Nous avons déjà eu par le passé l'occasion de chroniquer les ouvrages de ce grand historien des Etats-Unis qu'est Howard Zinn, en particulier son autobiographie, L'impossible neutralité . Ce petit ouvrage inédit se compose en fait de deux articles de 1990 (le plus consistant étant « La loi et la justice »), ainsi que d'une conférence faite au Canada en novembre 2008, au lendemain de l'élection d'Obama ; il y critiquait déjà le manque d'audace du nouveau président, loin du New Deal de Roosevelt.
Comme le titre choisi pour le recueil l'indique, Howard Zinn tente de comprendre la mentalité bipolaire de ses compatriotes, entre une soif de justice sensible à travers les luttes anti-esclavagistes ou anti-ségrégationnistes, et un patriotisme transclassiste lié au sentiment d'incarner un modèle exceptionnel (bien qu'il n'insiste pas sur la nature religieuse de cette mentalité). Il rappelle donc utilement l'existence, dès les origines du pays, de la domination de la bourgeoisie et des luttes de classes, ainsi que des velléités impérialistes, la politique extérieure de son pays étant tout particulièrement antidémocratique.
Au passage, il met en cause le système éducatif, silencieux sur ces aspects de l'histoire nationale et sur l'importance des mouvements sociaux, un débat qui rejoint celui mené en France. Howard Zinn endosse ce faisant le rôle d'une véritable conscience morale, s'opposant à toute guerre, même qualifiée de juste, plaçant la justice devant la loi et défendant conséquemment la désobéissance civile (allant jusqu'à la clandestinité pour éviter une peine injuste). Bien sûr, l'historien ne va pas au fond des choses, mais ce petit essai est une invitation à (re)découvrir son Histoire populaire des Etats-Unis de 1492 à nos jours.