Un professionnalisme du pauvre ? Le Rugby Club albigeois (XIII) après la Seconde Guerre mondiale

  • A poor man’s professionalism? Rugby Club albigeois (rugby league) after the Second World War

DOI : 10.58335/football-s.505

p. 93-100

Résumés

Le rugby à XIII a eu une histoire difficile sur le sol français en raison de son professionnalisme ouvert et du combat livré contre lui par le XV. L’exemple du Rugby Club albigeois plusieurs fois champion de France et dont les documents comptables sont conservés aux archives départementales du Tarn permet de comprendre comment ce rugby professionnel fonctionne à l’issue de la Seconde Guerre mondiale. L’essentiel des recettes provient sans surprise de la billetterie et sert surtout à payer le salaire de l’entraîneur et les primes et indemnités des joueurs qui ont aussi un métier. Le recrutement est local et les émoluments versés à l’effectif distinguent peu de vedettes, à l’exception du demi d’ouverture Charles Galaup qui devient en 1972 le conseiller technique du rival quinziste local, le Sporting club albigeois. Outre cette défection, le club albigeois du XIII aura eu à subir l’ostracisme d’une partie de la presse locale notamment la Dépêche du Midi.

Rugby league has had a difficult history in France because of its open professionalism and the battle waged against it by the rugby union. The example of the Rugby Club albigeois, several times French champions, whose accounting documents are held in the Tarn departmental archives, provides an insight into how professional rugby operated after the Second World War. Unsurprisingly, most of the club's revenue came from ticket sales and was used to pay the coach's salary and the bonuses and allowances of the players, who also had a job. Recruitment was local, and the emoluments paid to the squad did not include many stars, with the exception of fly-half Charles Galaup, who became technical adviser to local rugby union rivals Sporting Club albigeois in 1972. In addition to this defection, the Albigeois XIII club suffered ostracism from a section of the local press, notably La Dépêche du Midi.

Plan

Texte

En France, le thème de l’argent dans le sport suscite spontanément des images de footballeurs en raison de la grande diffusion de cette pratique sportive et des montants propres à frapper l’imagination. Le choix porte ici pourtant sur un autre sport, beaucoup plus confidentiel, le rugby à XIII. Le pari consiste donc à repérer, en disséquant le budget d’un club de province d’un sport marginal, des logiques de professionnalisme et à en restituer le modèle économique. Il permet aussi de mettre en lumière un sport oublié en France, alors que son histoire est étroitement tributaire de la perception de l’argent dans le milieu sportif. Le sport moderne naît, on le sait, en Angleterre au xixe siècle. Il se développe parmi les élites sociales puis se généralise et mobilise les classes populaires. C’est alors que la question du défraiement apparaît, afin de dédommager les joueurs de leurs journées de travail perdues. Elle divise profondément et la controverse va jusqu’à la scission de l’un des sports collectifs les plus emblématiques de cette identité britannique, le rugby. En 1895, les clubs du nord de l’Angleterre décident de compenser les heures de travail consacrées au rugby à leurs joueurs, souvent ouvriers. Face à l’hostilité des clubs plus bourgeois du sud du pays, ils créent leur propre fédération. La scission se traduit par une différenciation croissante et, dans les années 1900, le nombre de joueurs distingue désormais le rugby amateur, demeuré à quinze, et le rugby professionnel qui se joue à treize. C’est donc sur cette question de l’argent que le rugby à XIII voit le jour, élément plus fondamental que le nombre de joueurs, qui vient seulement a posteriori comme on l’ignore souvent dans la distinction entre les deux frères ennemis. Leur destin diverge largement, le rugby à XV s’imposant dans l’hémisphère nord, où seule l’Angleterre conserve un niveau comparable aux nations du Sud qui le pratiquent plus volontiers1. Le rugby à XIII connaît toutefois un essor remarquable dans la France du premier xxe siècle, singulièrement durant l’entre-deux-guerres. Cette phase de croissance est brutalement interrompue par la Seconde Guerre mondiale. En effet, l’État français, soucieux de réaction et dont les cercles dirigeants laissent place à quelques dirigeants du rugby à XV, brise le rugby à XIII : il interdit le sport professionnel et fait obligation aux joueurs à XIII de passer à XV ; les biens des structures treizistes sont confisqués2. Cette interdiction et cette spoliation expliquent l’emploi d’un ton souvent passionné par les auteurs qui travaillent sur le rugby à XIII, tels Robert Fassolette ou Céline Piot3. Malgré la réintroduction du rugby à XIII à la Libération, celui-ci est toujours frappé d’interdit sémantique : les pouvoirs sportifs lui attribuent l’expression « jeu à XIII » et c’est seulement en 1993 que le terme « rugby à XIII » lui est rendu par la Cour de cassation. La variante treiziste demeure toutefois beaucoup moins pratiquée que le rugby à XV4. La documentation exploitée en donne la preuve par l’archive, le club employant toujours à l’époque des feuilles imprimées au nom de la LFR XIII mais ce nom est biffé et surmonté de la mention « FFJ XIII ». C’est toutefois l’expression « rugby à XIII » qui est employée ici alors que ce terme était proscrit durant la période concernée. En effet, il y a quelque chose de ridicule à nier le nom d’un sport alors que ce terme est employé uniformément dans le monde, à l’exception de la France… C’est donc au lendemain de ce grand traumatisme qu’il est possible d’observer la situation du rugby à XIII français à travers l’exemple de l’un de ses principaux clubs, celui d’Albi5. Le Rugby Club albigeois a été sacré champion de France en 1938 (contre Villeneuve-sur-Lot). Il retrouve son titre en 1956, 1958 (contre Carcassonne), 1962 (à nouveau contre Villeneuve-sur-Lot). Dans l’intervalle, il perd une finale en 1960 contre Roanne. La période plus limitée durant laquelle il est loisible de scruter son budget s’inscrit entre ses deux pics de forme à la veille de la Seconde Guerre mondiale puis au tournant des années 1960, puisque ses archives concernent essentiellement les années 1948 à 1952. Les sources, aliment de base de l’historien, sont ici tout à la fois riches et limitées : restreintes en termes de durée, elles se révèlent exceptionnelles par la présence de documents rares dans les fonds d’archives. En effet, les Archives départementales du Tarn conservent à Albi les cahiers de recettes et de dépenses du club de rugby à XIII d’Albi de juin 1948 à mai 1950, ainsi que des notes de frais variés mais aussi les contrats des joueurs. L’ensemble représente quinze cotes (110 J 1 à 15), librement consultables. Il permet d’évaluer les ressources et les dépenses d’un club de rugby à XIII au milieu du xxe siècle, mais aussi d’appréhender le marché des joueurs, dans un sport moins médiatique que le football contemporain. Ce fonds documentaire permet de dégager tout d’abord les grandes masses du budget de ce club puis d’étudier les contrats des joueurs.

Un budget centré autour des joueurs et du public

Recettes et dépenses du Rugby Club albigeois 1947-1950

Mois Recettes (en francs) Dépenses (en francs)
Septembre 1947 815 498 682 424
Octobre 1947 254 974 236 810
Novembre 1947 204 277 192 923
Décembre 1947 271 267 191 503
Janvier 1948 199 446 197 883
Février 1948 132 747 191 231
Mars 1948 107 500 101 404
Avril 1948 132 747 117 372
Mai 1948 39 124 58 260
Juillet 1948 164 390 152 560
Septembre 1948 105 019 106 798
Octobre 1948 155 219 153 158
Novembre 1948 163 164 161 161
Décembre 1948 161 061 149 864
Janvier 1949 329 580 152 044
Février 1949 334 244 251 276
Mars 1949 207 639 89 121
Avril 1949 169 300 162 055
Juin 1949 207 245 184 239
Juillet 1949 (avec reports) 257 245 257 776
Septembre 1949 420 592 290 420
Octobre 1949 368 580 315 894
Novembre 1949 232 000 222 261
Décembre 1949 718 410 402 231
Janvier 1950 721 410 689 239
Février 1950 408 421 310 221
Mars 1950 541 321 539 735
Juin 1950 41 884 43 615

La lecture du budget du Racing Club albigeois appelle plusieurs remarques. Son évolution mensuelle est naturellement tributaire du calendrier sportif, avec un creux estival et quelques pics essentiellement redevables de la recette de certains matchs. C’est en effet l’une des principales ressources du club.

Le dépouillement des livres de compte permet de lister les principales ressources et les principaux postes de dépenses du Racing Club albigeois. Les recettes de match fournissent régulièrement 100 000 francs, avec quelques écarts (en septembre 1947, ils vont de 98 000 contre Carcassonne à 119 000 contre l’un des rivaux historiques Villeneuve), dont le plus important est celui du match contre Lyon qui produit en décembre 1949, 469 444 francs. La recette de l’entraînement est naturellement plus faible, mais rapporte également quelque argent (autour de 4 000 francs le plus souvent). Il est à noter que l’assistance aux entraînements est payante, ce qui est l’indice d’une forte adhésion du public… Quelques soutiens politiques apparaissent, mais de manière très (chichement) mesurée : le maire d’Albi donne ainsi 200 francs au club en 1947 (année d’élection municipale, on doute que ce soit le fait du hasard !). Certaines pratiques flirtent avec la subvention déguisée. C’est ainsi que les papeteries de l’Albigeois arrondissent à 70 000 francs une facture de 76 398 pour l’impression de programmes avec couverture en couleur, l’édition de photographies de joueurs et d’un écusson6.

Les principaux postes de dépenses peuvent se lister comme suit, de manière décroissante : les salaires des joueurs, celui de l’entraîneur (qui occasionne une dépense de 50 000 francs en septembre 1947), la Ligue qui ponctionne 10 % des recettes de chaque match, les arbitres (plus de 4 000 francs par mois, avec un pic à 7 600 en décembre 1949), les gendarmes (qui reçoivent 400 francs à chaque match7), les frais divers (dont les affiches, 1 425 francs en septembre 1947). Le club est aussi obligé de payer des insertions pour que La Dépêche du Midi (toulousaine et très liée au rugby à XV) annonce ses rencontres sportives. C’est le cas en avril 1950, pour un montant de 2 732 francs8. Ces frais divers prennent parfois des allures d’inventaire à la Prévert : des apéritifs payés « au garçon de la Poste » et des « suppléments au dîner offert par les supporters » (700 francs) voisinent avec « 1 pot de colle », « 1 télégramme à Paris », des notes de frais déplacement à Avignon (37 269 francs) ou encore un repas d’entraînement (1 340 francs)9. La question de l’assurance est plus intéressante dans la mesure où elle permet d’aborder la question de la violence, si polémique dans la présentation souvent faite du rugby à XIII au milieu du xxe siècle10. Une lettre recommandée de la compagnie d’assurances. La Prévoyance, en date du 9 août 1950, en donne la mesure :

Nous avons le regret de vous faire savoir qu’en raison de la fréquence des accidents, et de l’importance des indemnités que nous avons été amenés à régler sur la police précitée, nous sommes dans l’obligation de résilier ce contrat pour sa prochaine échéance soit le 14 septembre 1950.
Nous vous précisons toutefois que nous sommes tout disposés à envisager l’établissement d’un nouveau contrat limitant notre garantie aux cas graves seulement, c’est-à-dire mort ou infirmité permanente11.

L’évocation même de cette dernière virtualité, autant que la fréquence des accidents mentionnée en début de courrier, atteste, via un document de nature financière, la violence présente alors aussi dans le rugby à XIII…

Les rugbymen professionnels au milieu du xxe siècle

Les archives du Tarn conservent les contrats de 23 joueurs du Racing Club albigeois12. Leur lecture autorise plusieurs constats. Elle révèle que le recrutement est essentiellement local. Très peu viennent en effet de l’extérieur13. C’est le cas de six joueurs sur 23 : Roger Authoit (Paris), André Cadenas (Béziers), Jacques Bernard et André Melet (Toulouse), René Heuillet (Ledar) et enfin Jean Thomas, qui vient de Carcassonne. Ils représentent des cas de transferts, prévus par les instances du rugby à XIII et codifiées. Une lettre au président du SO Avignon XIII, en date du 7 septembre 1950, le rappelle également : « nous nous faisons un devoir de porter à votre connaissance que le joueur Lardat, détenteur d’une licence amateur au nom de votre club, vient de signer une licence INDÉPENDANT en faveur du Racing Club albigeois XIII » ; « conformément aux instructions en vigueur, nous vous adressons ci-joint une demande de mutation que vous voudrez bien envoyer, dûment signée, à la Ligue française de rugby à 13 à Bordeaux », tandis que « de notre côté nous faisons parvenir à Monsieur le secrétaire général à Bordeaux le montant du transfert prévu pour ce cas14 ».

Les montants des contrats varient de 75 000 à 550 000 francs mais ces extrêmes masquent une réalité moyenne qui se situe autour de 100 000 francs, avec un très faible écart-type. Il n’existe pas, contrairement au rugby à XV à l’heure actuelle, de différences significatives entre les postes. Trois joueurs seulement dépassent les 200 000 francs. Un seul multiplie ce chiffre. Il s’agit de Charles Galaup dont le renouvellement de contrat atteint 550 000 francs en 1950. Le chiffre se décompose comme suit : prime à la signature 250 000 francs, prime au 1er janvier 100 000 francs et huit mensualités de 25 000 francs à dater de fin octobre 1950. Il est vrai qu’il s’agit d’un joueur majeur, qui occupe le poste sensible de demi d’ouverture et a le rang d’international depuis sa première sélection dans le XIII de France en 1949 (il fait partie de l’équipe qui bat l’Australie à Sydney en 1951). L’itinéraire ultérieur de ce joueur illustre la tension demeurante entre les deux rugbys : Charles Galaup entre au Comité du Sporting Club albigeois (le club à XV) en 197215 et en devient le conseiller technique pour de longues années. En 2006, il estime dans les colonnes de La Dépêche du Midi que « le rugby à XIII en galvaudant la mêlée s’est auto-détruit et est devenu un jeu monotone comme beaucoup de sports au spectacle prévisible, répétitif donc rébarbatif16 ». Ces propos suscitent aussitôt des réactions enflammées, dont le commentaire suivant d’un treiziste : « Encore un qui nous a trahi17… » Au mitan du xxe siècle, cette équipe du Racing Club albigeois compte dans ses rangs quelques acteurs de la Seconde Guerre mondiale. La trajectoire d’André Carvaillo mêle d’ailleurs sport et armée : engagé volontaire, maquisard FFI dans les Landes, rengagé dans l’armée, membre du cabinet du ministre, il entre au service des décorations le 22 septembre 1946 puis est affecté au centre sportif de l’armée à Vincennes le 22 décembre 1947.

La nature des contrats mérite d’être quelque peu détaillée. Moyennant l’exclusivité de son engagement (article 1), le joueur perçoit :

  • une indemnité pour la saison (article 2), qui se répartit elle-même en prime d’engagement et en mensualités ;
  • une prime pour chaque entraînement (article 3) (un seul entraînement par semaine, bien loin des normes du rugby professionnel, voire amateur, actuel…) ;
  • une indemnité forfaitaire par demi-journée d’absence à Albi, afin de couvrir les déplacements (article 4) ;
  • une indemnité en cas de blessure occasionnant un arrêt de travail (article 5).

Enfin, est-il prévu que des frais engagés par lui peuvent faire l’objet de remboursements suite à l’établissement d’une note de frais (article 7).

D’autres contrats présents dans ce fonds d’archives prévoient des surprimes en cas de victoire, mais avec une surprime en cas de victoire à l’extérieur, révélant ainsi la force du campanilisme observable également dans le rugby à XV où s’imposer loin de ses terres, sur le terrain d’autrui, fut longtemps une véritable gageure… Une surprime est également accordée pour une victoire contre les cinq principaux clubs du moment (Carcassonne, Lyon, Marseille, Perpignan et Villeneuve).

Un constat doit être formulé à la lecture de ces contrats : le vocabulaire de ce sport vilipendé par les quinzistes comme professionnel associe « prime » et « indemnité » mais ne mentionne pas de salaires. C’est qu’en effet le rugby à XIII, tout en compensant l’investissement de ses joueurs, tient à ce qu’ils aient aussi un métier. Pour conserver Charles Galaup déjà mentionné plus haut, le club s’engage ainsi par contrat à l’installer dans un commerce à sa libération du service militaire. Deux nuances doivent être apportées à ce qui est parfois présenté comme une vertu : la première est que nécessité fait vertu justement et que de nombreux clubs de rugby à XIII, notamment de plus modestes qu’Albi, n’ont pas les moyens financiers d’assumer seuls l’existence de leurs joueurs ; la seconde est que certains des emplois fournis par le club s’apparentent vraisemblablement à de l’amateurisme marron, cette pratique plutôt associée d’ordinaire aux quinzistes d’avant la professionnalisation (intervenue en 1995) et qui repose parfois sur l’octroi d’emplois fictifs dans les municipalités locales ou les entreprises de quelques supporters passionnés. L’examen attentif de la réalité locale et financière d’un club permet donc de dépasser l’opposition parfois sommaire entre sport amateur et sport professionnel18.

Conclusion

Un fonds d’archives isolé de club provincial d’un sport confidentiel, voilà qui semblait peu engageant comme point de départ pour appréhender la place de l’argent dans le sport. Pourtant, les apports de ces documents sont réels. Ils permettent tout d’abord de restituer la réalité du budget d’un club de rugby au tournant des années 1950, jusque dans ses menues recettes et ses petites dépenses. Ils illustrent ensuite la place décisive du public dans le financement d’un sport professionnel au milieu du xxe siècle. Si le sponsoring n’est pas absent de cette histoire, le rugby à XIII dépend avant tout de ses supporters. Ils lui permettent de renaître au lendemain d’une épreuve terrible (il s’agit du seul sport interdit par un régime politique, en l’occurrence l’État français) et alors qu’il est largement marginalisé sinon ostracisé au sein des instances sportives françaises. Le revers de cette médaille est que, forts de leurs stades pleins, les dirigeants du rugby à XIII laissent passer dans les années 1960 le train de la télévision, n’y voyant pas d’intérêt vital. Leurs concurrents quinzistes en tirent largement bénéfice, grâce à la verve de Roger Couderc et à la popularisation du Tournoi des Cinq Nations… Le club apparaît aussi très lié à sa fédération nationale, qui régule les transferts de joueurs, prélève une partie des recettes, mais peut aussi délivrer des subventions19. Enfin, ces archives montrent que, même dans un sport professionnel, l’argent du sport est encore lié à ce moment, dans le cas du rugby à XIII, à l’existence d’un métier, fût-il de complaisance. Il est question de primes et d’indemnités, non de salaires, alors même que le rugby à XIII est clairement perçu et pensé comme un sport professionnel. Il convient toutefois de pointer les limites de cette première approche, et donc d’en dégager les prolongements nécessaires. Trois mises en perspective peuvent être dessinées. La première serait de retrouver des sources équivalentes pour d’autres clubs de rugby à XIII durant la même période. La deuxième consisterait à effectuer une coupe transversale des sports pratiqués en France dans les années 1950, afin de vérifier les quelques esquisses ébauchées ici. La troisième serait plus diachronique et chercherait à étudier dans le temps long, désormais plus que séculaire, le rugby à XIII et de situer le moment 1950 dans cette évolution afin de repérer à quel moment le modèle économique ici présenté, celui d’un club reposant essentiellement sur l’argent versé par son public et dans un sport permettant encore d’associer travail extérieur et pratique rugbystique, est remplacé par un modèle contemporain de professionnalisme sportif plus exigeant et de recettes essentiellement où sponsoring voire produits dérivés le disputent largement à la recette des matchs.

Notes

1 Le rugby à XIII affiche encore aujourd’hui une géographie très anglo-saxonne, plus encore que celui à XV (Fabien Conord, Joris Lehnert, « Sur la signification sociale et culturelle d’un sport aussi latin », Apropos [Perspektiven auf die Romania], 2019, n° 2, p. 12-33). Retour au texte

2 Mike Rylance, The fordbidden game, Leeds, League publications Ltd, 1999 (traduit en français en 2006 : Le rugby interdit. L’histoire occultée du rugby à XIII en France) relate cet épisode. Retour au texte

3 Robert Fassolette, « L’ovale en divergence. La dichotomie XV-XIII, les frères jumeaux du rugby », Staps, 2007/4, n° 78, p. 27-48 ; lors du 9e Carrefour d’histoire du sport, le même auteur utilisait le titre suivant : « La modernité sportive assassinée par décret : la mort du rugby à XIII en 1941 » ; Céline Piot, « Quand sport rimait avec politique et iniquité… L’interdiction du rugby à XIII par le régime de Vichy », Historiens & géographes, n° 437, novembre-décembre 2016, p. 51-56. Retour au texte

4 Le rugby à XIII compte actuellement 121 clubs pour 8 996 licenciés contre 2 013 clubs et 317 866 licenciés pour le rugby à XV (https://injep.fr/donnee/recensement-des-licences-et-clubs-sportifs-2021). Retour au texte

5 La ville tarnaise compte également un club de rugby à XV, le Sporting club albigeois, né en 1906 et qui, après un immédiat après-guerre difficile, retrouve l’élite en 1948. Retour au texte

6 AD Tarn, Fonds du Racing Club albigeois de rugby à XIII, 110 J 13, pièces justificatives comptables septembre 1950-mai 1951. Retour au texte

7 Bien que le club soit situé en ville, c’est la gendarmerie – et non la police – qui assure le maintien de l’ordre public lors des rencontres sportives. Retour au texte

8 AD Tarn, Fonds du Racing Club albigeois de rugby à XIII, 110 J 13, pièces justificatives comptables septembre 1950-mai 1951. Retour au texte

9 AD Tarn, Fonds du Racing Club albigeois de rugby à XIII, 110 J 12, frais divers. Retour au texte

10 http://www.liberation.fr/sports/2013/10/25/le-rugby-a-xiii-n-a-jamais-rougi-de-son-nom_942465. Retour au texte

11 AD Tarn, Fonds du Racing club albigeois de rugby à XIII, 110 J 13, pièces justificatives comptables septembre 1950-mai 1951. Retour au texte

12 AD Tarn, Fonds du Racing club albigeois de rugby à XIII, 110 J 6, contrats de joueurs 1948-1950. Retour au texte

13 Aucun joueur de nationalité étrangère n’a été repéré durant cette période. Il est vrai qu’à l’époque le championnat de France (y compris dans le rugby quinziste) s’appuie quasi exclusivement sur ses propres forces : entre la fondation du club en 1911 et l’avènement du professionnalisme en 1995 l’ASM (Association Sportive Montferrandaise) a ainsi compté seulement 11 joueurs de nationalité étrangère (Fabien Conord, « Les étrangers dans le rugby français. L’exemple de l’ASM », dans Migrations. Le creuset clermontois xixe-xxie siècle, études réunies et présentées par Karine Rance, Michel Streith et Jean-Philippe Luis, Clermont-Ferrand, Maison des sciences de l’homme, 2023, p. 189-207, p. 192). Retour au texte

14 AD Tarn, Fonds du Racing Club albigeois de rugby à XIII, 110 J 8, relations avec d’autres associations, correspondance. Retour au texte

15 http://sporting.club.albi.free.fr/archives/historique/livredor/historique/historique13.html. Retour au texte

16 La Dépêche du Midi, 21 décembre 2006. Retour au texte

17 http://www.rugbyforumxiii.com/forum/viewtopic.php?t=16007, 21 décembre 2006. Retour au texte

18 Sébastien Fleuriel, Manuel Schotté, « Dépasser l’alternative amateurs/professionnels. Programme pour une histoire sociale des sportifs au travail », Le Mouvement social, 2016/1, n° 254, p. 3-12. Retour au texte

19 Le club possède d’ailleurs un compte à la Ligue, avec « environ 140 000 francs » (AD Tarn, Fonds du Racing Club albigeois de rugby à XIII, 110 J 13, pièces justificatives comptables septembre 1950-mai 1951). Retour au texte

Citer cet article

Référence papier

Fabien Conord, « Un professionnalisme du pauvre ? Le Rugby Club albigeois (XIII) après la Seconde Guerre mondiale », Football(s). Histoire, culture, économie, société, 3 | 2023, 93-100.

Référence électronique

Fabien Conord, « Un professionnalisme du pauvre ? Le Rugby Club albigeois (XIII) après la Seconde Guerre mondiale », Football(s). Histoire, culture, économie, société [En ligne], 3 | 2023, publié le 12 octobre 2023 et consulté le 24 novembre 2024. Droits d'auteur : Licence CC BY 4.0. DOI : 10.58335/football-s.505. URL : https://preo.u-bourgogne.fr/football-s/index.php?id=505

Auteur

Fabien Conord

Professeur d’histoire contemporaine (CHEC, Université Clermont-Auvergne)

Droits d'auteur

Licence CC BY 4.0