Fabien Archambault, Coups de sifflet. Une histoire du monde en onze matchs

p. 195-196

Référence(s) :

Fabien Archambault, Coups de sifflet. Une histoire du monde en onze matchs, Paris, Flammarion, 2022, 192 pages.

Texte

Couverture de l’ouvrage, Coups de sifflet. Une histoire du monde en onze matchs.

Couverture de l’ouvrage, Coups de sifflet. Une histoire du monde en onze matchs.

Parmi la floraison d’ouvrages publiés à l’occasion de la Coupe du monde de football, celui proposé par Fabien Archambault est d’une lecture à la fois intéressante et plaisante. Historien, spécialiste du football, notamment en Italie, l’auteur jette son dévolu sur onze matchs, « au cœur de l’histoire mondiale d’un long xxe siècle », qui constituent autant de chapitres qui peuvent se lire dans l’ordre chronologique ou au gré de la curiosité.

Certains sont des « grands matchs » restés dans la mémoire des passionnés et dont les historiens, auxquels la bibliographie très sélective ne rend pas toujours grâce, ont déjà fait leur miel au regard de leurs enjeux qui dépassent l’enceinte des stades. La finale de la première Coupe du monde en 1930 entre le pays hôte l’Uruguay et son voisin l’Argentine, celle de 1954 qui voit la victoire de l’Allemagne face à la grande équipe de Hongrie (le fameux « miracle de Berne ») ou encore le match qui oppose les deux Allemagne en 1974 constituent ainsi des références incontournables comme le derby de Glasgow entre les le Celtic et les Rangers saisi ici en 1972.

D’autres matchs ont connu une postérité moindre, en dépit d’un intérêt qui dépasse les enjeux sportifs ou locaux. Fabien Archambault ouvre ainsi son livre sur la rencontre quelque peu oubliée, quoique fondatrice du football international, entre l’Angleterre et l’Écosse, disputée le 5 mars 1870 sur un terrain de cricket devant un millier de spectateurs et sans arbitre, en un temps où les règles du jeu ne sont pas encore tout à fait stabilisées. Sport anglais, le football s’est diffusé à travers le monde à la mesure du gigantesque Empire britannique, formel ou informel. Ainsi a-t-on joué au ballon rond en Inde et pas toujours à la gloire des sujets de sa Majesté comme le rappelle Fabien Archambault, dans l’un des chapitres les plus originaux, à travers l’évocation de la victoire d’une équipe locale face à des Britanniques lors de l’édition de 1911 de l’Indian Football Association Shield, sorte de « décalque de la Cup anglaise ». Dans un tout autre contexte, le livre sort de l’ombre de l’histoire les matchs organisés en mai et juin 1942 dans une ville de Léningrad1 assiégée et bombardée par l’armée allemande. Les confrontations entre le Dynamo et le Zénith sont conçues par la propagande soviétique comme des symboles de la résistance, « une mission de guerre » selon l’un des arbitres, pour prouver que Léningrad n’est pas une « ville de morts » comme l’affirme l’armée allemande.

La plupart des chapitres chroniquent les matchs proposant nombre d’anecdotes tout en permettant de retracer une histoire des tactiques de jeu, des plus sommaires, comme en 1870, « lorsqu’un attaquant partait en dribble balle au pied en direction du but adverse, il était suivi de près par six coéquipiers », aux premiers systèmes plus élaborés des années 1930 proposés par « l’école danubienne » composée de techniciens autrichiens et hongrois. Au fil de la lecture, on croise une pluralité d’acteurs parmi lesquels quelques grandes figures de joueur dont les portraits sont brossés, comme Mathias Sindelar, le « Mozart du football », vedette de la Wunderteam autrichienne qui, sous les yeux d’Hitler, affronte l’Allemagne en avril 1938, alors que son pays n’est plus, à la suite de l’Anschluss, qu’une province du Reich. Le « Roi du football », Pelé, est au centre de l’évocation de la finale de la Coupe du monde de 1970 opposant le Brésil à l’Italie, que Fabien Archambault préfère mettre en exergue, plutôt que la demi-finale des Italiens face aux Allemands, restée dans les mémoires comme le « match du siècle ».

Pier Paolo Pasolini ne tape dans le ballon qu’en amateur ; le poète, écrivain et réalisateur n’en est en pas moins la figure centrale d’un chapitre consacré à une rencontre du derby romain en 1958. Au travers du regard de cet intellectuel, passionné de calcio, Fabien Archambault met en lumière les supporters (tifosi), acteurs essentiels de la culture du football qui permettent aussi de saisir les enjeux sociaux et politiques qui traversent les stades.

L’un des mérites du livre est d’ailleurs de rétablir chacun des matchs offerts à la chronique dans la pluralité de leurs contextes, tant du point de vue de l’histoire du football dans les territoires ou pays concernés que de celui de leurs résonnances à l’actualité hors des stades. Le propos est toujours convaincant, sauf peut-être pour le dernier chapitre consacré à la victoire de la France lors de la Coupe du monde 1998, un sujet sur lequel, il est vrai, le lecteur est déjà bien averti.

Au final, ces « coups de sifflet » ne lassent pas, bien au contraire. La fluidité des récits ponctués de quelques pépites anecdotiques et soutenus par des mises en perspective historiques éclairant les matchs, de manière à la fois accessible et intelligente, font la richesse de ce livre à recommander en particulier aux plus curieux des fans du ballon rond.

Notes

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Référence papier

Stéphane Mourlane, « Fabien Archambault, Coups de sifflet. Une histoire du monde en onze matchs », Football(s). Histoire, culture, économie, société, 2 | 2023, 195-196.

Référence électronique

Stéphane Mourlane, « Fabien Archambault, Coups de sifflet. Une histoire du monde en onze matchs », Football(s). Histoire, culture, économie, société [En ligne], 2 | 2023, . Droits d'auteur : Licence CC BY 4.0. URL : https://preo.u-bourgogne.fr/football-s/index.php?id=414

Auteur

Stéphane Mourlane

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