Sophie Béroud, Les robins des bois de l'énergie, Paris, Le Cherche midi, 2005.

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Au premier semestre 2004, un mouvement syndical de grande ampleur a affecté EDF, en protestation contre la privatisation de l'entreprise nationale d'énergie prévue par le gouvernement. A la demande de la fédération CGT de l'Energie, la sociologue Sophie Béroud a conduit une enquête de terrain pour analyser ce mouvement. Sur la base d'une investigation empirique auprès des personnels mobilisés, elle livre dans ce livre publié un an après les évènements une analyse de grand intérêt sur la stratégie syndicale conduite par la CGT. Dans une optique " moderniste " (on lira avec profit l'interview du secrétaire général en fin de volume), la fédération CGT, à partir de l'usage de sondages, développe un message autour de la défense du service public. Il s'agit, à l'encontre de l'attente d'une partie de ses troupes, de rompre avec une approche considérée comme " corporatiste " qui met l'accent sur la défense du statut des électriciens-gaziers. Chevauchant, plus qu'impulsant d'ailleurs, les mobilisations de ses sections locales, la direction fédérale développe l'idée d'action à caractère symbolique, telles les Robins des bois. Afin de gagner la bataille de l'opinion publique, les syndicalistes, Robin des bois des temps modernes, défendent la veuve et l'orphelin en coupant le courant chez quelques personnalités (ainsi le président du Medef ou Sarkozy), tout en rétablissant l'électricité dans des familles chez laquelle elle a été impayée pour cause de misère sociale. Si les responsables fédéraux ne popularisent guère les occupations (certes minoritaires) de centres de production, elle insiste au contraire sur les actions symboliques.

La lutte était tout sauf évidente (il est rappelé ainsi les milliers de conseils de disciplines consécutifs au mouvement de 1995), ne serait-ce que du fait de sa dimension européenne. Comme le souligne l'auteure, il était nécessaire de faire jouer l'ensemble de la palette des actions collectives pour faire céder le gouvernement, et ne pas épuiser un mouvement qui ne pouvait s'imposer que dans la durée. La bataille de la conquête de l'opinion publique apparaissait en effet décisive dans la construction d'un rapport de force. Simplement, la centralité des médias dans la stratégie syndicale, telle qu'elle apparaît dans la tête des dirigeants, semble un tantinet obsessionnelle au regard de l'action syndicale " classique ". Ainsi, mais il faut lire entre les lignes, quelles actions a promu la fédération Energie pour impliquer l'ensemble du mouvement syndical, le tissu associatif et institutionnel, bref, pour mobiliser le tissu social autour de cette mobilisation ? Les usagers et leur implication doivent être au premier rang des actions pour la défense du service public, c'est un acquis de la réflexion syndicale. Reste que ces usagers ont une existence concrète et ne sauraient se résumer à une appréhension par le biais des médias. La leçon de cette lutte est bien la nécessité de la conquête d'une hégémonie pour contrer la politique de libéralisation, mais d'une hégémonie reposant sur un contre-pouvoir social à construire à la base et non prioritairement à travers le prisme médiatique. A l'issue de plusieurs mois de mobilisations, la loi est passée.

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Georges Ubbiali, « Sophie Béroud, Les robins des bois de l'énergie, Paris, Le Cherche midi, 2005. », Dissidences [En ligne], Février 2012, Nos archives : le mouvement syndical, publié le 03 novembre 2011 et consulté le 25 avril 2024. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/dissidences/index.php?id=743

Auteur

Georges Ubbiali

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