre amèrement parlant, « Poésies pour tout oublier », elle laisse flotter un parfum âcre. Bouclant, ce second mouvement, Ferré présente un montage cette fois-ci verlainien du dandysme des années 20, qu’il a tiré d’un autre recueil : « 14e arrondissement » y devient Blues, titre programmatique, la mélancolie s’ouvrant sur une attente, et s’achevant sur un solo de saxophone, comme une espérance à remplir.

2. 3. Les facettes du lyrisme amoureux

Les quatre dernières chansons déploient alors les ombres et lumières de la lyrique amoureuse. D’abord bien sûr, car sa figure est indissociable de la poésie d’Aragon, intervient la nomination d’Elsa, qui titre la chanson n°7. Mais, juste après, L’Étrangère rebondit pour un libertinage de jeunesse, alla zingara (à la tzigane), dit la partition. L'amertume de cette chanson sera d'ailleurs très vite reprise et popularisée par Yves Montand dès 1962. Arrive alors le morceau que Ferré choisit comme emblème lyrique des rapports au temps, en tant que préparation à l’amour, Je chante pour passer le temps. C'est le seul morceau du recueil repris à l’identique, titre et paroles, et qui semble d’ailleurs appeler sa mise en chanson, puisque dans Le Roman inachevé, le propos anaphorique « je chante » est redoublé par sa typographie même, en italique et comme en exergue aux poèmes qui le suivent, en appel d'air. Il est alors temps, justement, pour Ferré de déployer en mode symphonique, presque cosmique, cette célébration amoureuse qu'il tire du recueil qui prolonge, dans l’œuvre d’Aragon, Le roman inachevé : Elsa (en réponse donc à la chanson n°7 qui inaugurait ce troisième et dernier mouvement du disque) : l’interprète Ferré, par son découpage rythmique final, « Et crier Dieu / Que je t’aime ! / Je t’aime tant », par cette césure après Dieu qui change le sens littéral voulu par Aragon, ouvre les vantaux d’un élargissement lyrique infini…

Ce finale, sur une chanson tirée du plus récent recueil d’Aragon au moment du disque, Elsa, achève donc le parcours temporel très cohérent de l'album : il commence en rétrospection, se suspend sur des vertiges, et s'achève sur une accroche aussi étroite que possible au présent et même à l’avenir ouverts par les mots du poète. Le disque de Ferré propose ainsi un tout autre mouvement que la chronologie désabusée d'Aragon, seulement sauvée du désespoir par la dialectique d’Elsa, dans le Roman inachevé. Ferré compose et interprète son reflet chanté.

À la lumière de cet album, dans son ensemble, on comprend alors la fonction d’ouverture revêtue par L’Affiche rouge. De fait, elle multiplie les fils, de semblable couleur, comme une réactualisation du Temps des cerises de Jean-Baptiste Clément (dont on sait qu’elle fut d'abord, à sa création en 1868, une romance sentimentale, avant d’être symbole de la Semaine sanglante et signe de ralliement au drapeau rouge, par-delà la Commune écrasée). La chanson liminaire de Ferré amorce ainsi le thème de la guerre et de ses morts, sur fond d’engagement patriotique ; elle plante d’emblée le tragique d’une existence, dont l’amertume rôde au long de l’album ; mais elle n’oublie pas pour autant de célébrer l’amour et l’espoir des lendemains qui chantent à travers les paroles de Manouchian pour sa Mélinée. Bref elle assume le lien que Ferré souhaite tisser entre deux ou trois couleurs de la palette aragonienne : le lyrisme amoureux en métaphore politique, et une théâtralisation dramatique dont les gouffres existentiels trouvent écho dans l’ampleur cosmique du finale de l’album, le sacrifice collectif alors rédimé par l’amour souverain.

3. Traitement du passage des poèmes aux chanson

Si l'on passe désormais de la composition générale de l'album à l'échelle de chaque chanson comme reflet d'un poème-source, on peut là encore repérer la patte de Ferré à plusieurs niveaux.

3. 1. Les textes et les titres

La comparaison entre les paroles chantées et les poèmes imprimés permet d'observer de multiples combinaisons, de l’intégralement inchangé, titre et paroles (Je chante pour passer le temps), au poème coupé ; des bouleversements de strophes aux insertions de refrains.

Chacun des exemples relève d'une stratégie globale visant à transposer le lyrisme d'Aragon en un matériau prétexte à l'œuvre chantée de Ferré. Là où la voix d'Aragon joue du flux et de l'élan, Ferré adopte une esthétique de constrastes et de changements de registres, scandés par des titres souvent de son cru pour plus de percussion, mais aussi par des réagencements textuels au profit à la fois d'effets de condensation et bien sûr de resserrement sur une couleur dominante par chanson.

La modification la plus simple (mais pas forcément la moins signifiante), consiste en de nombreux changements (ou ajouts) de titres, dont au premier chef L’Affiche rouge, déjà analysée.

À rebours, les changements les plus extrêmes se jouent sur trois plans : le titre, la suppression de parties du texte source, et même sa réorganisation, par la création de répétitions ou de refrains.

Une typologie peut ainsi être proposée, classée par importance croissante des transformations apportées par Ferré :

  • identité de texte et de titre : Je chante pour passer le temps ;
  • identité de texte mais création d'un titre : L'Affiche rouge ;
  • texte repris sans coupure mais avec ajout en reprise du premier couplet – boucle finale devenue refrain –, dont le premier vers ainsi répété et souligné permet la création d'un titre : Il n'aurait fallu ;
  • suppression de 3 strophes (dont la première) sur les neuf du poème source, et titre transformé, « L'amour qui n'est pas un mot » devenant : Elsa ;
  • suppression de cinq strophes sur les onze du poème source, et titre ajouté, à partir des derniers mots, fortement mis en valeur par l'amplification du chant final : Je t'aime tant ;
  • suppression de six strophes sur douze du poème source, réorganisation de leur succession (Ferré chante dans cet ordre les strophes du poème : 7, 8, 3, 9, 10, 12), et titre ajouté, à partir des premiers mots de la chanson, qui étaient les premiers mots de la septième strophe dans le poème : Tu n'en reviendras pas ;
  • suppression de quatre strophes sur quatorze du poème source, réorganisation de leur succession (Ferré chante dans cet ordre les strophes du poème : 1, 5, 4, 6, 7, 8, 11, 12, 13, 14), et titre ajouté, non tiré d'un vers, mais création de Ferré – à la fois enseigne et résumé de la chanson : Les Fourreurs ;
  • suppression de trente-deux strophes sur les quarante-deux quatrains du poème-source, sous forme de cinq strophes en octains (Ferré supprime les 18 premiers quatrains, et chante dans cet ordre les strophes du poème : 19, 20, 21, 22, 25, 26, 32, 33, 39, 41, ce qui veut dire qu'il supprime aussi le dernier et l'antépénultième quatrain, changeant donc l'effet final du poème), et titre transformé, « Après l’amour » devenant : L'étrangère ;
  • suppression de trente-sept strophes sur les quarante-trois du poème source, réorganisation de leur succession (Ferré chante dans cet ordre les strophes du poème : 15, 27, 11, 14, 13, 15, 15) avec répétition du dernier couplet au finale, et titre transformé, « Quatorzième arrondissement » devenant : Blues ;
  • suppression de 4 strophes sur les onze du poème source, réorganisation de leur succession (Ferré supprime les quatre premières strophes et chante dans cet ordre les strophes du poème : 5, 6, 7, 8, 11, 9, 10), avec création d'un refrain de deux vers tirés de la strophe 4, chanté trois fois après les couplets 2, 4 et 6, et une variation en finale après la septième strophe, ajout d'un troisième vers en chute (« Comme des soleils révolus »); et création d'un titre tiré de ce refrain : Est-ce ainsi que les hommes vivent.

Au total on constate que l'efficacité chansonnière est indépendante de la quantité des modifications apportées par Ferré à sa matrice aragonienne. Les morceaux les plus célèbres, L'Affiche rouge, L'étrangère, et Est-ce ainsi que les hommes vivent relèvent pour le premier d'un changement minimal (le titre, oui, seulement, mais néanmoins quelle trouvaille de Ferré : il inscrit ainsi avec panache sa chanson dans la mémoire collective, en relais de la double voix de Manouchian, puis d'Aragon) ; et pour les deux autres, ils relèvent au contraire d'un changement maximal : nombreuses coupures, titres créés et invention d'un refrain. Ferré joue de son savoir-faire chansonnier. Pour L'Affiche rouge il se comporte en éclairagiste et en coloriste, ajoutant un titre et une mélodie à la voix d'Aragon qu'il sertit ; pour les deux autres il déplace la perspective de l'autobiographie lyrique (les deux poèmes viennent du Roman inachevé ) pour créer des morceaux autonomes : une parenthèse exotique et un peu sarcastique dans sa veine de chanteur avec L'étrangère, et une œuvre très originale, dans son tressage de l'anecdotique à l'existentiel du refrain, cette extraordinaire mise en valeur d'un vers aragonien noyé dans le poème, et devenu titre-refrain et abîme métaphysique dans Est-ce ainsi que les hommes vivent.

3. 2. Les choix musicaux

Du point de vue musical, la succession des morceaux repose sur un système de variations analogues à celles d’un tour de chant : les alternances y sont disposées en contrepoint du mouvement thématique de l'ensemble du disque. On pourrait caractériser cette construction musicale selon les couleurs instrumentales et rythmiques suivantes :

  1. L’Affiche rouge / dramatisation ;
  2. Tu n’en reviendras pas / mélancolie ;
  3. Est-ce ainsi que les hommes vivent / apparition des percussions : St Germain cynique et bohème ;
  4. Il n’aurait fallu / valse nostalgique (retour des couleurs musicales du 2) ;
  5. Les Fourreurs / Sarcastique St Germain (retour des couleurs du 3) ;
  6. Blues / Blues symphonique (cuivres, et vibrato vocal en parenté avec l’album suivant de Ferré sur Verlaine) ;
  7. Elsa / Lyrisme tendre (retour des chœurs du 1, mais suaves et non plus dramatiques) ;
  8. L’Etrangère / Tonicité sarcastique (retour des couleurs du 5) ;
  9. Je chante pour passer le temps / Dramatisation symphonique, association un orchestre à corde avec des accords de piano chaloupés ;
  10. Je t’aime tant / Lyrisme symphonique pour élargissement en finale.

On constate ainsi une coloration musicale jouant des registres, de la théâtralité d'emblée affichée, voix seule soutenue par des chœurs au finale, jusqu'à un lyrisme déployé porté par un orchestre symphonique, selon un parcours qui joue des modalités lyriques, entre le jazzy, les cordes, et même les cuivres de Blues. Le disque donne ainsi à entendre un voyage dans l'univers harmonique, rythmique et sonore de Ferré, son propre parcours, en reflet de l'univers d'Aragon.

Les Chansons d'Aragon chantées par Léo Ferré s'avère donc un album véritablement composé, et non une simple juxtaposition de morceaux, même si la notion d'album-concept ne naîtra en France qu'au début des années 1970. Mais c'est également un chant inachevé, d'abord bien sûr par son imprégnation du Roman inachevé qui est sa source parolière, mais aussi par ces échos chantés qui ont fait résonner cet album par-delà la voix de Ferré. J'ai évoqué par exemple la reprise de L'Étrangère par Yves Montand, qui en fit un succès régulier de son propre répertoire. Tant d'autres ont repris tel ou tel morceau de ce disque, y compris Bernard Lavilliers, Catherine Ribeiro ou Cali. Je finirai simplement par un marqueur de cet inachèvement : Je t'aime tant adapte le poème « Mon sombre amour d'orange amère ». Ce même poème a inspiré à Hélène Martin une chanson titrée Chanson noire (Martin, 1961). Loin du lyrisme symphonique et cosmique sur lesquels Ferré achève son disque, la chanteuse, qui consacre elle aussi tout un album à Aragon en 1970, joue pour sa part d'un dépouillement instrumental : sa voix accompagnée d'une seule guitare. Cette autre version du même poème-source permet, par contraste, d'entendre toute la part de Ferré dans sa mise en chanson d'Aragon : Hélène Martin ne découpe pas le texte de la même manière, puisqu'elle en reprend l'intégralité contrairement à Ferré qui en a coupé près de la moitié ; son débit plus rapide et sans plage instrumentale phrase différemment les mots, y compris au finale (sans la césure de Ferré après Dieu, en particulier) ; elle n'adopte pas le même titre, reprenant celui de la table des matières du recueil d'Aragon (et la couleur noire ici mise en avant modifie bien sûr la réception du morceau, loin de l'optimisme lyrique et emphatisé de Ferré) ; et, outre son timbre propre, la chanteuse, elle aussi compositrice, propose une toute autre mélodie, et donc une toute autre couleur d'évocation que l'imaginaire de Ferré... Une autre voix d'Aragon. Un de ses reflets changeants...

Chant et contre-chant : la voix d'Aragon, qui n'écrivait que pour se contredire, se répercute et résonne, aux gorges et aux échos de ces entre-chants.

Bibliographie

Aragon, « Léo Ferré et la mise en chanson », Les Lettres françaises, n° 859, 19-25 janv. 1961.

Aragon, Le Roman inachevé ([1956], Paris : Gallimard, « Poésie/Gallimard », 1990.

Aragon, Elsa, Paris : Gallimard, 1959

Aragon, Les Poètes, Paris : Gallimard, « Poésie/Gallimard », 1987.

Ferré, Léo et Caussimon, Jean-Roger, « Monsieur William » [1950], in Ferré, Léo, Paris Canaille, Paris, Odéon, 1953.

Ferré, Léo, Les Chansons d'Aragon chantées par Léo Ferré, Barclay, 1961.

Hirschi, Stéphane, Chanson : l’art de fixer l’air du temps – de Béranger à Mano Solo, Paris, Les Belles Lettres/ PUV, « Cantologie », juin 2008.

Martin, Hélène, Récital n° 1, Paris, BAM, 1961.

Citer cet article

Référence électronique

Stéphane Hirschi, « Ferré, le chant inachevé du roman aragonien », Textes et contextes [En ligne], 15-1 | 2020, publié le 15 juin 2020 et consulté le 25 avril 2024. Droits d'auteur : Licence CC BY 4.0. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/textesetcontextes/index.php?id=2628

Auteur

Stéphane Hirschi

Professeur des universités, Université Polytechnique Hauts-de-France, Institut Sociétés et Humanités, UA Arts, Lettres, Langues, bâtiment Matisse, Le Mont Houy, 59313 Valenciennes

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