Thomas Coutrot, Démocratie contre capitalisme, Paris, La Dispute, 2005.

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Altermondialisme, Économie

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Voilà un livre qui devrait faire date et susciter de multiples débats. Son auteur est un économiste hétérodoxe, remarqué par quelques livres fortement décalés de la production mainstream économique (1998, 2002), membre par ailleurs de la commission scientifique d’Attac (2000). Dans ce stimulant essai, il se propose rien moins que d’être la référence économique du mouvement altermondialiste. Sa thèse est radicale, et il ne s’en cache pas, il s’agit de placer la revendication démocratique au centre de la transformation sociale. Le capitalisme, dans sa version néo-libérale, dominé par la finance, conduit à un rétrécissement continu de la sphère de la décision démocratique. Avec le chômage comme instrument d’insécurité généralisée et de disciplinarisation du monde du travail, le capital assoit son hégémonie (chapitre 1). Pourtant, à travers le monde, de nombreux mouvements de résistance s’organisent. Coutrot écarte un certain nombre d’impasses, tel la finance éthique qu’il distingue clairement du commerce solidaire. Ce dernier fait d’ailleurs l’objet du troisième chapitre, central dans sa démonstration. L’économie solidaire, selon lui, constitue un formidable mouvement de dépassement du capitalisme, dans la mesure où elle s’associe avec une volonté autogestionnaire généralisée. En politisant l’acte commercial, en mettant en place un contrôle ouvrier sur les multinationales, il est possible de rompre avec le capitalisme. Si l’ambition politique que développe Coutrot manque ici ou là de fondements empiriques (rappelons par exemple que le commercer équitable ne représente actuellement que 0,01% du commerce mondial), il n’en reste pas moins que sa démonstration apparaît pour le moins à contre-courant. Fondé sur une ample lecture du mouvement ouvrier (le mouvement coopératif) ou des expériences internationales (le cas yougoslave et ses impasses), sa revendication autogestionnaire apporte un peu d’air frais dans les conceptions d’une économie politique revivifiée. S’appuyant sur les travaux, hélas non traduits, d’économistes brésiliens (en particulier Daniel Singer), Coutrot en appelle à l’émergence d’une démocratie économique participative comme forme renouvelée du socialisme. Une démonstration exemplaire, inachevée sur bien des aspects (ainsi la problématique de la rupture avec le système capitaliste n’est pas véritablement abordée), mais qui dresse le portrait, sous l’angle économique, d’un autre monde possible. Ses réflexions rejoignent et se nourrissent des apports les plus récents d’une partie de l’extrême gauche révolutionnaire qui ne se contente pas de répéter les paroles sacrées des pères du socialisme, en tenant compte en particulier de la centralité de la question démocratique dans une perspective socialiste.

- Coutrot Thomas, L’entreprise néo-libérale, une nouvelle utopie capitaliste ?, Paris, La Découverte, 1998.
- Coutrot Thomas, Critique de l’organisation du travail, Paris, La Découverte, 2002.
- Avec Michel Husson, Avenue du plein-emploi, Paris,1001 nuits, 2000.

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Georges Ubbiali, « Thomas Coutrot, Démocratie contre capitalisme, Paris, La Dispute, 2005. », Dissidences [En ligne], Juin 2012, Nos archives du mois : l'altermondialisme, publié le 27 mai 2012 et consulté le 21 novembre 2024. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/dissidences/index.php?id=657

Auteur

Georges Ubbiali

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