Éric Agrikoliansky et Isabelle Sommier, Radiographie du mouvement altermondialiste, Paris, La Dispute, 2005, 318 p.

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Altermondialisme

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Réalisée par une nombreuse équipe d'universitaires (sociologues et politistes) du Centre de Recherches politiques de la Sorbonne, animé par Isabelle Sommier, voici la première étude de grande ampleur sur le mouvement altermondialiste. Une importante enquête de terrain menée sur le Forum Social Européen de Saint-Denis (novembre 2003) permet d'y voir plus clair sur les tendances, les publics, les militant(e)s. Ce qui apparaît au premier abord, c'est la diversité. Diversité des thèmes de lutte, diversité des stratégies proposées, divergences même entre environnementalistes et syndicalistes, divergences également entre ceux qui refusent les pratiques illégales et violentes et ceux - finalement très minoritaires - qui les acceptent. Cette étude contredit l'image du jeune militant violent, du "jeune casseur", volontiers mise en avant par les médias, après le FSE de Gênes notamment. Ce travail permet de décrire plus en finesse une mouvance altermondialiste que le journaliste du Figaro voyait comme "un melting-pot de trotskos, de post-babas et de néo-bobos" (Editorial du 12 novembre 2003). Que les trotskystes soient présents, notamment ceux de la LCR, soucieux d'être "là où sont les gens" (voir la contribution de Florence Johsua, pp. 249-262), c'est l'évidence. Mais les anciens du PCF, très présents à ATTAC, ont également un rôle déterminant. Plutôt diplômé du Supérieur, salarié du public, transnational (76% des altermondialistes parleraient une langue étrangère), le militant altermondialiste, notamment le dirigeant, est parfois accusé d'être un homme, blanc, de plus de 50 ans... et ancien militant ou militant d'un parti politique de gauche ou d'extrême gauche (Boris Gobille et Aysen Uysal, "Cosmopolites et enracinés", pp. 105-126). Ceci dit, ni les jeunes, ni les femmes, ni les immigrés ne se sont tenus à l'écart du FSE. La participation du Collectif des Musulmans de France - et de son invité Tariq Ramadan - n'est pas passée inaperçue. On a vu aussi les Catholiques tiersmondistes (du Comité Contre la Faim et pour le Développement -CCFD- notamment) participer au Forum de Saint-Denis, à la différence de leurs homologues italiens ou espagnols, mais comme les catholiques du Brésil, la Conférence des évêques de ce pays étant une des forces fondatrices du Forum Social Mondial de Porto Alegre. Dans leur conclusion, sans nier l'hétérogénéité d'un tel rassemblement, I. Sommier et E. Agrikoliansky observent que la forme Forum, le bannissement des porte-parole ou les principes de consensus produisent du "nous", "favorisent une identification à un mouvement qui se construit de la sorte non sur l'exclusion des adversaires ou des concurrents, mais sur l'intégration des luttes et des concurrences à un nouvel espace". Et les auteurs, un peu audacieux, d'ajouter : sur fond de déclin du PCF et du PS, le mouvement altermondialiste ne réveille-t-il pas "le serpent de mer qui, depuis les années 1980... s'interroge sur la construction d'un autre pôle à gauche"? (p.303).

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Jean-Paul Salles, « Éric Agrikoliansky et Isabelle Sommier, Radiographie du mouvement altermondialiste, Paris, La Dispute, 2005, 318 p. », Dissidences [En ligne], Juin 2012, Nos archives du mois : l'altermondialisme, publié le 27 mai 2012 et consulté le 19 avril 2024. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/dissidences/index.php?id=644

Auteur

Jean-Paul Salles

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