« Ce livre n'est pas un livre d'art » : l'avertissement lancé au préalable par l'artiste africain Bruce Clarke rappelle les courants surréalistes et dadaïstes du siècle dernier. Comme eux, Clarke revendique un art engagé, puisqu'il considère la mondialisation libérale actuelle comme une nouvelle forme d'esclavage. Par ses créations, montages colorisés à base de collages d'extraits de journaux ou de magazines et de silhouettes anonymes, qui figurent en grande quantité dans ce bel ouvrage, il souhaite aller au delà des discours dominants, falsificateurs d'une réalité obscène, et stimuler la réflexion de tout un chacun. Ainsi qu'il l'écrit lui même -puisque des textes de sa plume accompagnent ses oeuvres graphiques, à la fois en français et en anglais-, « Tel un antidépresseur, la langue cache la violence du monde, mais, du même coup, réduit nos espoirs d'un monde meilleur » (p.84). Citant à l'occasion quelques chiffres chocs (40% des humains n'ayant pas accès à l'eau potable, ou 85% des besoins israéliens en eau situés sur le territoire palestinien…), et insistant sur l'idée de « traite sélective » (l'utilisation de la main d'œuvre originaire des anciens pays colonisés), il développe dans ce cadre limité un discours sans concessions, accusant le système capitaliste actuel de crime contre l'humanité, par son insistance sur le travail et l'argent, et les populations du Nord de complicité passive implicite, par leur silence sur la déshumanisation en cours, y compris à leur égard. Préfacé par le directeur du musée des arts derniers (sic), cet ouvrage est complété par une interview assez libre de l'artiste peintre, qui revient sur son engagement contre l'apartheid en Afrique du sud et surtout pour diffuser l'information quant au génocide qui se déroulait au Rwanda. Ce n'est donc pas un hasard si c'est lui qui a été choisi pour mettre en œuvre le monument dédié aux victimes du génocide, le jardin de la mémoire, constitué d'un million de pierres représentant les victimes du massacre… Un livre forcément questionnant, qui adopte comme mot d'ordre « … Alors cultivons-nous. Et sortons nos armes » (p.180).
Bruce Clarke, Dominations , Paris, Homnisphères, 2006, 224 p. (Savoirs autonomes).
Article publié le 10 décembre 2012.
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Jean-Guillaume Lanuque, « Bruce Clarke, Dominations , Paris, Homnisphères, 2006, 224 p. (Savoirs autonomes). », Dissidences [En ligne], Culture, littérature (romans, BD), publié le 10 décembre 2012 et consulté le 21 novembre 2024. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/dissidences/index.php?id=511