Cet ouvrage est la publication des actes d’un colloque qui s’est tenu à Paris III en juin 2006 et qui cherche à faire le bilan de la position du Royaume-Uni face à l’intégration européenne. La mandature de Tony Blair s’était ouverte sous des auspices très favorables à l’Europe mais, en dix ans, le Royaume-Uni s’est tenu en marge de la monnaie unique, il ne s’est pas prononcé sur la « constitution » européenne après les référendums français et hollandais et assume pleinement son rejet de toute forme d’intégration européenne à teneur politique. Où est passé l’engagement européen de Tony Blair ?
Le mérite de l’ensemble des textes est de couvrir un large champ pour apporter un début de réponse. Plusieurs contributions mettent l’accent sur les impasses auxquelles peuvent mener les velléités eurosceptiques, et d’abord sur la scène intérieure. Ainsi, comme le souligne Agnès Alexandre-Collier, il existe un risque de radicalisation, notamment pour le parti conservateur, qui pourrait à terme le marginaliser sur l’échiquier politique. Cet enfermement du parti conservateur contraste avec l’activisme des députés britanniques au Parlement Européen, parfaitement documenté dans l’article de Marie-Claire Considère-Charon. D’autres contributions évoquent les différents aspects de l’instrumentalisation de l’enjeu européen, en particulier dans le cadre de la montée des sentiments régionalistes. De ce point de vue, le lecteur aurait aimé en savoir plus sur le fonctionnement concret de la dévolution et la façon dont elle s’inscrit dans les rapports avec l’Europe. Mais le propos du livre est moins institutionnel que social et politique. Il se poursuit donc, dans une seconde partie, avec une étude des différents aspects de la politique européenne de Tony Blair. Elle s’ouvre avec un texte de Stephen Wall, ancien ambassadeur auprès de l’Union Européenne, qui nous livre un point de vue de partie prenante à la politique européenne du Royaume-Uni et qui, sans hésiter, avoue sa déception face à la relative timidité de Tony Blair. L’Euro, la politique sociale, le droit, la politique étrangère sont tous abordés et les auteurs soulignent tous la même difficulté : avec Tony Blair, tout comme avec ses prédécesseurs conservateurs, la position britannique est restée attentive vis-à-vis de l’Union Européenne. La tradition insulaire, que Pauline Schnapper a documentée dans un autre ouvrage, semble dicter plus que jamais la conduite des affaires européennes. Depuis 1945, le Royaume-Uni cherche traditionnellement à préserver un engagement européen et une ouverture sur le « grand large », notamment par le biais de sa « relation spéciale » avec les Etats-Unis. Le R-U n’est donc toujours pas sorti de l’héritage de l’après-guerre : il se comporte plus que jamais en grande puissance à vocation mondiale, lien entre le Vieux Continent et le Nouveau Monde, mais la question demeure : cela est-il tenable sur le long terme ? Tout semble indiquer pour l’instant que la réponse britannique est un oui incontestable. S’il est en effet un message qui ressort de l’ouvrage, c’est bien la pérennité de l’attitude britannique. Tony Blair ne semble avoir ajouté que peu d’éléments nouveaux à cette diplomatie traditionnelle autres qu’une couche supplémentaire de circonvolutions rhétoriques et ce malgré la guerre en Irak de 2003. Cet épisode n’a pas, pour l’instant, remis en cause l’étroitesse du lien avec les Etats-Unis, alors qu’il a constitué un aveu patent de l’échec de la stratégie britannique : incapables d’apaiser l’administration Bush, les Britanniques ont, en revanche, été dans l’obligation de suivre les initiatives décidées à Washington. Ainsi un chapitre complémentaire sur cette question des rapports avec les Etats-Unis aurait été bienvenu pour éclairer la faiblesse de l’engagement européen sous Tony Blair. De même, quelques mots de conclusion sur le programme du nouveau Premier Ministre, Gordon Brown, auraient pu mettre en perspective le bilan, très précis, établi par cet ouvrage.