Simplicissimus de Grimmelshausen et l’héritage de la picaresque espagnole : Enjeux d’une intertextualité

Résumés

La littérature constitue un lieu privilégié de rapports esthétiques et idéologiques et de transferts culturels. Le transfert, au XVIIe siècle, du genre picaresque d’origine espagnole au domaine historique et culturel allemand l’illustre. Ce transfert se fait par étapes successives de traductions et de réécritures. L’étude de ce qui varie et de ce qui est conservé du modèle espagnol permet d’observer quels sont les enjeux pour les traducteurs et imitateurs allemands dans cette intertextualité.

Literature constitutes a privileged field for aesthetic and ideological connections and for cultural transfers. The transfer of the Spanish picaresque novel to the German cultural field during the seventeenth century is a good illustration of this. That transfer happened through successive steps of translation and re-writing. The analysis of what is constant and what varies in the Spanish model allows us to pinpoint the intertextual issues German translators and imitators had to engage in.

Plan

Texte

Parler d’intertextualité picaresque pour le récit de Grimmelshausen, Abenteuerlicher Simplicius Simplicissimus, publié en 1668 puis revu et augmenté en 1669, peut sembler un peu rapide. Aucun élément de la biographie de Grimmelshausen ne confirme qu’il ait lu des romans picaresques espagnols ; en revanche, il a pu lire des traductions allemandes de ces récits, infléchies par leurs auteurs. Grimmelshausen avait accès à des ouvrages qui ne conservent que certaines formes de l’héritage picaresque espagnol. Lors du transfert du récit picaresque espagnol au récit allemand se joue la réappropriation d’un genre par des successeurs qui appartiennent à un autre univers. L’étude de l’intertextualité chez Grimmelshausen permet d’analyser cet héritage culturel tel qu’il est sélectionné lors du passage très médiatisé de l’Espagne à l’Allemagne.

Le texte de Simplicissimus présente des données identifiables comme ayant leur source dans la picaresque espagnole, ce qui nous permet de parler d’intertextualité. La notion d’intertextualité naît dans les années 1970 dans la mouvance du structuralisme ; elle rend compte de l’observation selon laquelle le texte littéraire naît en lien avec d’autres textes qui l’ont précédé. Au sens restreint, l’intertextualité désigne la présence dans un texte littéraire de traces d’autres textes littéraires (Barthes, 1973 : 1013),1 au sens large elle fait agir des notions d’influence, d’héritage. Les textes littéraires se construisent à travers l’inspiration et l’imitation d’autres textes reconnaissables par les lecteurs (Riffaterre, 1980 : 4).2 Il est intéressant d’observer comment cette pratique s’applique dans le cas de l’imitation d’un modèle qui véhicule une culture nationale forte par des imitateurs qui appartiennent à un autre univers culturel. La réécriture et ses variations impliquent des enjeux idéologiques, esthétiques, qui touchent aux techniques de narration et à la représentation d’une vision du monde contemporain de l’auteur. Au-delà d’une étude diachronique téléologique qui voudrait conclure en termes d’avancée ou de recul de l’influence du genre, notre but est d’observer ce que les auteurs successifs qui s’inspirent des caractéristiques du picaresque conservent de cet ensemble complexe, pour proposer une vision des évolutions de la culture et des mentalités en lien avec les conditions historiques et sociales de l’époque.

Pour analyser ce qui demeure chez Grimmelshausen de l’héritage picaresque, il nous faut partir de l’original espagnol, tenter de proposer une typologie des caractéristiques thématiques et structurelles des textes fondateurs du genre. Nous observerons ensuite à travers deux exemples les types d’infléchissements majeurs que pratiquent les auteurs allemands lorsqu’ils traduisent ou transposent ces récits qui sont de nature idéologique et morale. Une fois ces caractéristiques définies, nous verrons ce que retient Grimmelshausen de cet héritage médiatisé du récit picaresque espagnol, et dans quelle mesure nous pouvons parler d’intertextualité. Enfin nous observerons que Grimmelshausen, en se dégageant des objectifs que poursuivent les traducteurs allemands, revient à une utilisation plus esthétique qu’idéologique de l’héritage espagnol, qui semble renouer avec la tonalité satirique et critique du récit picaresque.

1. L’original espagnol : quelques éléments de forme et de sens

1.1. Terme et univers picaresques

Le terme castillan de pícaro apparaît dans le premier tiers du XVIe siècle et viendrait du nom picaño, ou du verbe picar signifiant picorer, piquer, peut-être par référence aux mendiants picards (Molho, 1968 : xii-xiii) ; le personnage du pícaro incarne l’antithèse de l’honneur et de l’héroïsme.

La catégorie littéraire du picaresque date du milieu du XIXe siècle mais, dès la fin du XVIe siècle, public et auteurs ont conscience de l’existence du genre (Joly, 1993 : 515).3 Le récit picaresque se définit de façon minimale par sa forme et par son objet, c’est l’autobiographie fictive d’un gueux, sous forme d’itinéraire, qui met en scène le bas social et moral.

Le genre picaresque est tributaire de son univers d’origine. Selon Didier Souiller(1980 : 5-17), sa naissance est soumise aux influences culturelles et sociales propres à l’Espagne du XVIe siècle. Le pays est en situation de crise économique, l’économie est basée sur l’or des Amériques, il n’y a pas de classe bourgeoise dominante, pas d’industrialisation, et en situation de crise sociale, la société est tout entière soumise à des préjugés identitaires qui définissent la valeur par l’hérédité (le préjugé de sang) et par l’exclusion de l’hétérogène (héritage théologico-politique de la reconquista, le rejet des conversos et des morisques, juifs et musulmans convertis au catholicisme). Une obsession se développe autour de l’honneur, le noble est érigé en modèle universel, le travail est dévalorisé et, avec la crise économique, le nombre de marginaux et mendiants augmente et nourrit l’angoisse sociale, inspirant la création de cette figure littéraire qui prend le nom de pícaro. Le genre picaresque s’érige en un contre-modèle satirique qui s’oppose aux mentalités dominantes et propose une vision critique et satirique de la société. La critique reconnaît deux modèles majeurs et définitoires du genre : le Lazarillo de Tormes, anonyme, et le Guzmán de Alfarache de Mateo Alemán.

1.2. Premier archétype du picaresque : le Lazarillo de Tormes

La Vida de Lazarillo de Tormes y de sus fortunas y adversidades paraît en 1554 à Burgos, Alcala et Anvers ; il s’agit probablement de la réédition d’une édition antérieure perdue. L’ouvrage connaît un grand succès, il est rapidement traduit (dès 1560 en France (Lambert, 1979 : 508)) et continué : une seconde partie anonyme paraît à Anvers en 1555, Juan de Luna, en 1620, publie une seconde partie concurrente. En 1559 l’ouvrage est mis à l’Index par l’Inquisition à cause de ses critiques anticléricales ; une réédition expurgée paraît en 1573.

Le récit se présente sous la forme d’une autobiographie fictive. Le prologue s’ouvre sur le pronom sujet, la prise de parole est assumée par un je emphatique, qui s’affirme sur un ton ironique en vantant le mystérieux objet de son livre : « Yo por bien tengo que cosas tan señaladas, y por ventura nunca oídas ni vistas, vengan a noticia de muchos y no se entierren en la sepultura de olvido, pues podría ser que alguno que las lea halle algo que le agrade »4 (1994 : 84). Le narrateur justifie son projet de raconter sa propre vie par le plaisir que ce récit peut produire. Jouant avec l’argumentaire horatien topique de l’utilité, il revendique une dimension bouffonne.

L’unité structurelle se joue à travers le personnage de Lazarillo : sa quête d’un maître est le but qui relie une série d’épisodes indépendants. Le récit a une cohérence thématique, il est émaillé de symboles (le choc brutal contre la pierre, par lequel Lazare découvre la dureté du monde et qu’il fait subir en retour à son premier maître, le vin source de vie), et propose une vision de la société organisée autour des figures du mendiant, du noble et du prêtre.

Combinant deux points de vue (celui du personnage âgé qui raconte et juge sa jeunesse et celui du jeune gueux), la narration rétrospective oriente le sens du récit en direction d’une critique systématique de l’honneur et des préjugés qui lui sont adjoints. Cette structure narrative implique de la part du narrateur une dynamique de persuasion, qui rend sa fiabilité sujette à caution. Cela appert dans le dernier épisode : Lazare marié refuse qu’on suspecte sa femme d’accorder ses faveurs à un archiprêtre, et préfère ignorer la vérité par souci de tranquillité d’esprit. Le récit se clôt sur un renvoi ironique aux mœurs de la société (1994 : 226).5

L’auteur adopte le ton de la dénonciation critique, parodie le roman idéaliste et héroïque en proposant comme protagoniste un antihéros, non noble, immoral, soumis à la nécessité et contraint d’agir par astuce et par ruse. La critique se porte aussi contre la société, dont le texte démontre par l’exemple l’injustice et l’immoralité. Les maîtres successifs de Lazarillo fournissent un catalogue de fourberies : le premier est un mendiant aveugle qui abuse de la charité des gens, le deuxième un prêtre qui l’affame, le troisième un hidalgo pitoyable, crève-la-faim, qui doit pour sauver son honneur garder l’apparence de la richesse. Le quatrième est un moine dont est suggérée la pédophilie, le cinquième un vendeur de bulles qui exploite l’ignorance du peuple. Les exemples se succèdent, le neuvième illustre l’immoralité du haut clergé, l’archiprêtre de San Salvador qui fait épouser sa maîtresse par Lazare. Lazare illustre un point de vue contraire à celui de la morale commune, divertissant et critique.

1.3. Second archétype du picaresque : le Guzmán de Alfarache

La Primera parte de Guzmán de Alfarache paraît en 1599 à Madrid chez Várez de Castro. En 1604 paraît la Segunda parte de La Vida de Guzmán de Alfarache atalaya de la vida humana. Mateo Alemán donne sa forme définitive au genre(Souiller, 1980 : 29) en complétant l’itinéraire réel du pícaro à travers le monde d’un itinéraire spirituel axé sur la conversion morale. La narration rétrospective acquiert un supplément de sens avec la mise en jeu d’une problématique de la responsabilité humaine, et l’autobiographie justifie le projet religieux.

Le récit se présente comme une autobiographie fictive, la cohérence interne se jouant autour du personnage. Guzmán a une origine infâmante : son père est un commerçant génois d’origine juive, sa mère une femme entretenue. Guzmán n’est pas noble, son nom est inventé par sa mère et renvoie au lieu de sa conception. A la mort de son père, Guzmán part tenter sa chance dans le monde. Son itinéraire géographique est émaillé de rencontres, son existence se caractérise par une alternance régulière et involontaire d’avancées sociales et de reculs qui le font retomber dans la gueuserie, jusqu’à sa situation finale de galérien. Contraint de ruser pour se nourrir, il devient pícaro malgré lui. En Italie, un de ses parents refuse de le reconnaître, et il entre dans une compagnie de voleurs. Un cardinal lui sert de bienfaiteur, mais il meurt. Dans le premier chapitre de la seconde partie, le narrateur revendique une exemplarité morale : « Digo – si quieres oírlo – que aquesta confesión general que hago, este alarde público que de mis cosas te represento, no es para que me imites a mí; antes para que, sabidas, corrijas las tuyas en ti »6 (Alemán, 2005 : 42). Guzmán est ensuite volé, revient en Espagne, se marie, devient marchand. Il est veuf, se remarie, redevient voleur, est mis aux galères, où semble se jouer la conversion morale (Cavillac, 2007 : 69). Dans le dernier chapitre, il fait échouer une mutinerie, et attend sa libération. Guzmán a accompli une conversion spirituelle qui doit justifier l’existence du texte ; le terme d’atalaya désigne celui qui regarde le monde depuis une tour de vigie (Cavillac, 2007 : 39-65), or ce regard d’en haut est autant au service de la visée satirique que de la visée théologique.

Les thèmes de la généalogie déshonorante, du déterminisme, la structure de l’itinéraire, le narrateur ambigu et ironique évoquent le Lazarillo, mais des éléments sont nouveaux : l’alternance de situations sociales opposées, le redoublement de l’itinéraire géographique et social par l’itinéraire spirituel. Le narrateur revendique l’intention édifiante de guider le lecteur vers une conduite morale. La part satirique demeure mais elle est liée à la perspective religieuse. La vision du monde que véhicule le Guzmán affirme une plus grande liberté humaine, et en même temps, avec l’écroulement des valeurs morales, une anthropologie plus pessimiste que celle du Lazarillo. Chez Alemán, la nécessité de dénoncer les apparences amène à la conclusion théologique que retiendront les traducteurs allemands.

2. Les traductions allemandes de Lazarillo et du Guzmán

2.1. Du cadre historique de l’Espagne à celui de l’Allemagne

Les premières traductions publiées datent de 1615 pour le Guzmán et de 1617 pour le Lazarillo. Les conditions historiques ont une importance majeure : c’est l’application d’un modèle de lecture et de dénonciation du monde à un autre objet qui constitue l’enjeu de la nationalisation du modèle espagnol, l’application du regard picaresque critique par un nouvel auteur à un univers national différent.

Au début du XVIIe siècle, l’Allemagne est multi-territoriale et multiconfessionnelle. Les Etats souverains particuliers, nés durant le Haut Moyen-Age, sont en concurrence avec la formation de l’Etat moderne monarchique qui répond à la montée des absolutismes en Europe. Trois confessions rivales coexistent sur le territoire, la confession catholique héritière des réformes tridentines, la confession luthérienne et la confession calviniste. L’empire survit comme association politique supranationale, rendue vide par son pluralisme structurel de fait et de droit, puisque la Convention d’Augsbourg signée en 1555 confirme le statut religieux né de la Réforme et des guerres. Luthériens et catholiques ont la liberté de conscience et de culte, avec la limite territoriale qu’impose le principe du cujus regio, ejus religio, principe politique qui confère au souverain d’un Etat le droit d’imposer sa religion à son peuple (Livet, 1983 : 9). Cette situation donne lieu à une longue crise européenne, la guerre de Trente Ans.

Le récit picaresque est une forme souple ; à partir du récit linéaire d’une vie qui s’interroge sur le sens d’un itinéraire, il peut accueillir différentes narrations. Les traductions allemandes réalisent une inflexion vers la problématique religieuse, qui n’est qu’une exploitation possible des formes d’évolution du genre.

2.2. Lazarillo

Nikolaus Ulenhart publie le Lazarillo à Augsbourg chez Andrea Aperger en 1617, avec la traduction d’une nouvelle de Cervantès « Rinconete y Cortadillo » sous le titre :

Zwo kurtzweilige lustige und lächerliche Historien. Die Erste von Lazarillo de Tormes einem Spanier was für Herkommens er gewesen wo und was für abenthewrliche Possens er in seinen Herrendiensten getriben wie es je auch darbey biß er geheyrat ergangen und wie er letztlich zu etlichen Teutschen in Kundschafft gerathen. Auß Spanischer Sprach ins Teutsche gantz trewlich transferirt. Die ander von Isaae Winckelfelder und Jobst von der Schneid…(titre).7

Cette traduction est réalisée d’après le Lazarillo castigado de 1573.8 Une première traduction faite en 1614 sur la version de 1554 n’a pas été publiée. Ulenhart moralise le concept d’origine : Lazare meurt ermite, repentant et amendé. La part satirique sert l’optique religieuse, la société n’est qu’un modèle de l’instabilité de l’univers, que seul l’adieu au monde permet de dépasser : le canevas du Lazarillo a été remodelé sur l’exemple du Guzmán.

La critique anticléricale est amoindrie : l’archiprêtre avec qui Lazarillo partage sa femme devient un noble, et la critique ironique indirecte contre la société est supprimée ; Lazarillo a réussi par zèle à obtenir une charge royale. Le texte propose une inscription homogène du marginal dans la société, et détruit la mise en perspective de l’autobiographie espagnole, centrée sur le gueux, et le déterminisme social et héréditaire.9

2.3. Le Gusman d’Albertinus

Aegidius Albertinus publie une traduction du Guzmán à Munich en 1615. Il réduit le style et les dimensions du texte, et infléchit le schéma alémanien encore facétieux et critique en direction d’une démonstration contre-réformatrice. Le titre annonce la traduction et la transformation, ainsi que l’héritage espagnol :

Der Landtstörtzer: Gusman von Alfarche oder Picaro genannt / dessen wunderbarliches, abentheuerlichs und possierlichs Leben / was gestallt er schier alle ort der Welt durchloffen / allerhand Ständt / Dienst und Aembter versucht / vil guts und böses begangen und außgestanden / jetzt reich / bald arm / und widerumb reich und gar elendig worden / doch letztlichen sich bekehrt hat / hierhin beschriben wirdt. Durch ÆGIDIUM ALBERTINUM, Fürstl: Durchl: in Bayern Secretarium, theils auß dem Spanischen verteutscht / theils gemehrt und gebessert (titre) (Albertinus, 1975 : 1)10

Le péritexte (dédicace et Vorrede11) axe le texte sur un discours sermonnaire : sont mises en exergue la conscience de la mort, la fragilité de la condition humaine, la difficulté du trajet vers la vertu, l’absence de valeur de la position sociale, l’inconstance de l’existence. Face à ce constat angoissant, l’exemplarité de Gusman prouve qu’il est possible de s’amender.

La première partie du texte suit une structure biographique conforme à ce que nous avons observé chez les auteurs espagnols : le premier chapitre traduit assez fidèlement Alemán, utilisant le même ton et les mêmes arguments. Dès le quatrième chapitre, le récit est interrompu par des considérations dogmatiques sur le malheur et le bonheur des hommes. Des éléments structurels sont conservés de la trame espagnole : le séjour en Italie, la rencontre du cardinal et de l’ambassadeur français, mais l’interprétation qui en est faite est morale : le narrateur rétrospectif condamne systématiquement sa pratique ancienne. Progressivement, le récit est monopolisé par des discurs édifiants.12 La seconde partie consiste en une allégorie du pécheur purifié, Gusman est galérien, un ermite le met sur la voie de la rédemption, donnant lieu à un exposé des décrets tridentins sous la forme d’un dialogue artificiel et autoritaire.

Le récit d’aventure disparaît face au commentaire, Albertinus change la structure du Guzmán, il utilise la première partie d’Alemán et la fausse continuation de Juan Martí, il abandonne le principe moteur du genre picaresque qu’est l’autobiographie fictive. Gusman n’est plus le héros, le personnage central est le prêtre. Le récit facétieux conservé chez Alemán devient exposé scolastique, dans une intention missionnaire activiste qui désigne de la part d’Albertinus un attachement sans réserve aux définitions tridentines. Dépassant la problématique de formation du Guzmán, Albertinus se situe dans un point extrême de la confessionnalisation inaugurée par Alemán, aboutissant à une impasse esthétique. Albertinus a introduit le picaresque en Allemagne, l’adaptation de la source espagnole à l’univers allemand se joue à travers la traduction, la localisation dans le territoire et un changement de fonction des structures d’origine, avec la mise en exergue de la prédication, qui n’avait pas lieu d’être dans l’univers confessionnel homogène de l’Espagne.

3. Structure et forme du Simplicissimus

3.1. Présentation du Simplicissimus

Issu d’une famille probablement luthérienne (Hanschmidt, 2006 : 12-13), Hans Jakob Christoffel Von Grimmelshausen13 serait né en 1622 à Gelnhausen, qu’il fuit pour Hanau en septembre 1634. En février 1635, il serait pris par des troupes hessoises. En 1648, après avoir été soldat, il est secrétaire pour le colonel Burckhard von Elter (Tatlock, 1993 : 165). Marié à une catholique en 1649, sans doute converti avant, il s’installe à Geisbach. En 1666 il tient une auberge, est nommé maire de Renchen en 1667 ; il meurt en 1676. Son ouvrage Abentheurliche Simplicissimus Teutsch paraît à Nüremberg chez Felsecker en 1668. L’ouvrage est réagencé en 1669 et allongé d’une continuatio qui prend la forme d’une robinsonnade. Le titre annonce un récit centré sur la vie d’un voyageur pauvre, qui désigne le personnage du picaro, et le thème de l’abandon du monde fait sens vers la conversion albertinienne :

Das ist: Die beschreibung des Lebens eines seltsamen Vaganten / genant Melchior Sternfels von Fuchsaim / wo und welcher gestalt er nemlich in diese Welt kommen / was er darinn geleben / gelernet / erfahren und ausgestanden / auch warum er solche wieder freiwillig quittirt. Überauß lustig / und männiglich Nutzlich zu lesen (titre) (Grimmelshausen, 1956 : 7)14

Les événements du récit se déroulent pendant la guerre de Trente Ans, qui débute en 1618 et se clôt avec la signature des traités de Westphalie en 1648. L’Allemagne est une mosaïque politique et religieuse (Livet, 1983 : 7-19), le morcellement territorial donne lieu à des conflits de souverainetés, le pouvoir impérial se dégrade, les problématiques religieuses se doublent de problématiques territoriales. Le cadre dans lequel se déroule le récit de Grimmelshausen est susceptible de laisser encore une large place à la question religieuse.

3.2. Structure : une autobiographie rétrospective orientée vers une conversion

Le premier chapitre instaure la structure de la narration rétrospective dans le cadre de l’autobiographie fictive et la thématique de l’origine infâmante qui caractérisent le récit picaresque. S’y ajoute une condamnation satirique et ironique de la société. La narration impose un ton partial et ironique, au service d’une exploration critique du monde.

Comme le récit picaresque, la structure du récit est déambulatoire : le lecteur suit le trajet du narrateur de l’enfance à l’âge adulte, marqué par des expériences symboliques et traumatiques (qui rappellent la découverte douloureuse du monde par Lazarillo) liées au cadre historique, et l’apprentissage par l’expérience à travers une succession de maîtres ou de mentors dans sa jeunesse. Simplicius, enfant totalement ignorant, survit à l’attaque de son village par des soldats, s’enfuit dans la forêt et rencontre un ermite qui le forme selon les principes catholiques. Simplicius devient page pour le gouverneur d’Hanau, qui tente de le rendre fou pour en faire son bouffon, des Croates le capturent. Commence alors pour le jeune homme une longue errance dans le théâtre de la guerre de Trente Ans, marquée par des alternances de périodes fastes et misérables. Des éléments merveilleux interviennent, les personnages se font allégories du bien ou du mal, l’existence de Simplicius devient elle-même lisible comme une allégorie, lorsque ruiné et contraint d’aller en France (Grimmelshausen, 1956 : 236-250), il connaît grâce à sa beauté des succès qui pourraient le rendre riche, mais est défiguré par la petite vérole. Cette punition immanente ne suffit pas ; Simplicius de retour en Allemagne manque se noyer, jure de se convertir et oublie presque aussitôt son vœu. Il balance sans cesse entre le désir de se convertir et l’attrait des biens terrestres. Le narrateur rétrospectif intervient souvent, lors de commentaires moralisants à portée didactique qui instaurent une perspective de déchéance et de rédemption. Simplicius, affolé par un esprit malin, se convertit une première fois (Grimmelshausen, 1956 : 300-301) sans effet durable, et repart en guerre. Il se marie, retrouve son père de qui il apprend sa véritable origine, découvre le monde des ondins et parcourt le monde entier, avant de revenir en Allemagne où il décide, après avoir lu les écrits de Guevara, de quitter le monde, avertissant que la suite dira s’il s’y est tenu. La continuatio s’ouvre sur l’échec de son entreprise érémitique, une série d’aventures a lieu et Simplicius devient ermite sur une île exotique.

L’intertextualité avec Albertinus s’observe à travers l’imitation de passages (Weydt, 1968 : 60) et la reproduction du nombre de mentors spirituels et de rappels de la nécessité de la conversion (Jacobs, 1983 : 49).

3.3. Dimension ironique, critique

Des thèmes et des structures du récit picaresque sont présents : la structure narrative déambulatoire, biographique et eschatologique, le ton satirique. D’autres éléments tendent à exclure la qualification du texte comme picaresque au sens strict, le héros est noble, même si cette situation ne modifie pas son itinéraire, la matrice eschatologique est utilisée mais ne constitue pas la fin du texte, le jeu observable entre le pôle religieux et moral et le pôle des aventures est conservé jusqu’à la fin.

Du même coup, la signification du texte ne se réduit pas à la perspective morale. La dimension satirique demeure, la critique porte sur l’écart entre l’image que la société se donne d’elle-même et la vérité du monde. Simplicius développe le thème de l’universelle tromperie ; l’intention du texte est peut-être de développer une morale pratique, l’écriture satirique exploitant le thème de la manipulation pour nous apprendre à nous en prémunir, alors qu’Albertinus prescrivait la rupture avec le monde et l’abandon en Dieu. Grimmelshausen utilise la forme héritée d’Albertinus et l’exploite librement, donnant lieu à ce que nous pourrions nommer a posteriori un renouvellement de la picaresque.

4. Enjeux d’une réappropriation de l’héritage picaresque

4.1. Nationalisation et renouvellement du picaresque

Plus qu’ils ne l’ont traduit, les auteurs ont adapté l’intertexte picaresque aux conditions historiques, sociales et religieuses de l’Allemagne du XVIIe siècle. Albertinus adopte une posture prosélyte qui désigne l’importance de l’enjeu religieux dans la société allemande. Grimmelshausen conserve l’orientation vers la conversion, mais il ajoute une critique sociale et politique consécutive au cadre guerrier, et surtout son récit reste comique, ce que n’était plus le récit d’Albertinus. Le picaresque a été utilisé comme une forme libre, infléchie au service d’une conviction et d’une idéologie.

Grimmelshausen conserve la matrice narrative et eschatologique qu’il hérite des traductions du Lazarillo et du Guzmán, et propose une vision du monde plus noire, un univers moins fixe, soumis à la fantasmagorie, qui représente peut-être l’incapacité de la pensée à rendre compte de la totalité du monde, sans pour autant que l’abandon en Dieu soit une solution parfaite. Dans le Simplicissimus, la liberté humaine s’exerce de façon ambiguë, la foi ne permet pas de dépasser la crise que traverse l’univers politique et social. Grimmelshausen représente par cette vision désespérée une conséquence de la guerre de Trente Ans. Le politique est remis en cause, l’immoralité est constante et manifeste, mais une forme de plaisir demeure dans la peinture satirique.

Un retour au comique, à la part satirique prégnante dans les textes espagnols s’observe, sans pour autant qu’il s’agisse d’intertextualité, Grimmelshausen n’ayant pas lu ces textes, mais plutôt d’une convergence des mentalités, que nous pouvons seulement observer.

4.2 Appropriation : retour à la dimension esthétique

Grimmelshausen partage le souci spirituel d’Albertinus, mais son texte ne se réduit pas au souci d’édification. En assurant le retour du rire, il reconquiert l’élément littéraire. La réutilisation du comique en conflit avec l’héritage d’Albertinus est ce que Grimmelshausen apporte en propre à l’intertextualité picaresque allemande dont il est l’héritier.

Dans le chapitre premier de la Continuatio, Grimmelshausen se livre à un plaidoyer pro domo, où il répond aux accusations portées contre son livre de n’être qu’un livre amusant. Il reconnaît l’urgence eschatologique, mais explique que l’écriture théologique dégoûte le lecteur (Grimmelshausen, 1959 : 370).15 Grimmelshausen met le rire au service du salut, l’écriture satirique ne servirait qu’à éveiller l’intérêt du lectorat. Mais à la lecture, cet argumentaire ne tient pas, le comique est omniprésent, rire et sérieux sont constamment imbriqués. Contrairement à cette revendication, qui correspond à la pratique d’Albertinus qui soumet l’aventure à la doctrine jusqu’à faire disparaître la part narrative, la réalisation esthétique conserve le rire sans l’assujettir au sérieux. La valeur de l’écrit n’est plus seulement dans cette doctrine théologique revendiquée. La satire la plus brillante est portée contre les travers de la société et de la politique. Par comparaison, la part accordée à la confession du héros est bien pauvre sur le plan rhétorique.

Grimmelshausen ne réalise pas un discours purement didactique visant à convaincre le lecteur de la nécessité de se convertir au catholicisme. La vision s’impose d’un christianisme qui aspire à se libérer de l’opposition confessionnelle, pour mieux accéder à une spiritualité dont les principes sont délivrés par l’ermite à Simplicius, et que celui-ci doit suivre au cours de son existence (ce qu’il ne réalisera que sur l’île) : se connaître soi-même (en tant que créature de Dieu), éviter la mauvaise compagnie, rester constant (Grimmelshausen, 1959 : 31).

L’utilisation de la figure du narrateur bouffon permet à Grimmelshausen de constamment faire jouer la représentation dans une dimension ironique et critique. La figure du pícaro est porteuse de fiction, elle associe une expertise morale et une faculté de création infinie qui est figuration de l’auctorialité. Dans la répétition de ses rechutes, dans l’issue constamment reportée de la conversion s’ouvrent de nouveaux espaces où se développe la fiction. Un hermétisme et une revendication de dépassement du sens littéral demeurent dans cette opposition entre la vocation moraliste de Simplicius et ses actes immoraux.

L’intertextualité picaresque chez Grimmelshausen est médiatisée par les traductions allemandes. Il y puise la structure de l’autobiographie fictive, la narration rétrospective, un itinéraire géographique, social et spirituel. Il y trouve des thèmes, l’origine infâme, la bassesse sociale et morale, la satire. L’intention théologique reste présente, mais Grimmelshausen n’en fait pas la fin unique de son texte, ses objectifs sont didactiques mais aussi esthétiques. L’intertextualité est nationalisation et réinterprétation ; chez Grimmelshausen elle sert à diffuser une critique de la société allemande, une représentation à la fois esthétique et éthique des erreurs de l’homme qui participe de ce que l’on a appelé plus tard la mentalité baroque.

Bibliographie

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Notes

1 « Tout texte est un intertexte ; d'autres textes sont présents en lui, à des niveaux variables, sous des formes plus ou moins reconnaissables : les textes de la culture antérieure, ceux de la culture environnante ; tout texte est un tissu nouveau de citations révolues. » Retour au texte

2 « L’intertexte est la perception, par le lecteur, de rapports entre une œuvre et d'autres qui l’ont précédée ou suivie. » Retour au texte

3 « des témoignages précoces qui attestent que c’est bien comme genre que la picaresque fut appréhendée par certains de ses premiers récepteurs. » Retour au texte

4 « Pour moi, je trouve bon que des choses si remarquables, et qui par aventure n’ont jamais été lues ou entendues, viennent à la connaissance d’un large public et qu’elles ne s’ensevelissent pas au tombeau de l’oubli, parce qu’il serait peut-être possible que quelqu’un qui les lit y trouve quelque chose à son goût » (les traductions sont de nous). Retour au texte

5 « yo juraré sobre la hostia consagrada que es tan buena mujer como vive dentro de las puertas de Toledo, y quien otra cosa me dijere, yo me mataré con él. » « moi, je jurerai sur l’hostie consacrée qu’elle est aussi bonne femme que celles qui vivent entre les murs de Tolède, et celui qui me dira le contraire, je me battrai à mort contre lui. » Retour au texte

6 « Je dis – si tu veux l’entendre – que cette confession générale que je fais, cet étalage de mes actes que je te donne à voir, ce n’est pas pour que tu m’imites, mais plutôt pour que, conscient de cela, tu corriges tes propres actions.  Retour au texte

7 Deux histoires divertissantes, amusantes et ridicules. La première d’un Espagnol Lazarillo de Tormes, ce que fut son origine, où et quel genre d’aventures bouffonnes il vécut au service de ses maîtres, ce qui est advenu jusqu’à ce qu’il se marie et comment il est finalement entré dans la clientèle de quelques Allemands. Transposé très fidèlement de la langue espagnole à l’allemande. La seconde d’Isaac Winckelfelder und Jobst von der Schneid… Retour au texte

8 Version espagnole moralisée après la mise à l’Index de 1559. Retour au texte

9 En 1653 Paulus Küefuß traduit la continuation de Juan de Luna de 1620, il amoindrit aussi la critique anticléricale. Retour au texte

10 « Le vagabond, ou Picaro, Gusman d’Alfarche, dont sont racontés ici la vie merveilleuse, aventureuse et facétieuse, la manière dont il a traversé tous les endroits du monde, dont il a expérimenté tous les états, services et fonctions, dont il a vécu et supporté beaucoup de bien et de mal, dont il est à présent devenu riche, bientôt pauvre, puis à nouveau riche et complètement ruiné, mais s’est finalement converti. Par Aegidius Albertinus, secrétaire de son Altesse princière de Bavière, en partie traduit de l’espagnol, en partie augmenté et amélioré. » Retour au texte

11 Prologue. Retour au texte

12 Le terme Discurs latin est utilisé dès lors que le propos est organisé et démonstratif. Ce terme intervient lorsque Gusman tient un discours construit au cardinal qui l’a recueilli (Albertinus, 1975 : 170-178, chapitre XXII « Gusman redet von der Ignoranz ») et lors des prises de parole de l’ermite dans la deuxième partie (277 chapitre XXXIV « Discurs von der wahren Weißheit und von den weltlichen Fürsichtigkeit / deßgleichen von ihrer Thorheit » ; 307 chapitre XXXVIII « Discurs von der Ignoranz der Welt »). Retour au texte

13 L’identité réelle de l’auteur du Simplicissimus n’a été découverte qu’en 1837. Retour au texte

14 « C’est : description de la vie d’un surprenant vagabond, nommé Melchior Sternfels von Fuchsaim, où et sous quelle forme il est entré dans le monde, ce qu’il y a vécu, étudié, appris et subi, et pourquoi il l’a à nouveau volontairement quitté. Extrêmement amusant et diversement utile. » Retour au texte

15 Il utilise cette fois l’argumentaire que Charles Sorel place dans son « Advertissement d’importance au lecteur » en préambule à L’Histoire comique de Francion de 1623. Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Mathilde Aubague, « Simplicissimus de Grimmelshausen et l’héritage de la picaresque espagnole : Enjeux d’une intertextualité », Textes et contextes [En ligne], 10 | 2015, publié le 20 novembre 2017 et consulté le 19 avril 2024. Droits d'auteur : Licence CC BY 4.0. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/textesetcontextes/index.php?id=1073

Auteur

Mathilde Aubague

Docteur ès Littératures comparées, CPTC EA 4178, Université de Bourgogne/ UFR Lettres et Philosophie, 2 boulevard Gabriel 21000 Dijon

Droits d'auteur

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