En 1907 parut aux Éditions Méricant l’ouvrage de Gustave Kahn consacré à « La Femme dans la caricature française »1. L’entreprise était ambitieuse : cette publication, qui se présentait primitivement sous la forme de vingt fascicules, ornée de quatre cent cinquante illustrations et soixante suppléments en couleurs présentait « l’histoire complète » de la femme d’après les plus célèbres dessinateurs et humoristes »2. Gustave Kahn, écrivain de renom, fidèle de Mallarmé, avait eu une place de tout premier rang dans la critique symboliste à la fin des années 1880 et il avait participé entre autres à La Vogue, au Mercure de France et à la Revue Blanche (Bouillon et alii 1990 : 306). Amateur d’art, il avait été l’auteur de plusieurs biographies d’artistes, en particulier sur Boucher et Rodin (Bouillon et alii 1990 : 307) et d’une d’étude sur Félicien Rops (Kahn s.d.).
D’emblée, le critique avoue qu’il s’agit d’un magnifique sujet, mais fait part de l’ampleur de la tâche à accomplir. Il s’agit pour lui d’évoquer l’énorme dépense d’esprit qui a été effectuée par les caricaturistes français au xixe siècle et au début du xxe siècle (Kahn 1907 : VI)3. Ce n’est pas sans humour qu’il envisage le caractère titanesque d’un champ de recherche qui lui semble inépuisable :
Étudier la femme dans la caricature française, c’est-à-dire analyser et montrer la suite des ironistes du dessin à protester contre l’emprise féminine, à fronder les puissances du souverain enjuponné, et n’obéit qu’à la mode, c’est presque faire l’histoire de la caricature française (Kahn 1907 : V).
Cette souveraineté, nous la retrouvons d’ailleurs dans un dessin de Gerbault, où l’on peut voir une femme légère pourvue des attributs du Roi Soleil (Kahn 1907 : V)4.
L’étude qui, de l’aveu de l’auteur, a d’abord pour but de présenter au lecteur « une admirable collection d’images », où toutes les nuances de colère et d’admiration sont représentées5, se veut à la fois agréable et rigoureuse : « Nous avons essayé », prévient Kahn,
d’être très juste dans nos appréciations… Nous croyons avoir donné très exactement l’histoire de notre sujet et rétabli à leur rang des artistes dont nous avions à nous occuper et à ceux que les quelques travaux consacrés à des sujets analogues n’avaient pas fait leur place. Nous l’avons fait avec d’autant plus de plaisir que c’était donner à notre illustration une variété plus grande (Kahn 1907 : VI).
Cette histoire qui se borne à faire quelques rappels de l’Ancien Régime et de la Révolution est d’abord celle de la caricature du xixe siècle, à l’époque de la floraison de la presse illustrée. Gustave Kahn envisage donc son étude de la Femme dans la caricature en liaison avec la modernité et en fonction des préoccupations de son époque. Aussi, les artistes qui sont cités sont-ils Rops, Willette, Daumier, Abel Faivre, Legrand, Léandre, Steinlen ou Louis Morin. Par ailleurs, force est de constater que ce travail est placé sous le signe de l’éclectisme. L’analyse de la table des matières de l’ouvrage révèle les préoccupations diverses de l’auteur : parfois attentif à des humoristes plus spécifiques6, des chapitres sont également consacrés à la caricature et la femme du temps7, aux bas-fonds sociaux8 et même au domaine de la poupée9. Parallèlement, Gustave Kahn s’attache à mettre en valeur les nouveaux caricaturistes, ceux que l’on nomme alors les caractéristes (Kahn 1907 : V)10. Les illustrations, nombreuses, sont moins en relation directe avec l’œuvre des artistes qu’avec les sujets envisagés et ne peuvent être toujours considérées comme des caricatures stricto sensu11.
Les choix et le jugement que l’auteur porte sur la façon qu’ont ses contemporains d’aborder la femme sont, à cet égard, révélateurs du point de vue d’un écrivain à la fois féru de modernité, adepte du féminisme et amoureux de la caricature.
1. Les a priori des misogynes et le fantôme de la Virago
Dans la préface de son ouvrage, Gustave Kahn prévient le lecteur : les caricaturistes n’ont guère fait preuve de tolérance envers les femmes et se montrèrent même à l’occasion sans pitié : « Ils ont toujours combattu deux sortes d’ennemis, les rois et les femmes » (Kahn 1907 : V). La férocité est, semble-t-il, à la mesure de l’enjeu, les hommes ayant à dominer une faiblesse naturelle envers leurs compagnes.
Ils ont, précise l’auteur, combattu les souverains avec moins d’âpreté, parce qu’ils pouvaient contribuer à démolir leur puissance. Ils ont attaqué les femmes avec une exaspération qui a connu ses trêves, alors que, pour faire comprendre la force de leur adversaire, ils prenaient le temps et le loisir de faire admirer sa beauté (Kahn 1907 : 1)12.
Par ailleurs, si la caricature est le domaine privilégié du Français, « né malin », l’esprit gaulois n’aurait jamais beaucoup épargné la femme13. De fait, la presse illustrée, qui fut, à la fin du xixe siècle et à la Belle Époque, l’apanage d’un lectorat masculin, nous paraît aujourd’hui fortement empreinte de misogynie. Gustave Kahn prend soin d’ailleurs de préciser que les meilleures caricatures ont fait rire les hommes et les ont même transportés de joie (Kahn 1907 : 346).
Ses critiques s’adressent tout spécialement à Traviès dont l’attitude malveillante transparaît derrière d’hypocrites hommages. Certes, dans la série consacrée à Mayeux, le dessinateur ne met pas les femmes au premier plan. Toutefois, la « profonde misogynie » de Traviès se formulerait avec la plus absolue netteté, dans la beauté même dont il les pare et « dans le sourire ému, conquis, reconnaissant dont elles baignent son héros de laideur et de vanité, son Mayeux » (Kahn 1907 : 31)14.
Le plus souvent cependant, sous le regard de Gustave Kahn, l’attitude des caricaturistes peut être évaluée à l’aune de quelques critères relatifs à la féminité. Cette constatation serait particulièrement vraie avant 1830.
Dans l’ancienne caricature, dans les planches de Debucourt, où les estampes populaires, chez Vernet, la femme est caricaturée comme femme. Elle est belle ou elle est laide. Elle est douce, elle est mégère (Kahn 1907 : 22-83).
Si les appâts de la séductrice permettent d’attirer d’éventuels amants, la mansuétude de l’épouse est fortement appréciée au sein du couple légitime. Gustave Kahn dresse à cet égard un constat laconique qui laisse percevoir un jugement de valeur sur les conventions sociales qui ont régi les rapports des sexes au cours de l’histoire et qui ont été relayées très largement par la caricature : il s’agit de savoir ce que vaut la femme en face de l’amour. Il s’agit aussi de savoir si elle réalise l’idéal de l’homme, si elle est l’épouse décidée à suivre le texte de la loi, c’est-à-dire décidée à obéir à son époux et à se laisser mener où il voudra la conduire, ou bien si c’est exactement le contraire qu’elle désire (Kahn 1907 : 4, 83).
Le point de vue du satiriste est donc clair : il s’agit de prendre le parti de la jeunesse et de la beauté, sans lui demander sa contrepartie, en l’occurrence la vertu, pour railler « les vieilles marquises de Carabas qui veulent retrouver la jouvence entre les bras d’un bel amoureux »(Kahn 1907 : 67).
Or, les commentaires mêmes de Gustave Kahn ne sont pas dénués de complaisance à l’égard de certains dessins particulièrement caustiques. L’auteur note, par exemple, que les trois grâces de Bosio représentent des types de Merveilleuses aux lignes dures, aux visages énergiquement parodiés, aux maturités sèches ou adipeuses. Il dit à propos de l’une d’elles :
C’est un long corps de femme, gainé de noir, l’éventail à la main, les traits longs et durs comme ceux d’un homme qui a fortement dépassé la seconde jeunesse. Cette femme apparaît rigide et terrible ; à côté c’est une gracieuse évaporée, […] le modèle de cette Aglaé doit faire l’enfant à merveille et jouer les agressives d’une innocence surannée (Kahn 1907 : 45).
La beauté, garante du plaisir masculin, correspond au fantasme de l’éternelle jeunesse. Aussi Kahn signale-t-il en contrepartie le nombre de ces femmes disgracieuses ou vieillissantes, tantôt lourdes et flasques, tantôt sèches et longues comme des échalas, qui peuplent la presse illustrée (Kahn 1907 : 112).
Il ne veut pas dire, précise l’auteur à propos de Bosio, qu’elles (les femmes) soient toutes jolies et il ne s’interdit point de faire de l’ironie. Ce sera toujours pour le caricaturiste un prétexte fécond de charge et de présentation excellente et bien motivée de silhouettes burlesques, que de noter que la femme ne sait pas toujours vieillir et qu’elle n’a pas toujours le sens de ce qui lui sied15.
Le critique note ainsi que les artistes pointent en l’occurrence le caractère dictatorial des normes sociales qui condamnent la femme au ridicule lorsqu’une bienséance de bon aloi ne se substitue pas à la coquetterie. Un dessin de Georges Meunier, figurant dans l’ouvrage, présente un monsieur très chic, accompagné par une « créature » dont le maquillage excessif dissimule mal la vulgarité et les ravages de l’âge. Au loin, deux « amis » observent le couple d’un air narquois : « Depuis qu’il promène ce vieux tableau, lance l’un d’eux, on ne l’appelle plus au cercle que le gardien du fard » (Kahn 1907 : 429).
Plus respectable sans doute, mais non moins disgracieuse est la bourgeoise « arrivée ». Chez Rops, elle se présente sous la forme d’une grosse commère (Kahn 1907 : 184). Roubille la voit, pour sa part, adipeuse, la face camuse sous le chapeau Paméla (Kahn 1907 : 82).
Le plus sarcastique en la matière est sans nul doute Abel Faivre et ce n’est certainement pas un hasard si l’illustration qui fit la première page de L’Album figurant une femme nue difforme, affublée d’un bonnet de cuisinière et tenant, l’air hilare, une poêle à frire, ait été retenue par Gustave Kahn (Kahn 1907 : 114)16. Là encore, non sans un certain plaisir, le critique s’attarde sur la verve de l’artiste, en écrivant à son propos :
Il a surtout pris à partie la dame mûre, une certaine effigie de la petite bourgeoise, aux traits gros, aux seins talés, à l’œil rond et luxurieux aux traits de macaque. Le front est aplati, l’œil tient de celui de la volaille, avec un braisillement au fond de la prunelle, les chairs sont flasques et lorsqu’il met sa patiente aux bras d’un docteur qui l’ausculte et la palpe […] ce sont de pendantes gélatines que ces praticiens tiennent dans leurs bras (Kahn 1907 : 396).
Ce physique épais traduit le caractère obtus des commères d’Abel Faivre, mal compensé par la malignité et la bonne humeur17.
Certaines caricatures au demeurant insistent davantage sur les vices bien connus inhérents au sexe faible. Selon Gustave Kahn, Daumier, par exemple, semble avoir pratiqué cette théorie selon laquelle toutes les femmes sous toutes les latitudes se rangent sous le joug des mêmes passions face au prestige et à la force du « sexe mâle ». C’est la raison pour laquelle les « larges chinoises à l’œil émerillonné » de Daumier regardent avec envie « nos mathurins » (Kahn 1907 : 103, 105). Quelques décennies plus tard, Iribe se situe dans le même état d’esprit lorsque d’un crayon violent et simplificateur il « écrase dans un baiser les formes lourdes d’une grosse dame et la carrière puissante d’un gommeux » (Kahn 1907 : 395). Toutefois, la cupidité se substitue volontiers à l’empire des sens. C’est ainsi que pour Mayeux, le bossu de Traviès, « toutes les femmes capitulent, parce qu’il y a quelque fortune » (Kahn 1907 : 32, 37). Souvent l’ambition et le goût des honneurs régissent les rapports des hommes et des femmes. Une caricature de Morin, « La Boutonnière », judicieusement choisie par l’auteur, montre un jeune modèle s’adressant à son amant sculpteur : « Regarde chéri, ce sera gentil quand tu seras décoré » (Kahn 1907 : 37).
À ces défauts s’ajoute, plus spécifiquement pour la matrone vieillissante, la propension à l’autoritarisme, au sein du couple et de la famille. Kahn commente l’une des Grâces de Bosio de la façon suivante :
Mais la troisième a tous les signes de la maturité robuste, elle doit même être belle-mère, car en elle se réunissent tous les caractères de l’autoritarisme et même de l’autocratisme, les indications de tempérament énergique et fougueux que la caricature a groupé autour des belles-mères. Les bras robustes sont gros comme ceux d’un débardeur… Elle est grosse et râblée, la tête énergique, trop énergique, à face de proconsul romain s’abrite sous un vaste chapeau de paille à large forme donnant l’impression de porter une visière (Kahn 1907 : 44).
Cette femme-tyran, Henri Monnier l’a parfaitement représentée en la personne de Mme Joseph Prud’homme : « C’est Mme Prud’homme qui tranche et qui dirige, si bien que le tambour se trompe sans cesse, l’appelant tour à tour : ‘Madame’, ou ‘Mon capitaine’ » (Kahn 1907 : 184).
Face à ce réquisitoire et aux a priori de nombreuses caricatures à l’égard de la femme-repoussoir, l’attitude de Gustave Kahn est, il faut en convenir, quelque peu contradictoire. Le critique dénonce sans ambages Traviès, qualifié de misanthrope, de misogyne et qui est pour cette raison moins un comique qu’un ironiste. En même temps, il met en garde contre de trompeuses apparences, Gavarni étant, selon lui, sans doute moins tolérant que l’auteur du Mayeux (Kahn 1907 : 31, 430). Mais c’est avec un certain défaitisme qu’il relève que la caricature de la femme a toujours été misogyne : « Comment en serait-il autrement, l’essence de la caricature étant la raillerie » (Kahn 1907 : 430).
Concernant Daumier, qu’il admire au plus haut point, Gustave Kahn se sent quelque peu gêné dans ses appréciations. L’artiste n’a-t-il pas métamorphosé ses tragédiennes en commères prétentieuses et choisi des Andromaques quasi octogénaires ? (Kahn 1907 : 108) Kahn s’interroge : « Faut-il voir là une infériorité du plus grand artiste du crayon que la France ait produit, à savoir Daumier, de n’avoir su que railler les femmes cruellement et intarissablement ? » (Kahn 1907 : 431-432). Pour disculper les hommes sans doute, il laisse entendre que la femme n’a cure de tous ces quolibets. Dans un dessin de Forain, on peut voir ainsi une jeune fille dire à sa compagne : « Et puis, c’est si laid un homme » (Kahn 1907 : 275). Devons-nous voir dans ces propos le reflet d’une vengeance du « beau sexe » ou au contraire des rapports perfides des femmes entre elles ?18 En guise de conclusion de son ouvrage, Gustave Kahn affirme en tout cas avec une certaine désinvolture que les femmes n’ont vu souvent dans la critique que l’expression du dépit et rien de plus qu’un hommage indirect (Kahn 1907 : 436). Il ajoute que l’idole n’a été touchée par aucune des innombrables flèches qui lui ont été décochées (Kahn 1907 : 436, 452). On peut dès lors se demander si cette ultime dérobade de la part de l’auteur ne dissimule pas une certaine dénonciation de la mythomanie et de l’orgueil de ses consœurs et si ce n’est pas le constat de la séparation irréductible et de l’incompréhension des sexes qui est dressé dans ces propos :
Les femmes n’ont jamais laissé l’esprit des caricaturistes influer sur le leur. Non seulement les satiristes ne les ont pas dominées, mais ils ne les ont même pas effleurées. Ce n’est d’ailleurs pas un des moindres traits à ajouter à la caricature féministe que de noter cette parfaite imperméabilité de la femme devant le sarcasme (Kahn 1907 : 436).
2. Le regard neuf des caractéristes : la femme, égérie ou figurante de la Société moderne
A mesure qu’on s’approche des temps modernes, la caricature devient vivante. A mesure qu’elle devient vivante, la femme y apparaît davantage à tous les moments de sa vie… La caricature devient moins âpre, du moins son âpreté change. Elle songe moins à stigmatiser. Elle s’émeut. Elle ne cherche plus tant à blaguer. Elle cherche à tout comprendre pour tout synthétiser. Progrès ? sans doute, mais aussi variation. […] elle est moins vengeresse (Kahn 1907 : 22, 24).
Selon Gustave Kahn, la conception proprement dite de la caricature, en parallèle avec l’évolution de la société, entraîne un changement dans le regard, désormais plus nuancé, des artistes regroupés sous le nom de « caractéristes »19.
Or, l’écrivain met précisément en relation certaines spécificités touchant la femme moderne avec les grands traits de la civilisation industrielle du xixe siècle et du début du xxe siècle :
Il en est ainsi de la recherche de la mode qui va de pair avec l’attrait pour l’apparence. Gustave Kahn ne manque pas de relever que sous la Monarchie de Juillet et le Second Empire, les caricatures ont retenu essentiellement les excentricités de « l’attifement » (Kahn 1907 : 80). Mais très vite derrière un accoutrement, l’auteur décèle un comportement plus libre de la femme. Il considère par exemple que les Merveilleuses de l’époque Directoire ont été beaucoup, même trop, sans doute, raillées : « C’est un joli sourire de la beauté que celui des Merveilleuses. Quelques années qui furent comme le printemps de la terre, où les femmes apparurent plus nues et plus près du désir » (Kahn 1907 : 47, 51). Pour Kahn, la liberté féminine passe donc dans une certaine mesure par la libération du corps (Kahn 1907 : 47). Par ailleurs, la légèreté, l’insouciance seraient les signes de la modernité. Ainsi, sous leurs gigantesques chapeaux, les grisettes de Philippon (sic)20, presque toujours modèles, sont malicieuses et même « un tantinet perverses » (Kahn 1907 : 54). « Elles ont abandonné dans l’atelier le ciseau, le dé, le chapeau et la robe et à 11h35, ces jolies filles qui ne sont jamais cruelles, peut-être occupées, ne seront plus sauvages » (Kahn 1907 : 57). Kahn note dans le même ordre d’idées que Scheffer pare ces ingénues libertines de bijoux de pacotille. « Il y a des colliers de fausses perles autour de leurs épaules nues, elles aguichent des messieurs très bien, très élégants, au luxe douteux » (Kahn 1907 : 60). A l’époque romantique, puis sous le Second Empire surtout, les dessinateurs, plus anecdotiers, s’intéressent aux anomalies de la mode. Les dessins de Devéria décollètent les dames comme les soubrettes, affublées de hauts bonnets de lingeries enrubannées. Rarement, note Gustave Kahn moqueur, mode fut aussi caricaturée que celle de ces années-là (Kahn 1907 : 80). « Philippon [sic] n’en fit-il pas une rubrique sous le Second Empire ? Les crinolines vues par Daumier sont de vastes ballons dirigeables » (Kahn 1907 : 103). Détail cocasse, ces ballons sont chez Rops entourés d’un essaim de diablotins chargés de cartons de couturières et d’énormes flacons de parfum (Kahn 1907 : 103). Aussi, ne faut-il pas s’étonner que ces coquettes soient, comme le relève l’auteur, identifiées à de jolies poupées (Kahn 1907 : 265, 398). Les mondaines, nous dit-on, caquètent au théâtre italien, interrompant un instant le grignotage des pralines ou quelque propos médisant pour écouter les chanteurs (Kahn 1907 : 265). Ces petites femmes n’aiment d’ailleurs pas vraiment leurs compagnons, qu’elles jugent à leur juste mesure. Superficielles et décoratives, elles représentent par excellence la Belle Époque. L’auteur cite ainsi une pléiade de dessinateurs du « Tournant du siècle » ayant contribué au prestige de la femme « Modern’Style » : Truchet, qui la voit comme un grand papillon, Bac, au talent composite, moins critique à l’égard des mondaines qu’à l’égard des milieux dans lesquels elles évoluent, Gerbault, Jeannot, Roubille, Cappiello (Kahn 1907 : 379-380, 387), Grün dont l’égérie au décolleté profond arbore toujours une grande fleur à la tempe (Kahn 1907 : 391). La Parisienne de Métivet, à l’accoutrement un peu « tintamaresque », porte, quant à elle, de grands chapeaux à fleurs surmontés de frémissantes antennes (Kahn 1907 : 392). Tous ces personnages-types sont autant de facettes de la beauté moderne qui ne renie pas le maquillage ni l’artifice (Kahn 1907 : 82). A cet égard, Gustave Kahn rend hommage à Chéret, le maître de l’affiche moderne qui a su donner une silhouette à la parisienne (Kahn 1907 : 284). L’ouvrage de Gustave Kahn accorde lui-même une certaine place à la publicité d’ouvrages ayant trait à la beauté de la femme moderne21.
Ce sont, bien entendu, les rues de la capitale qui sont son univers familier. Le critique note par exemple que le trottin se recrute chez les petites filles de la classe ouvrière (Kahn 1907 : 57). Le trottin de Beaumont, nous dit-il, est malicieux (Kahn 1907 : 252). « Sous le Second Empire, on voit apparaître souvent par les rues, avec au bras, la caisse couverte de toile cirée noire, la petite apprentie ». Celle-ci est représentative du « Paris Haussmannien aux larges voies avec plus de magasins luxueux, bien plus ouverts, plus visibles » (Kahn 1907 : 274). Guillaume, lui, aborde la parisienne dans tous ses domaines au Magasin des Nouveautés, au Louvre ou au Bon Marché (Kahn 1907 : 388, 390-391, 418). De surcroît, selon l’auteur, le cosmopolitarisme de Paris attire les belles étrangères en quête d’une plus grande liberté au même titre que leurs consœurs parisiennes ou provinciales (Kahn 1907 : 287). De la cocodette à la grisette de Guys ou à la Lorette de Gavarni (Kahn 1907 : 16), voire à la gigolette de Lautrec, ces jeunes femmes signifient des degrés d’appartenance à la capitale et symbolisent autant de femmes, mais aussi des stades d’indépendance et de liberté (Kahn 1907 : 24, 51, 54, 88, 248).
Plus généralement, le beau sexe est représentatif des classes sociales, et par-dessus tout de la bourgeoisie, dont l’ascension fut, on le sait, spectaculaire au cours du xixe siècle. Gustave Kahn fait remarquer à ce sujet que le rang social sert de tremplin au caricaturiste qui « accueille la femme qui veut paraître » (Kahn 1907 : 82). Cette bourgeoisie montante, Daumier, Grandville, Monnier, puis Forain, Steinlen entre autres ne l’aimèrent pas et l’auteur semble partager ce point de vue (Kahn 1907 : 32)22. Traviès de son temps n’a-t-il pas conféré à son Mayeux une laideur symbolique, inconnue de Jérôme Bosch et de Callot ? Quant à l’homme de Rops, face à la séductrice, à la nudité « relevée d’une paire de bas bien tirés », il est ce notaire à face camuse, à l’oreille de faune, dont la tête émerge d’un faux col comme une grosse fleur d’un papier de bouquet (Kahn 1907 : 103, 236). L’épouse du bourgeois arrivé et nouveau riche, Degas ne l’a pas épargnée non plus, lorsqu’il la représente avec ses « pampilles et ses plumes » (Kahn 1907 : 283). Dans ce monde, fondé sur les apparences, la femme maquillée, fardée, n’en a pas moins perdu son aura. A la suite de peintres comme Manet ou des écrivains naturalistes, les caricaturistes la représentent telle qu’elle est, avec la perspicacité de reporters, notant avec exactitude leurs observations sur le monde qui les entoure23. La nudité, elle-même, devient ordinaire, dénuée de toute romance sentimentale. Ainsi les femmes de Degas dans leurs tulles, « avachies et spongieuses presque, montrent que l’armure du corset ne soutient plus les avalanches de seins, ne bande plus les lourdeurs des reins » (Kahn 1907 : 282). A ce titre, constate Kahn, Degas rejoint Daumier, mais avec beaucoup plus de férocité (Kahn 1907 : 28). De même, l’auteur note chez Rops la recherche, dans la lignée de Baudelaire, de la nouveauté du nu féminin qui porte désormais l’empreinte du corset sur les chairs (Kahn 1907 : 230).
Dans la grande cité moderne de l’anonymat et de l’indifférence, la femme serait-elle réduite, aux yeux des caricaturistes, au rôle de figurante ? Gustave Kahn, qui emploie précisément ce terme, semble le penser.
En fait, si la femme attire la pitié, c’est parce sa condition est emblématique des classes sociales les plus opprimées, réduites souvent à la prostitution pour survivre24. Kahn relève par exemple que Daumier a une sympathie mêlée d’admiration pour les petites « bonnes femmes du peuple » et les paysannes (Kahn 1907 : 102) Si certains artistes, comme Steinlen, se sont intéressés aux « longues coulées » d’ouvrières de Montmartre « descendant du travail ou remontant vers le travail » (Kahn 1907 : 274), d’autres ont porté leur attention sur les professionnelles de l’amour, les prostituées, tels Guys, Forain ou Toulouse-Lautrec dont le regard fut, selon Kahn, impitoyable sur ce défilé tantôt de femmes-enfants, légères, aguichantes ou féroces, tantôt de matrones fortes imposantes, ironiques et rosses (Kahn 1907 : 403).
Désormais, la femme devient l’image de la banalité du monde moderne et c’est, semble-t-il, en référence à l’antique qu’elle retrouve dignité et noblesse. Le critique ne compare-t-il pas la robuste chiffonnière de Daumier à une Antigone du Faubourg Saint-Martin ? (Kahn 1907 : 41).
3. La question du féminisme et l’ambiguïté de l’amazone
Aux dires de Gustave Kahn, après la révolution de 1830 s’amorce un changement : le dessinateur commence à s’intéresser à la mentalité de la femme, « non point du point de vue du ménage, mais du point de vue de l’intelligence pure et de l’intelligence littéraire » (Kahn 1907 : 813). L’auteur ajoute que le mouvement de liberté lié au Romantisme autant que la Révolution de 1830 « ont relevé le caquet féminin » (Kahn 1907 : 83). Pour Gustave Kahn, le lien entre l’évolution du féminisme dans la deuxième moitié du xixe siècle et le contexte politique et littéraire est indéniable. Le rôle de George Sand à cet égard a été de la plus haute importance. Les femmes ont fait à l’écrivain un énorme succès, non seulement pour les ouvrages qu’elle a publiées, mais « parce qu’elle revendique pour la femme le droit à l’initiative dans sa vie, et parce qu’elle porte un béret, qu’elle s’habille en homme et qu’elle est femme aussi, parce qu’elle a eu des histoires bruyantes, des histoires d’amour… » (Kahn 1907 : 84). Gustave Kahn va même jusqu’à affirmer que toute la province fut sauvée par George Sand, au moment où Balzac peupla ses romans de nouvelles femmes de lettres (Kahn 1907 : 112)25. Les disciples de la bonne dame de Nohant peuvent se classer, selon le critique, en deux catégories : les élégiaques et les violentes (Kahn 1907 : 84). Cette aspiration à la culture et à la production intellectuelle ne serait donc pas un phénomène marginal mais correspondrait à une vague de fond de la société. Gustave Kahn constate que les révoltées d’après 1830 ont un grain de ressemblance avec Mme Sand, et que les dames respectables et même collet-monté du romantisme ont participé au style des duchesses balzaciennes au parler franc et au parler net (Kahn 1907 : 51)26. Les femmes de la campagne pouvaient de leur côté avoir les traits de leurs romancières préférées que les mémoires du temps nous présentent audacieuses et fortes (Kahn 1907 : 51). Si la littérature a ouvert les portes du féminisme, la caricature, précise Kahn, n’a jamais cessé de faire entrer la femme dans le domaine politique (Kahn 1907 : 95). L’auteur conclut : « Le domaine est immense, et les femmes y ajoutent de tout leur bel effort des initiatives de tout leur féminisme » (Kahn 1907 : 95).
Toutefois, en filigrane, Kahn admet que le féminisme ne s’est pas imposé d’emblée dans la caricature, présentée bien souvent comme le miroir des compromis et même des compromissions en ce domaine. Avant la période dite caractériste, la caricature aurait certes accordé une place aux femmes qui avaient le désir ou l’habileté de se laisser diriger juste où elles voulaient aller, mais enfin, dit-il, « tout cela touche surtout soit à la beauté, soit au caractère » (Kahn 1907 : 83). Au grand regret de l’écrivain, Daumier lui-même a raillé l’émancipation féminine, à travers ses « boursicoteuses » et ses « divorceuses » (Kahn 1907 : 107-108, 111). Le bas-bleu au temps de Louis-Philippe par exemple pratiquait une littérature « qui lui donnait sur les nerfs » ? Ce bas-bleu, Léandre, entre autres, s’est plu à le croquer avec non moins de férocité (Kahn 1907 : 113, 222). En fait, les assertions de la bourgeoise de Daumier, comme celles de Gavarni, restent limitées à des revanches mesquines, à triompher de la lésinerie d’un mari par exemple ou à se jouer d’un amant afin de le ridiculiser (Kahn 1907 : 80, 155, 265). Ainsi, quand le mari se met en colère, Gavarni le fait railler de beau sang-froid : « Dieu mon ami, que je te trouve beau dans ce rôle-là » (Kahn 1907 : 152). En réalité, la femme dans un premier temps, selon les caricaturistes, se contente d’exploiter les failles d’un système qu’elle ne remet pas véritablement en question. Beaumont par exemple évoque dans l’un de ses dessins une de ces Vésuviennes, dont, nous dit Kahn, l’appellation a du être décidée dans un de ces clubs féminins de 1848 » (Kahn 1907 : 246). Il plante une oratrice vigoureuse et exaltée devant un houleux public de « bandeaux, de tresses et de chignons » : « Vous voulez me retirer la parole plus souvent », s’exclame-t-elle, « mon mari lui-même n’a jamais pu me l’ôter » (Kahn 1907 : 248). Cette ambiguïté apparaît également avec une catégorie de femme volontiers fort critiquée sous la Monarchie de Juillet : la lionne. Alors que le lion est d’essence libre et célibataire, celle-ci a un mari, lequel est agent de change ou colonel de la garde nationale. Presque toujours honnête, elle est la femme forte qui veut profiter de toutes les facilités que le vieux code qui traite la femme en vassale lui assure et lui garde, tout en conquérant des prérogatives. Son erreur fut cependant d’imposer à un mari des idées et de le charger de les faire triompher. « C’était de l’inexpérience, la femme n’impose pas ses idées à un homme et ne peut le galvaniser que dans la mesure de la force de cet homme, de là des erreurs, de là des défauts, la lionne ne dura pas » (Kahn 1907 : 90-91). Mais, si Gustave Kahn reconnaît à cet égard l’heureuse évolution de l’émancipation féminine, le bilan qu’il donne de la reconnaissance par la caricature du féminisme est beaucoup moins favorable. Certes, désormais, la caricature égratigne davantage qu’elle ne blesse (Kahn 1907 : 95). Néanmoins, elle donne souvent encore du sexe faible et de ses revendications une idée simpliste et réductrice, focalisée sur le manque de talent et un physique grotesque27. Ne voit-on pas dans les illustrations de l’ouvrage de pathétiques apprenties-artistes accompagnées de leurs mères, frapper à la porte des académies prestigieuses de peinture et de sculpture ?28 De même, un dessin de Guydo se moque d’une demi-mondaine s’adressant à son partenaire occasionnel : « Vous vous appelez Birotteau… J’ai été reçue bachelière es sciences à côté d’un Roger Birotteau, dit-il. C’était mon fils, ma chère, répond le vieux monsieur » (Kahn 1907 : 67)29. C’est en définitive un constat quelque peu désabusé que dresse Kahn sur l’ouverture d’esprit de ses amis satiristes :
Mais trouve-t-on dans l’ensemble des caricaturistes français une vision réelle du mouvement féministe qui a fortement modifié depuis quelque vingt ans la vie des femmes et même tout l’aspect de la vie universelle ? (Kahn 1907 : 429).
En fait, les propos de Gustave Kahn, quoique fondés sur de fortes convictions à connotation, ne sont pas dénués d’ambiguïté lorsqu’ils font implicitement référence à une esthétique masculine. L’auteur évoque ainsi la femme de lettres, magnifique et impérieuse, au châle vainqueur, au profil dur sous la capote de paille ornée de rubans roses et cite à cet égard les nombreux portraits de Sarah Bernhardt30.
Bien plus, l’étude de l’œuvre de Rops, l’artiste tant admiré, amène Gustave Kahn à s’inquiéter des états d’âme de la femme moderne, plus compliquée que dans l’ancien temps, partagée entre le bovarysme et le spleen baudelairien. Il relève à propos de la femme du Rops : « Elle s’ennuie, elle veut un jouet. Elle s’ennuie, d’autant plus qu’elle connaît les dépressions des paradis artificiels » (Kahn 1907 : 231). L’écrivain en l’occurrence ne cache pas ses craintes :
Cette impression de lassitude profonde et de désir inassouvi tout ensemble, ainsi que cette férocité sensuelle vis-à-vis de l’homme, qui procède des progrès du féminisme, d’une culture plus forte de la femme, d’un besoin d’indépendance qui lui crée une plus grande difficulté à parer à ses besoins de luxe qui deviennent plus aiguës et plus généraux, ce sont, dit-il, des alliances chez la femme que dessine Rops (Kahn 1907 : 220, 222).
Des corps plus soignés, plus entraînés, des âmes plus volontaires, ce sont là pour l’élite des alliances dont Rops a paré ses filles et ses bourgeoises perverses (Kahn 1907 : 225, 234). Aussi, les femmes de Rops, comme celles de Le Poittevin, sont-elles proches des damnées de Baudelaire (Kahn 1907 : 214, 219).
Gustave Kahn considère cependant que contrairement à l’auteur des Fleurs du Mal, Rops n’a pas caricaturé la mode de son temps, et c’est la raison par laquelle il a donné sur elle des renseignements précis (Kahn 1907 : 226). Il n’en reste pas moins que ce luxe, lié au désir de puissante domination de ces femmes sur les hommes, est tenu pour dangereux : il atteint en effet non seulement celles qui ne sont guère touchées par les contingences de la vie, mais aussi « la femme elle-même, le type de la femme ardente et amoureuse, mais bien plus dominatrice que sensuelle (Kahn 1907 : 234). D’où le rejet exprimé fortement par Alfred de Vigny (Kahn 1907 : 238). Kahn s’inquiète : la femme, dit-il, ne veut pas seulement dominer l’homme, elle veut en jouer, elle veut le désaccord (Kahn 1907 : 233-234). C’est l’équilibre même de la société qui est mis en péril. Se profile alors le fantôme de tous les interdits lorsqu’il décrit « les enlacements de ces femmes en chapeau et col droit dans le bois sacré moderne, le bois de Boulogne », qui entrouvrent « les terribles portes de la Sodomie » (Kahn 1907 : 238).
L’ouvrage de Gustave Kahn semble en définitive davantage l’œuvre d’un critique d’art que d’un historien proprement dit. De là un certain nombre d’ambiguïtés.
En premier lieu, caricature et féminisme sont reconnus comme naturellement incompatibles. Gustave Kahn, fermement partisan de la modernité, dresse un constat pessimiste : la caricature de la femme a toujours été misogyne. Sa fonction est en effet de dévaloriser toutes les institutions. La femme est une puissance : dès lors, il est naturel qu’elle soit la cible des caricaturistes (Kahn 1907 : 80). De surcroît, la caricature ne peut s’intéresser aux revendications féminines tournées vers l’avenir. Au plus peut-elle rendre compte des acquis de la modernité.
« La vérité », confie l’auteur,
est que la caricature, et c’est là l’infériorité de cet art, vis-à-vis des autres expressions de la pensée humaine, la caricature ne prévoit pas. […] Il n’est pas nécessaire que l’impression qu’elle donnera soit juste, il faut surtout qu’elle soit amusante, imprévue. La caricature est une épigramme. L’épigramme pour amuser doit être acérée, il n’est pas nécessaire pour qu’elle porte qu’elle porte juste (Kahn 1907 : 430).
De surcroît, la caricature a tendance à être réductrice et à privilégier l’anecdote. Gustave Kahn déplore que dans l’ensemble de la caricature française, la femme ait été longtemps occupée uniquement de toilette, de chiffons, d’amour, d’intérêt et « de son joli jeu de duperie amoureuse, à moins que vieillie, elle ne pense qu’à ses intérêts et aux égards qu’on lui doit dans le monde » (Kahn 1907 : 431). Seul, à son époque, Daumier semble s’apercevoir des mouvements féministes intellectuels, encore qu’il faille nuancer (Kahn 1907 : 431). Et Gustave Kahn de souligner que, dans la vie, il n’y a pas que des maris, des amants et du sexe (Kahn 1907 : 152).
L’auteur a cependant des doutes quant aux ressources de la caricature permettant aux satiristes de railler la femme moderne en toute sa complexité. On voit bien, dit-il, comment un dessin pourra « houspiller » une mode, ou rapporter malicieusement un jeu de la rouerie féminine, on ne voit point comment il pourrait figurer les déboires littéraires, philosophiques ou scientifiques des femmes, évaluer dans le comique l’écart entre leurs ambitions et les réalisations qu’elles peuvent obtenir (Kahn 1907 : 434). En d’autres termes, le rire « philosophique » est encore incomplet (Kahn 1907 : 434). La caricature dans son ensemble reste le reflet de la mentalité de son époque, même si on peut douter de son influence sur les mœurs (Kahn 1907 : 435, 42). Il est significatif d’ailleurs que les jugements portés par Gustave Kahn dans son ouvrage n’aient pas été dénués souvent d’une certaine complaisance envers le regard masculin tout en trahissant les peurs typiquement « fin de siècle » à l’encontre de la femme fatale, symbole de décadence.
Au bout du compte, la caricature d’art se révélerait dans l’avenir à la hauteur du féminisme lui-même : « Cet art existera peut-être, si un homme de génie lui trouve sa famille et sa transcription. Il n’existe pas encore » (Kahn 1907 : 434).