Les ouvrages sur l'affiche politique oscillent le plus souvent entre deux pôles. Le premier cas concerne des éditeurs qui privilégient la reproduction des œuvres, sur papier glacé (avec bien entendu un prix de vente souvent élevé), avec une partie analytique réduite au strict minimum ou bien une vague préface conclue à la va-vite. Dans l'autre cas, qui est hélas plus rare, nous nous trouvons en face d'un savant et subtil mélange de reproductions tout aussi soignées et d'un appareil critique et historique rédigé par un spécialiste du sujet.
Manifestement, l'ouvrage dont nous rendons compte ici ressort du premier cas de figure. Il s'agit d'un choix d'affiches primées lors des dix triennales de l'Affiche politique organisées à Mons (Belgique) entre 1978 et 2007. Ces 70 affiches ont été regroupées lors d'une exposition au Centre culturel Arc-en-Ciel de Liévin, et ce livre en est donc, en quelque sorte, le catalogue. En feuilletant ces pages, le spécialiste reconnaît des auteurs possédant une certaine notoriété dans ce domaine. On y trouve le groupe Grapus, par exemple, 1er prix de la Triennale en 1986 pour une affiche du Mouvement de la paix à propos de la Marche pour le désarmement d'octobre 1983 à Paris (p. 31), ou Claude Baillargeon, auteur de l'affiche pour une exposition de la Bibliothèque de Documentation Internationale Contemporaine (BDIC) à Paris (mai/juillet 1990) sur la propagande sous Vichy (p. 48).
Néanmoins, aucune œuvre n'est placée dans son contexte (historique, culturel, etc.) et l'on ne sait rien non plus sur la place de l'affiche représentée dans le parcours de son auteur, pas plus que sur les dimensions ou les éventuels commanditaires. Ainsi, tout ce qui renseigne une œuvre, tout ce qui permet de mesurer son efficace n'est pas traité. Par contre, le lecteur n'ignore rien des opinions du préfacier Alain Le Quernec, lui-même affichiste célèbre (p. 25, 57), pour qui les affiches de propagande de la guerre froide, « des « merdes » tant intellectuelles que graphiques », utilisaient « un langage primaire voire primitif, pour les cons et mal comprenant » (p. 10). Les spécialistes apprécieront...
Ne reste qu'un joli livre de reproductions, réduites au statut d'œuvres d'art, ce dont Alain Le Quernec ne paraît pas se plaindre, et qui plaira à quelques lecteurs pressés, sans nul doute. C'est bien dommage. Pour notre part, nous postulons, évidemment, que ces affiches là, que toutes les affiches, politiques ou non, méritent mieux, bien mieux : elles ont droit au statut d'objets historiques à part entière.