Le nom de Chérèque est familier à celles et ceux qui s'intéressent à l'actualité politique et sociale, puisque François Chérèque se trouve être l'actuel secrétaire confédéral de la CFDT. En revanche, il est fort probable que Jacques n'évoque pas immédiatement la même reconnaissance du plus grand nombre. Pourtant, Jacques est le père de François. Le premier fut aussi un des dirigeants de premier plan de la centrale, numéro 2 comme il est indiqué quelque part dans le livre, dans les années 60-70. Dans ce livre d'entretiens avec le journaliste Stéphane Bugat, il livre ses mémoires parlées, sous le titre à double lecture. La rage de faire, c'est ce dont se réclame Chérèque. En même temps, c'est aussi une allusion à l'homme de fer, lui a commencé sa carrière professionnelle dans la sidérurgie, avant de devenir secrétaire de la fédération de la métallurgie (FGM-CFDT). Schématiquement, sa carrière est partagée en deux grandes séquences. La première, la plus intéressante pour le lecteur, correspond à sa vie d'enfant, sa carrière professionnelle et son engagement militant, la seconde à sa carrière d'homme politique. Dans les premiers chapitres, le lecteur apprendra beaucoup sur le contexte d'émergence d'une ambition militante à la CFDT. De ce point de vue, Jacques Chérèque confirme bien des traits connus du militant de cette centrale. Il provient d'un milieu non ouvrier, profondément de droite, catholique. Contrairement à une légende savamment entretenue, lui-même n'a rien d'un ouvrier métallo. Il rate son bac et est engagé comme technicien dans la sidérurgie, avant de connaître une carrière ascendante, de manière assez rapide d'ailleurs. C'est à l'usine qu'il découvre la CFTC, puis la CFDT dont il devient là aussi rapidement un dirigeant, au point de succéder au secrétaire général à la fin des années 30. Le lecteur était en droit d'attendre un récit circonstancié de son rôle dans l'affaire Lip, le grand mouvement d'occupation d'une usine horlogère. En fait, de la lutte, il n'en est guère question. En revanche, Chérèque n'est guère avare sur les contacts qu'il noue à cette occasion avec le patronat moderniste. Symptomatiquement d'ailleurs, le chapitre est intitulé, « Les coulisses de l'affaire Lip ». Dans le sillage de Rocard, il fait partie de l'équipe CFDT qui rejoint le PS en 1973 aux assisses du socialisme. Tout en continuant à s'occuper des relations internationales de la CFDT, l'arrivée de la gauche au pouvoir en 1981, lui permettra d'accéder à un poste de préfet délégué en Lorraine pour gérer les effets de la restructuration de la sidérurgie. Dans cette seconde partie de son existence, centrée sur les fonctions politiques, il occupera différentes fonctions, élu (à divers instances), responsable administratif, ministre, etc. Cette partie de ses souvenirs, centrée sur ses responsabilités diverses et variées d'homme d'Etat autour de la problématique du développement local lorrain se révèle nettement moins intéressante. Si un trait permet de relier les deux volets de son existence, c'est celui de la volonté modernisatrice qu'il faut avancer. Critique impitoyable des gauchistes et autres irréalistes, Chérèque se révèle comme un « syndicaliste pas trop buté », appréciant le patronat moderniste (Antoine Riboud, « mon patron de cœur », p. 223) avec lequel il est loisible de négocier. Bref, avec ce livre on dispose d'une bonne entrée pour mieux connaître la CFDT, son évolution et ses acteurs. Son livre, paru avant la présidentielle, se conclut par l'évocation de sa confiance en Ségolène Royal, car « Si l'autogestion est dépassée, la décentralisation reste à l'ordre du jour ». p. 277. Tout un programme !!
Jacques Chérèque, La rage de faire, Paris, Balland, 2007, 281 p.
04 November 2011.
Index
Mots-clés
SyndicatText
Illustrations
References
Electronic reference
Georges Ubbiali, « Jacques Chérèque, La rage de faire, Paris, Balland, 2007, 281 p. », Dissidences [Online], Février 2012, Nos archives : le mouvement syndical, 04 November 2011 and connection on 21 November 2024. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/dissidences/index.php?id=750