Laetitia De Warren, L'emploi au cœur. L'histoire de la CFDT sidérurgie Lorraine, Metz, Éditions La Serpenoise, 2009, 208 p.

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Ecrit par une journaliste, revenue au pays, pour rédiger son récit, se livre raconte l'histoire d'une tradition syndicale, celle provenant du catholicisme, au cœur des hauts fourneaux. Basée sur des entretiens, ainsi qu'une documentation fournie par la CFDT, cette monographie porte le cachet de l'actuelle direction de l'organisation. Introduite par Jacques Delors, qui en quelques mots parvient à développer la conception d'une nécessaire « adaptation aux nouvelles contraintes économiques », p. 5, ce livre se lit comme l'expression de la stratégie actuelle de la direction syndicale. La première partie porte sur la reconstruction de l'organisation après la guerre et le choix en faveur de la CFTC. Choix loin d'être évident tant le poids de la CGT dans la sidérurgie était important. D'ailleurs, ainsi que les biographies le montrent, nombreux furent ceux qui firent leurs premières armes au sein de la CGT, avant d'être dégoûtés par son alignement sur le PC. L'auteure parvient dans ces pages à inscrire les évolutions locales dans le cadre du cadre politique et économique plus large, ce qui permet de comprendre le sens de l'évolution qui va mener à la CFDT en 1964. Une partie, qui aurait mérité de plus amples développements, est consacrée à la grève des hauts fourneaux conduite en 1967, qui particularise fortement l'histoire du syndicalisme local. En 68, les militants « remettent ça » et c'est donc une génération marquée par rapport important au syndicalisme conflictuel. Tony Troglic va représenter la figure centrale du syndicalisme CFDT des années 70. La partie qui suit porte sur l'éclatement de la crise de la sidérurgie à la fin des années 70 et sur la réponse qu'y apporte la CFDT  « La CFDT se lance dans une série d'actions qui semblent parfois sorties tout droit du manuel du parfait révolutionnaire », p. 111 : création d'un radio libre (Radio SOS emploi), actions commandos à répétition, mobilisation de masses….Mais cette radicalité se heurte au réalisme de Jacques Chérèque, dirigeant de la fédération qui imprime un tournant vers plus de modération. Si l'accession de la gauche au pouvoir en 1981 permet la nationalisation de la sidérurgie, la confédération se positionne contre avec l'argument que la nationalisation ne résout pas la question de la surproduction d'acier en Europe. Ce positionnement des instances de la CFDT amène celle-ci à s'exprimer contre les attentes de ses militants lorrains. L'arrivée de J. Chérèque, comme préfet cette fois ci en 1984, va permettre à la CFDT d'appliquer la politique de reconversion de la sidérurgie, laminant les équipes locales qui ne parviennent pas à s'y opposer. De Warren synthétise ces dures années par un passage dont la dimension bucolique ne laisse pas de surprendre «  H. Rombach est en effet un homme heureux de vivre au cœur de cette vallée de Pompey dont il a partagé si intimement les combats et les souffrances, pour laquelle il s'est battu avec sa tranquille ténacité bien alsacienne, vallée qui aujourd'hui étale la beauté fleurie et chatoyante de sa nature retrouvée depuis la mort des hauts fourneaux  », p. 143. La dernière partie est consacrée à la période actuelle, qui voit se succéder les fermetures des entreprises qui devaient prendre le relais de la sidérurgie défunte. Le bilan est cruel, de 7700 sidérurgistes en 1977, la Lorraine n'en compte plus que 250 en 2009. Ces pages peuvent être lues comme une illustration de l'impuissance syndicale, passée de l'action de masse à l'action symbolique conduite par d'étiques rassemblements escomptant le regard médiatique. Comme l'écrit l'auteure, il s'agit bien de «  savoir trouver le fragile équilibre entre les aspirations qui animent une lutte sociale et la vision pragmatique de la réalité qui régit la recherche des résultats  », p. 150. Symptomatiquement, l'ultime chapitre s'intitule, « Le retour des maîtres de forge » (allusion à l'arrivé de Mittal dans la sidérurgie lorraine). La CFDT affirme alors de plus en plus son statut d'innovateur social, insistant par exemple fortement sur la nécessaire adaptation à l'emploi par le développement de la formation, dans laquelle ses militants s'investissent. Dans un raccourci qu'il n'a sans doute pas mesurée, Jean Louis Malys, membre du Bureau National de la CFDT avance en conclusion que « Notre objectif n'est pas l'horizon, mais le mouvement vers l'horizon », p. 189. Bernstein (Eduard) n'avançait il pas en impulsant le tournant révisionniste en 1899 que «  Le but final, quel qu'il soit, n'est rien pour moi; le mouvement est tout  » ? Vingt-sept notes biographiques complète de militants lorrains complètent l'ouvrage.

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Georges Ubbiali, « Laetitia De Warren, L'emploi au cœur. L'histoire de la CFDT sidérurgie Lorraine, Metz, Éditions La Serpenoise, 2009, 208 p. », Dissidences [En ligne], Février 2012, Nos archives : le mouvement syndical, publié le 04 novembre 2011 et consulté le 21 novembre 2024. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/dissidences/index.php?id=753

Auteur

Georges Ubbiali

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