La sociologie de l'action collective est une spécialité en pleine expansion au sein de la discipline sociologique. Cette monographie constitue une bonne illustration des potentialités (et des limites) de cette approche. Aarrg, apprentis agitateurs pour un réseau de résistance globale, est une micro-composante qui s'est déployée au sein de la mouvance altermondialiste. Basée sur quelques villes, dont Paris qui fait l'objet de l'étude (avec des allusions à Toulouse), aarrg a fonctionné comme un collectif d'interventions " météorite ", puisque né en 2001, il disparaît en 2003. L'interrogation de l'auteur démarre précisément sur la fugacité de ce mouvement, à partir de l'hypothèse d'une fragilité du collectif militant refusant la perspective organisationnelle. Aarrg naît de la rencontre de jeunes étudiants (entre 10 et 20 au maximum), provenant de l'Ecole normale supérieur. Avant d'être un collectif activiste, c'est un groupe affinitaire, qui repose sur une culture commune et une forte interconnaissance. De cette caractéristique découle une identité politique a minima, se définissant plus par ses caractéristiques sociologiques que par un projet politique clairement discuté. On apprend au passage, que lors des premières réunions, un inconnu à l'époque, Olivier Besancenot, a fréquenté le noyau initiateur. Muni d'un fort capital culturel, les entrepreneurs politiques de Aarrg manifestent un engagement très distancié à l'organisation et à son formalisme. Essentiellement articulée autour de " coups ", l'activité de Aargg s'inscrit dans l'espace du mouvement altermondialiste, à travers des happenings destiné à nourrir l'actualité médiatique contestataire. Le groupe, imaginatif en diable (on lira la description de quelques unes de ces actions dont le clonage de José Bové), possède en son sein des spécialistes de la communication, experts contestataires de l'espace médiatique. Cette homologie de position avec les journalistes les amènent à développer une sorte de prestations de service à l'égard des associations plus assisses et institutionnalisées. Mais cette dynamique activiste s'essouffle rapidement, d'autant que plusieurs des initiateurs du collectif s'engagent dans la vie professionnelle. Finalement, le bilan des activités de Aarrg apparaît des plus limités car le changement de gouvernement en 2003 (notion de structure des opportunités politiques) obère toute possibilité pour les membres de faire pression sur le gouvernement Jospin. Luck montre bien dans ce travail les limites d'un engagement fondé sur l'activisme au détriment de la définition d'un projet politique. On espère, ainsi que sa conclusion y invite, que cette réflexion sera poursuivie et prolongée par une recherche plus systématique sur le rôle et la fonction des modes d'organisation dans la pérennité d'un groupement contestataire, en particulier en faisant place, dimension ici absente, à la démocratie interne.
Simon Luck, Le militantisme à Aarrg ! Paris. Les limites d'un engagement pragmatique et distancié, DEA Sociologie politique, sous la direction d'I. Sommier, Université de Paris I, 2004, 170 p.
Article publié le 27 mai 2012.
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Georges Ubbiali, « Simon Luck, Le militantisme à Aarrg ! Paris. Les limites d'un engagement pragmatique et distancié, DEA Sociologie politique, sous la direction d'I. Sommier, Université de Paris I, 2004, 170 p. », Dissidences [En ligne], Juin 2012, Nos archives du mois : l'altermondialisme, publié le 27 mai 2012 et consulté le 21 novembre 2024. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/dissidences/index.php?id=671