Écrire l'histoire de la Résistance n'a jamais été une mince affaire. Au-delà des problèmes de sources, de sentiments et de ressentiments, nonobstant les enjeux de mémoire, des problèmes techniques se posent systématiquement au chercheur voulant faire honnêtement son travail. L'un des principaux est le caractère émietté de l'objet : mouvements, familles, lieux, moments, tout concoure à la difficulté d'une approche synthétique. Aujourd'hui, le temps passant, le sujet est un peu moins porteur de conflictualités. Mais le danger de voir des arbres plutôt qu'une forêt persiste. Cela est d'autant plus vrai que les dernières évolutions de l'historiographie font que l'on porte plutôt le regard sur la Résistance au quotidien dans une évolution qui ressort de l'histoire sociale. Le risque d'une nouvelle histoire en miettes n'est pas absent.
Alya Aglan a cherché à réinsérer de la globalité tout en faisant sienne cette dernière approche, qu'elle mâtine fortement d'incursions bien maîtrisées dans le champ de la philosophie. Assumant parfaitement (préface) ses travaux monographiques passés1, elle se propose ici de former une synthèse. En effet, elle a cherché à montrer que, par delà une indéniable diversité, des mécanismes communs avaient joué, un contexte aussi, qui donnent à la Résistance de l'homogénéité. Ainsi, l'acte de résister était partagé par tous, les risques encourus étaient plus ou moins importants mais ils étaient. D'autre part, le rapport au temps était une autre forme de communauté et c'est de ce point de vue dominant que l'ouvrage est construit. Le caractère homogénéisant de ce dernier est démontré de très diverses manières. Pour ne citer que celle-ci : le temps de Vichy était arrêté, l'histoire était terminée, celui de la Résistance était un élan vers des lendemains qui auraient du chanter. Il est par ailleurs considéré comme caractérisant l'engagement, ce qui revient à ouvrir un champ de réflexion par delà la seule période de l'Occupation.
La crainte d'une dérive irénique s'avère vite sans fondement : l'auteur distingue bien entre les contingences temporelles, communes à tous ceux qui ont résisté, et les ressorts d'ordre philosophiques ou idéologiques. La seule réserve à formuler est que la magistrale mise en évidence de cette donnée commune conduit à mettre au second plan la différence de fond entre, par exemple, un résistant communiste et un résistant gaulliste quant au monde souhaité au-delà de la guerre. Dans cette projection, le temps intervient à nouveau mais les deux visions sont antagonistes, la diversité réapparaît alors.