Avec un tel titre, comment ne pas se précipiter sur le dernier ouvrage de Levaray ? Illustré par Gil, ce court roman d'un des grands noms de la littérature sociale rompt avec les ouvrages précédents de son auteur (on trouvera sur ce site plusieurs comptes rendus des titres de J.-P. Levaray). En effet, jusqu'alors, l'auteur avait pris son inspiration dans son expérience de travailleur de la chimie, militant syndicaliste. Il nous racontait les difficultés du travail, les luttes et une certaine désespérance ouvrière face au rouleau compresseur des plans sociaux à répétition. Cette fois ci, Levaray saute le pas et propose une pure fiction, mâtinée de roman policier. Le fonds social est toujours présent, même si Levaray semble s'éloigner un peu plus des idéaux émancipateurs : « Le jour où j'ai dû quitter l'usine, j'ai perdu toute illusion de lutte collective où nous pourrions nous en sortir « tous ensemble », nous les prolos. Comment croire encore à l'utopie collective quand tu te retrouves tout seul, lâché par les autres ? », p. 53. Cette désillusion se raconte à travers le romanesque. L'l'histoire est celle d'un ouvrier d'un grand groupe qui, licencié, va se lancer dans le grand jeu consistant à exécuter le patron du consortium. Il commence à se faire passer pour ce qu'il n'est pas, un cadre supérieur, afin d'observer in situ le fonctionnement du siège social. C'est ainsi, de l'intérieur, qu'il peut découvrir les us et coutumes de ce grand fauve de l'industrie. Il y fait aussi une rencontre inattendue qui permet au romanesque de s'échapper de la fable sociale convenue. S'il parvient en effet à tuer son patron, comme son titre l'indique, la chute, en revanche, se révèle plus inattendue. En attendant, comment ne pas suivre ses paroles quand il annonce « Je pense à ces ouvriers qui ont retrouvé le réflexe de séquestrer leurs patrons. Je pense à ces Indiens qui ont tué le leur. Un jour, peut-être qu'un patron défoncera la baie vitrée de son bureau, lancé par des ouvriers excédés. La terreur doit changer de camp. Ils devront pisser dans leur culotte, parce qu'on leur fera de nouveau peur », p. 119.
Jean-Pierre Levaray, Tue ton patron, Paris, Libertalia, 2010, 145 p.
Article publié le 06 décembre 2012.
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Georges Ubbiali, « Jean-Pierre Levaray, Tue ton patron, Paris, Libertalia, 2010, 145 p. », Dissidences [En ligne], Culture, littérature (romans, BD), publié le 06 décembre 2012 et consulté le 21 novembre 2024. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/dissidences/index.php?id=507