Avec plusieurs décennies de militantisme et de réflexion derrière lui, Samir Amin livre un essai visant principalement à proposer des solutions afin d'améliorer l'efficacité du mouvement altermondialiste, et plus généralement de tous les opprimés. Le titre est à cet égard explicite : souhaitant garder le meilleur de l'héritage des quatre premières Internationales ouvrières, il juge nécessaire d'en fonder une nouvelle sur des bases en partie différentes. Il synthétise pour ce faire ses analyses sur l'histoire du capitalisme, au XXème siècle surtout, qualifiée par lui de « capitalisme sénile » (une expression également utilisée par le Parti des travailleurs), sans oublier l'évolution des luttes et leur dynamique actuelle,. Notons principalement le rôle décisif qu'il attribue à la conférence de Bandoung et aux vagues de décolonisation, donc aux périphéries du système desquelles sont nées les deux dernières « grandes révolutions » (en opposition aux « révolutions ordinaires », limitées à la satisfaction de problèmes immédiats), celles qui contiennent des germes d'avenir à long terme, la russe et la chinoise (dont découlent celles du Viet Nam et de Cuba).
Concernant la situation actuelle du capitalisme, dominée par les ravages du néo-libéralisme, il insiste sur l'existence d'un « impérialisme collectif » autour de la Triade, dirigé par les Etats-Unis en phase de prise de contrôle militaire sur le monde, et sur la multiplicité des sujets révolutionnaires, qui s'accompagne de la difficulté à les conjuguer ensemble. Pour résoudre cette faiblesse, il s'appuie sur la nécessité d'une prise du pouvoir politique à l'aide de partis, sur le modèle de la Ière Internationale, une fédération ouverte à la diversité (associations paysannes, féministes, écologistes, ainsi que les organisations communistes ou trotskystes…) mais avec l'objectif de radicaliser ses composantes. Sa vulgarisation sur les valeurs qui doivent en être le ciment est d'ailleurs assez intéressante. Il table à ce propos sur une transition longue vers le socialisme, tout en fixant des objectifs à moyen terme : stopper l'avancée du libéralisme sur le plan économique, militaire et idéologique.
Néanmoins, ses développements sur le bilan historique des Internationales sont bien trop brefs, la IVème en particulier (ou plutôt les IVèmes) n'ayant droit qu'à… six lignes ! De même, son point de vue selon lequel les trotskystes sont restés prisonniers d'une vision de la « révolution imminente » mériterait pour le moins d'être nuancé. Quant à son approche trop acritique du maoïsme, elle semble de plus en plus difficile à soutenir, surtout lorsqu'il écrit « (…) la Chine maoïste est parvenue à ces résultats [positifs] en évitant les dérives les plus dramatiques de l'Union soviétique (…) » (p.39).
Cette sorte de manifeste individuel est complétée par deux textes. Le premier, « L'islam politique au service du déploiement impérialiste », condamne sans appel l'islam politique comme étant intrinsèquement réactionnaire, et rejette par la même occasion toute défense du communautarisme au profit d'une laïcité stricte. A cet égard, les nuances qu'il apporte à la religiosité de la plupart des pays musulmans d'Afrique du nord et du Moyen-Orient (à l'exception de l'Arabie saoudite), par des références à leur histoire, mériteraient d'être approfondies. En fait, selon lui, ce sont les Etats-Unis qui ont soutenu et encouragé l'essor de l'islam politique dans le dernier demi siècle pour faire barrage à des tendances progressistes (l'exemple de l'Afghanistan « communiste », cité avec insistance, mériterait sans doute discussion). L'autre texte complémentaire est collectif, puisqu'il s'agit de « L'Appel de Bamako », adopté en janvier 2006, à l'occasion du cinquantième anniversaire de Bandoung, et dans lequel on retrouve certaines des propositions d'objectifs à court et moyen termes avancés par Samir Amin, souvent en plus détaillés.