Avec un tel titre et un tel auteur, journaliste à Marianne , on pouvait s'attendre au pire : une charge de plus sur le syndicalisme et sa coupure d'avec le peuple, le vrai, celui du travail. On n'y échappe d'ailleurs pas totalement, mais au final, ce livre mérite la lecture. On y retrouve le tropisme du journalisme qui se croit irrévérencieux en pointant du doigt des dysfonctionnements de la représentation syndicale et la proposition de scoops plus ou moins éventés. Le spécialiste du syndicalisme n'apprendra pas grand-chose de ce point de vue. On le sait, les syndicalistes ne sont pas des vierges effarouchées et parmi eux se cachent d'authentiques truands qui s'en mettent plein les poches. Il n'y a pas de raison en effet que les syndicalistes, comme tout groupe social, ne compte parmi ses membres des déviants, des combinards et des tires aux flancs. Une fois ce principe reconnu, le livre de Seznec se montre un peu plus intéressant qu'il n'y paraît. D'une part parce qu'il pose, même si les réponses sont très discutables, des questions sérieuses sur les moyens dont devrait disposer le syndicalisme pour remplir son rôle. Même si la thèse est plus assénée que réellement démontrée, le syndicalisme ne vit pas des cotisations de ses membres et donc est obligé de bricoler à la limite de la légalité pour vivre, le questionnement demeure. Réaliste, l'auteur en appelle à la recherche de solutions sérieuses sans quoi, brandissant le drapeau rouge, il en prophétise le développement de mouvements incontrôlés (l'ultime chapitre s'intitule, « Le bel avenir de l'action directe », tout un programme). Guère subtil il voit d'ailleurs poindre ces explosions incontrôlées dans la mouvance de l'altermondialisme !!! Le passage vaut la peine d'être cité : « Le passage à la violence demande un cadre théorique et conceptuel séduisant ? La mouvance altermondialiste forge doucement mais sûrement une vision du monde solidement charpentée, où le libéralisme, en dernier ressort, n'appelle qu'une seule réponse, les bombes », p. 201. Heureusement, l'intelligence du diagnostic se révèle parfois supérieur à ces analyses. Ainsi en va-t-il par exemple de l'analyse qui est faite, même si elle demeure superficielle, de l'évolution de la CFDT. Le chapitre qui est consacré à cette organisation est plutôt convaincant, s'interrogeant in fine sur l'intérêt d'un réformisme dans l'incapacité de susciter des réformes. Bref, s'il ne constitue pas le livre de référence obligé, cet opuscule vaut plus que le titre dont il est affublé.
Erwan Seznec, Syndicats, grands discours et petites combines, Paris, Hachette, 2006, 201 p.
04 November 2011.
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Georges Ubbiali, « Erwan Seznec, Syndicats, grands discours et petites combines, Paris, Hachette, 2006, 201 p. », Dissidences [Online], Février 2012, Nos archives : le mouvement syndical, 04 November 2011 and connection on 21 November 2024. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/dissidences/index.php?id=774