Baek Nam-Ryong, Des amis (Pot), Arles, Actes Sud, 2011, 255 p.

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Des amis est en soi un événement, puisqu’il s’agit du premier roman de Corée du nord traduit en langue française. Entendons-nous bien, en parlant de roman, nous écartons d’emblée les divers panégyriques publiés sur les vies respectives et mythifiées de Kim Il-Sung et Kim Jong-Il. Son auteur, ancien ouvrier, a commencé sa carrière littéraire en 1979, et est, selon les renseignements fournis par l’éditeur, un membre actif du mouvement du 15 avril, visant à injecter davantage de réalisme et moins d’héroïsme dans les productions littéraires du pays. Certes, on devine en arrière-plan de l’histoire, située dans les années 1980, la figure du parti et l’importance du sentiment d’attachement national, et le résumé de la thèse du juge est un pensum orthodoxe sur l’histoire des relations matrimoniales, mais Des amis se centre volontairement sur des Coréens du commun. Le personnage principal en est le juge Jong Jin-Woo, qui doit statuer sur une demande de divorce entre Sok-Chun et Soon-Hwi. Il pénètre ce faisant à la fois dans le passé de ce couple ordinaire et dans celui de sa propre cellule familiale. Dans les deux cas, le problème est l’équilibre : équilibre entre une ouvrière devenue cantatrice et un mari déployant beaucoup moins d’ambition à son goût ; équilibre entre le juge, qui s’est en partie sacrifié pour la passion professionnelle de sa femme ingénieure agronome. S’ajoutent à ces difficultés relationnelles et de communication un problème de responsable dévoyé, faisant passer son intérêt personnel avant l’amélioration de l’économie nationale. Au fil de la lecture, on apprend bien sûr certaines choses sur la Corée du nord, de quelques onomatopées utilisées à la pudeur des rapports amoureux tels qu’ils sont représentés (pas de baiser, encore moins de relations sexuelles visibles, une certaine naïveté est de rigueur), ainsi qu’à la centralité allant jusqu’à l’éloge du mariage (le divorce, pour être prononcé, a besoin d’une enquête et d’une décision judiciaire autonomes) et à la survivance d’une certaine inégalité entre les genres. Le style choisi est sobre, Baek Nam-Ryong soignant tout particulièrement ses descriptions de la nature. A tel point qu’on en vient à voir, dans cette harmonie naturelle si belle, une métaphore de ce que devrait être la vie de famille dans le pays, tant elle est présentée comme essentielle au bon fonctionnement de la mécanique sociale. Les professions mises en scène, pour leur part, participent d’un authentique bonheur, aucun personnage ne mettant en cause son mal-être éventuel au travail, encore moins une éventuelle aliénation. Des amis n’est donc pas un grand roman, en dépit de ses portraits assez touchants, mais il nous permet de découvrir la Corée du nord sous un angle relativement différent de ce à quoi l’on est habituellement accoutumé, quand bien même la morale de l’histoire demeure fort conventionnelle et conforme à l’orthodoxie en vigueur dans le pays1.

Notes

1 A cet égard, on peut s’étonner du choix de l’éditeur, qui insiste justement sur la personnalité propre de l’œuvre, d’avoir pris comme couverture une peinture de propagande du plus pur réalisme socialiste… Retour au texte

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Référence électronique

Jean-Guillaume Lanuque, « Baek Nam-Ryong, Des amis (Pot), Arles, Actes Sud, 2011, 255 p. », Dissidences [En ligne], Février 2012, Littérature scientifique, publié le 02 février 2012 et consulté le 25 avril 2024. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/dissidences/index.php?id=724

Auteur

Jean-Guillaume Lanuque

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