Tommaso Baris est à la fois un spécialiste de la province de Frosinone, située à moins d'une centaine de kilomètres de Rome dans la province du Lazio, puisqu'il est l'auteur d'une récente monographie concernant cette province durant le fascisme ( Il fascismo in provincia. Politica e realtà a Frosinone (1919-1940) , Rome-Bari, Laterza, 2007), et un spécialiste de l'histoire orale, approche méthodologique qu'il a utilisée avec brio dans un ouvrage consacré aux exactions alliées perpétrées lors de la libération du Bas-Latium ( Tra due fuochi. Esperienza e memoria della guerra lungo la linea Gustav , Rome-Bari, Laterza, 2003). Tout naturellement, il était l'historien idéal pour recueillir douze témoignages oraux d'hommes et de femmes syndiqués entre 1945 et 2005 à la Cgil (la Confederazione generale italiana del lavoro , le plus important et le plus ancien syndicat italien, qui regroupe actuellement plus de cinq millions et demi d'adhérents). Grâce à ses précieux témoignages de dirigeants ou de simples militants de la Cgil, il a pu reconstruire le développement de ce syndicat dans la province de Frosinone, depuis sa renaissance en 1944 jusqu'à nos jours. Ces « expériences de vie » permettent certes de rendre compte de la construction locale d'un syndicat, mais indirectement de connaître la perception des transformations sociales et économiques de cette province sur une « longue » période par des syndicalistes et des travailleurs. Frosinone durant l'après-guerre a été le décor de fortes luttes paysannes, de grèves du zèle pour la renaissance de la province de Monte Cassino (très durement touchée par les bombardements alliés), de fortes mobilisations ouvrières. Ainsi les travailleurs dans les usines de papiers de l'Ile de Liri ont mené des grèves très dures, de même que leurs collègues de l'usine Annunziata de Ceccano. Ces récits de vie – comme les appelle Daniel Bertaux – laissent entrevoir également les débuts du « pendolarismo » (pratique qui consiste à travailler dans un lieu de plus en plus éloigné de son domicile et donc de débuter sa journée de travail par un temps relativement long de voiture ou plus fréquemment de transports en commun) et le développement de l'émigration vers Rome. Dans les années soixante-dix, la Fiat s'installe à Cassino, puis peu à peu arrive la crise industrielle dans la région, dont la mobilisation des ouvriers de Videocolor de Anagni semble marquer la fin d'une époque et le début d'un long déclin. Cette nouvelle classe ouvrière née dans les années soixante-dix est touchée de plein fouet par le ralentissement de l'activité économique et surtout par la précarité et le chômage. Si cet ouvrage permet d'appréhender une mémoire locale du conflit social, il éclaire indirectement les mutations de la Cgil et son impuissance actuelle face aux triomphes du libéralisme.
Tommaso Baris, Le voci del lavoro. Uomini e donne della Cgil in provincia di Frosinone 1945-2005, Rome, Ediesse, 2007, 340 p.
Article publié le 03 novembre 2011.
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Yannick Beaulieu, « Tommaso Baris, Le voci del lavoro. Uomini e donne della Cgil in provincia di Frosinone 1945-2005, Rome, Ediesse, 2007, 340 p. », Dissidences [En ligne], Février 2012, Nos archives : le mouvement syndical, publié le 03 novembre 2011 et consulté le 21 novembre 2024. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/dissidences/index.php?id=742