Le centenaire de clubs de football petits ou grands est célébré par des albums commémoratifs de qualité inégale. Le livre publié à l’occasion des cent ans de la Jeunesse sportive meauzacaise (JSM) transmis par Alain Daziron, l’infatigable organisateur des Journées de Larrazet1, est à ranger dans la première division de ce type d’ouvrage. Livre source par la richesse de son information, la publication de nombreux documents puisés dans les archives du club, du département du Tarn-et-Garonne ou de fonds privés, cet album est aussi une porte ouverte invitant à revisiter depuis Meauzac l’histoire du sport et du football dans la France des terroirs. En revenant année après année sur l’histoire de la JSM, principal club sportif d’un petit bourg rural du Tarn-et-Garonne, dont l’un des plus gros employeurs est la briqueterie Presseq, Vincent Lafage et Romain Pech nous plongent dans l’histoire du sport en zone rurale et en territoire de rugby puisque Meauzac n’est situé qu’à 15 km de Montauban. Ils le font avec passion et conviction insérant cette histoire de vélo et de ballons dans la grande histoire des guerres qui mobilisent les membres de la JSM. En effet, la trajectoire du sport à Meauzac suit les grandes lignes du sport hexagonal. Elle commence par le vélo avant-guerre avec l’Union Sportive Meauzac (1905) qui adhère à l’Union Vélocipédique de France (UVF). Mais pour les auteurs, le véritable coup d’envoi est donné en 1924 avec la création de la JSM qui dépose ses statuts en préfecture le 9 juillet de cette année olympique. Les couleurs sont le vert et noir et la devise « Tout pour le sport et par le sport ». On y pratique l’athlétisme à la belle saison, le rugby le reste de l’année ainsi que le cyclisme, la gymnastique et la préparation militaire. Le club peut bénéficier des notabilités locales : son président-trésorier est Joseph Nègre, l’instituteur du village, qui rédige de sa belle écriture les statuts déposés en préfecture. On compte parmi les secrétaires le pharmacien Paul Blandinières et le président d’honneur n’est autre que Léopold Presseq, maire et propriétaire de la briqueterie qui fournit le stade éponyme. Le club prend place dans les lieux de sociabilité du bourg puisque son siège est installé en 1927 au café Delrieu dont le gérant, Émile Delrieu, devient trésorier du club en 1929 et surtout transporteur du club. Il possède en effet un camion qui permet d’acheminer les joueurs de rugby installés sur la plateforme arrière les jours de match, car la Fédération française de rugby a accordé une dérogation au club pour qu’il emploie ce rustique moyen de transport ! Le match à ne pas perdre est celui qui oppose la JSM au Sporting Club Lafrançaisain, les voisins du bourg de Lafrançaise. Toutefois, il n’est pas aisé d’aligner une équipe au complet et, en 1927, la section rugby est mise en sommeil. La terrible crue du Tarn de 1930 n’arrête pas les activités du club qui connaissent toutefois une nette réorientation deux ans plus tard. Le président Nègre cède la présidence à un jeune adhérent Marcel Unal âgé de 23 ans et, surtout, le club décide d’abandonner le ballon ovale pour le ballon rond. Si les auteurs rappellent la baisse du nombre de clubs de rugby au tournant des années 1930 dans le Tarn-et-Garonne, « 24 sociétés affiliées à la FFR pour la saison 1927-1928 contre 8 seulement pour la saison 1933-1934 », ils n’expliquent pas les raisons d’un tel changement. Sans doute est-il plus facile de jouer à 11 qu’à 15, les contacts sont moins rugueux et la FFR connaît alors une crise importante quand la Fédération française de football association se porte comme un charme et se risque même à autoriser le professionnalisme. Le cyclisme reste populaire, le club organisant à partir de 1931 le Critérium cycliste meauzacais. Sous le régime de Vichy, la JSM fusionne avec le Barry Athlétique Club, une association créée en octobre 1940. La nouvelle entité prend le nom d’Union Sportive Meauzacaise. Les auteurs ne s’étendent pas sur une période marquée par l’interventionnisme de l’État français sans doute à l’origine de la fusion des deux clubs et sur le départ de jeunes gens au STO. Au lendemain de la guerre, le club retrouve sa dénomination initiale de Jeunesse sportive meauzacaise mais conserve les couleurs de l’USM : le jaune et le noir. Désormais, la JSM est entièrement dédiée au football. L’équipe première progresse : après le niveau départemental, elle gagne sa place dans le niveau régional en 1964 en accédant au championnat honneur après avoir remporté deux Coupes de Tarn-et-Garonne. Un nouveau terrain est inauguré (Marty) avec l’aide de la municipalité. Le sponsoring apparaît à la fin des années 1970 quand le nom de la briqueterie Gerbaud (anciennement Pressecq) orne le poitrail des joueurs de la JSM. Des gradins couverts sont inaugurés 10 ans plus tard. Le sport fait désormais partie des politiques municipales et le club organise des matchs de gala sur un terrain réputé être le plus grand du département. Les joueurs du SC Toulon, de Montpellier et du Toulouse FC le foulent lors de l’avant-saison avec leurs stars qui ont pour noms Dominique Rocheteau, Gérald Passi ou Carlos Valderrama.
Au terme de la lecture de ce bel album, on ne peut que féliciter ses auteurs d’avoir autant rendu hommage aux sportifs meauzacais qu’avoir su rappeler et illustrer l’importance d’un club dans la vie d’un bourg rural français comme lieu de sociabilités, d’engagement et de construction d’une identité locale.