Jean-Christian Petitfils, Les communautés utopistes au XIXe siècle, Paris, Fayard, 2011, 416 p. (Pluriel).

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Cet ouvrage de Jean-Christian Petitfils est en fait la réédition de son travail de 1982, paru initialement dans la collection « La vie quotidienne ». Premier problème, d’ailleurs, son texte est reproduit tel quel, tout comme la bibliographie, alors qu’on aurait pu au moins espérer une réactualisation de cette dernière1. Par ailleurs, Jean-Christian Petitfils, auteur entre autres d’un Louis XVI plutôt indulgent pour le personnage et d’un Jésus qui tend à valider au moins en partie la vision de l’Eglise catholique, a clairement un positionnement politique opposé à celui des socialismes utopiques. Critiquant de manière unilatérale les utopies, jugées rêveuses, passéistes et trop peu concrètes, il défend l’idée d’une nature humaine intangible à laquelle se heurteraient toutes ces tentatives d’expérimentation collective par trop idéologiques2.

Ceci étant, il parvient la plupart du temps à réfréner ses penchants personnels pour livrer un exposé relativement large et détaillé, utilisant une ample documentation, principalement bibliographique. Débutant par une présentation des différents types de communautés étudiées, Jean-Christian Petitfils part de New Harmony de Robert Owen avant d’envisager les communistes et socialistes (catégorie un peu fourre-tout, où se côtoient les Icaries et Oneida, une communauté plutôt hors-sujet car plus proche de la secte religieuse), les fouriéristes (Reunion au Texas comme conjonction des disciples français et étatsuniens de Fourier) et les anarchistes (en particulier Giovanni Rossi et sa Cecilia au Brésil). Sont ensuite abordées les différentes étapes de la vie de ces communautés, de manière très didactique. L’élaboration du projet, parfois soutenu par des gouvernements (en Amérique latine, dans l’optique de colonisation des terres vierges), s’accompagne du choix du site, généralement conjoncturel et romantique, en lien avec une nature encore intacte, avant le voyage des futurs colons. Leur recrutement est d’ailleurs loin d’être toujours bien contrôlé, mêlant parfois des individualités susceptibles d’incompatibilités, en plus d’être relativement limité en nombre et soumis à une importante rotation en raison des départs et du découragement de certains.

Le fonctionnement de ces communautés révèle d’intéressantes différences, de la dérive bureaucratique à l’œuvre chez les Icariens et des tentatives bien rigides d’appliquer les affinités au travail de Fourier, jusqu’à la liberté plus poussée des anarchistes. Le détail des activités pratiquées, essentiellement d’ordre agricole et artisanal, est suivi d’un point sur le fréquent sexisme de ces tentatives, que ce soit dans la répartition des tâches ou à travers une morale sexuelle prude, conservant la centralité du mariage. Enfin, les différents types de réactions, positives et surtout négatives, introduisent aux causes de l’échec, liées le plus souvent aux dissensions internes : difficultés d’intégration d’individus non conformistes, subsistance des différences sociales ou raciales, tensions propres à des milieux trop fermés et restreints… Une mine d’informations, donc, mais qui souffre sans doute de son caractère trop englobant et se révèle avant tout descriptif, manquant souvent d’analyses poussées.

Notes

1 On pense par exemple aux livres de Ronald Creagh, Utopies américaines, ou de Céline Beaudet, Les milieux libres (chroniqués sur notre site). Retour au texte

2 Le Voyage en Icarie de Cabet est qualifié de totalitaire, ce qui semble pour le moins caricatural. Retour au texte

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Jean-Guillaume Lanuque, « Jean-Christian Petitfils, Les communautés utopistes au XIXe siècle, Paris, Fayard, 2011, 416 p. (Pluriel). », Dissidences [En ligne], Juin 2012, Varia, publié le 26 mai 2012 et consulté le 20 avril 2024. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/dissidences/index.php?id=639

Auteur

Jean-Guillaume Lanuque

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