Voilà un petit ouvrage à mettre entre toutes les mains, élément essentiel de la panoplie de l’honnête citoyen. John Stauber et Sheldon Rampton, militants étatsuniens défendant les consommateurs et l’environnement, nous livrent en effet un exposé fluide et accessible sur l’action des relations publiques au service des industries mortifères. Après un rappel sur l’essor des entreprises de relations publiques au début du XXe siècle, symbolisées par des figures comme Ivy Lee ou Edward Bernays (neveu de Freud et théoricien de la « fabrique du consentement »), les deux auteurs nous dévoilent les agissements des entreprises du tabac, afin de masquer la dangerosité de leurs produits et augmenter leurs profits, ou celles du nucléaire civil, insistant sur l’électricité bon marché et non polluante (négligeant la question cruciale des déchets) qu’elles étaient censées fournir.
Plus généralement, ce sont leurs diverses stratégies afin de manipuler opinion et dirigeants politiques qui sont exposées, de l’espionnage des opposants au lifting vert via la création ou le financement d’associations de défense de l’environnement (les accords de dupes entre McDonald’s et le WWF, qualifiée d’organisation verte bureaucratisée, sont à ce titre éloquents), en passant par la livraison de reportages complets aux journalistes. Avec ces entreprises de relations publiques, on a là un maillon supplémentaire de la chaîne des puissants, qui participe de la stabilité et de la pérennité d’un système, auquel on ne peut s’opposer que de façon collective, tant il y a d’efforts à déployer pour faire la lumière sur cette propagande économique. La propagande plus proprement politique est également abordée dans un chapitre, celle des dictateurs pour améliorer leur image à l’aide de l’argent de l’aide étatsunienne ou celle visant à diaboliser les sandinistes, mais le caractère isolé de cette réflexion la rend en partie hors-sujet, méritant à elle seule une ou plusieurs études.
Cette seconde édition s’est en outre largement enrichie. En plus d’un appareil critique de qualité, avec des notes détaillées permettant de bien se resituer dans le contexte des Etats-Unis, chaque chapitre a en effet été complété par un bref éclairage sur la situation française. Parmi les plus intéressants, on citera en particulier les développements sur Areva et son empreinte carbone massive liée à l’exploitation du nucléaire en Afrique (signalons d’ailleurs qu’Agone vient de publier un ouvrage tout entier dédié à cette thématique), ainsi que les liaisons dangereuses entre certains Verts et les agences de conseils…