Éditeur et éditrice invités : Laurent Visier, Geneviève Zoïa (Université de Montpellier)
Argumentaire
Ce numéro est consacré aux relations entre nourritures et soins, envisagées sous l’angle des sciences humaines et sociales (histoire, anthropologie, sociologie, sciences politiques notamment) ainsi que de l’art et de la littérature. La notion de soin est ici à considérer dans son acception large qui va du “faire attention” (care) jusqu’à une perspective strictement sanitaire, du physiologique au social et au politique.
Si nourrir et soigner sont deux activités humaines qui ont toujours partie liée, la période dite de l’anthropocène invite à reconsidérer leurs relations, aujourd’hui comme hier. La dimension relationnelle peut être construite sur la reconnaissance de nos vulnérabilités et de leur interdépendance avec d’autres vivants, humains ou non-humains : penser ces dépendances n’est pas moins penser l’humain, le social, le politique et les formes de solidarité et de justice.
Issues de la nature et de la terre, l’alimentation engage des modes d’interprétation et de division des rapports entre humains et nature. Mais la définition du rapport au vivant ne se fait pas sans conflictualités : la production des nourritures est toujours articulée à la définition de valeur, de risque et de définition de la répartition des biens et de la justice.
Quatre axes sont proposés ici qui constituent autant de tensions. Les propositions pourront se situer précisément dans un des axes ou croiser les thématiques.
1/ La production de normes : savoirs médicaux, modèles culturels d’alimentation et industrie agro-alimentaire
La nutrition s’est constituée en spécialité médicale qui au nom de la physiologie humaine édicte des règles du bien manger. Celles-ci se traduisent en modèles alimentaires évolutifs, toujours adossés à des habitudes culturelles régionales et nationales, elles-mêmes en évolution. Mais les mouvements de mondialisation des filières agricoles et de constitution de l’industrie agroalimentaire ont conduit à une forte activité productive de normes alimentaires, allant de la composition des nourritures aux formes d’alimentation.
De la création du restaurant à la livraison de repas à domicile, du courant de l’alimentation rationnelle du début du 19ème siècle au plan national nutrition santé (PNNS) et au nutri-score, la production de normes alimentaires doit être entendue dans son sens le plus large incluant acteurs, lieux, modes et contenus de l’alimentation.
2/ Assujettissement de la nature et bien des populations
Le monde occidental entretient depuis longtemps des rapports de possession, de maîtrise et d’assujettissement avec la nature. Les relations de l’être humain avec son milieu se définissent d’après un modèle où l’humain est placé au centre d’un monde dont il dispose et sur lequel il exerce une souveraineté. C’est à partir de cette place qu’il a défini le bien des populations, comme celui de les nourrir. Cependant, si au lieu de considérer la nature comme un concept métaphysique ou une ressource à exploiter, les humains se pensent comme faisant partie intégrante d’un monde naturel, en continuité avec leur environnement social, il faut alors inventer d’autres formes de soin et de gestes relationnels incluant des acteurs minorés, pensés comme “naturels”, humains et non humains.
3/ Entre production de santé et protection de l’environnement
Les préoccupations humaines de la santé du corps d’une part et de la terre d’autre part peuvent être associées sans nécessairement converger. Quoi, avec qui, comment… manger est-il bon ? Les activités d’arbitrage entre des injonctions souvent contradictoires traduisent les valeurs d’une société aussi bien que des rapports de force. On s’intéressera particulièrement à des aliments emblématiques comme la viande, à des modes de production comme le bio, ou encore à des modes d’organisation comme celui des cuisines centrales, pour mettre au jour les tensions et contradictions d’une alimentation considérée comme “de qualité”.
4/ Nourrir en institution : soigner les corps et soigner les relations
Les institutions charrient une image négative de l’alimentation, au point que le repas de l’hospitalisé comme celui de l’élève à la cantine scolaire sont le symbole même d’une piètre qualité gustative. Comment les institutions prennent-elles soin de leurs pensionnaires ? Alors que les sciences sociales ont montré l’importance du repas comme acte intégrateur de la vie sociale, les institutions semblent se désintéresser de la question des nourritures d’ailleurs le plus souvent externalisée. Ainsi on s’intéressera à la manière dont les institutions spécialisées articulent le soin des corps (l’hôpital) ou celui des esprits (l’école) à l’activité nourricière.
La revue Soin, Sens et Santé – An International Journal of the Health Humanities est la première revue française d’humanités médicales et en santé. Elle publie, en français et en anglais, des textes scientifiques de recherche originaux, dans une approche uni ou pluridisciplinaire. Les articles sont évalués selon un processus anonymisé d’évaluation par les pairs.
Procédure et calendrier
Les propositions d’article (comprenant un titre et un résumé de 300 mots maximum ainsi que 5 mots-clés) sont à envoyer en français ou en anglais avant le 1er juillet 2024 à l’adresse : revue3s@gmail.com
Les auteur·ices seront notifié·es de l’acceptation de leur proposition dans un délai d’un mois. Les articles sont attendus pour le 31 octobre 2024.
Les manuscrits des propositions acceptées devront :
- être originaux, ne pas être en cours de soumission pour une autre publication ;
- être écrits en français ou en anglais ;
- ne pas dépasser 50 000 signes (espaces, notes de bas de page et bibliographie comprises).