Georges Vidal, La grande illusion ? Le Parti communiste français et la Défense nationale à l'époque du Front populaire, Lyon, PUL, 2006, 484 p.

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Communisme

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Avec l'édition remaniée de cette thèse de doctorat d'histoire (soutenue en décembre 2002 à Montpellier III), le lecteur dispose d'un grand livre d'histoire sociale contemporaine. Ne mâchons pas nos mots et avouons le grand plaisir et l'intérêt constant à la lecture de cet ouvrage. Certes, le point de départ semble assez limité, autant que la période, mais en fait, ce que Georges Vidal dessine, c'est la transformation d'une force politique encore dans la dynamique révolutionnaire en un parti réformiste des plus classiques. Evacuons d'abord les quelques critiques à faire à l'ouvrage, au nombre de deux. La première a trait à la période prise en compte soit quatre années au plus. Cette contraction du temps amène l'auteur à avoir tendance à répéter les mêmes informations, tant les périodes analysées se percutent. La seconde, annoncée dès le départ, est que les évolutions de la doctrine militaire du Parti sont analysées au niveau de sa direction. Le lecteur ne saura rien ou si peu, de la manière dont les militants de base vivront cette transformation, ses contradictions et éventuels déchirements. A partir d'une riche documentation croisée, l'auteur s'intéresse donc à la transformation d'une force marquée au fer rouge de l'antimilitarisme révolutionnaire, avant la politique du Front populaire, en un parti s'intégrant dans une politique de défense nationale. Dans un premier chapitre, Vidal rappelle la force du sentiment antimilitariste qui anime le PCF, antimilitarisme teinté d'une forte coloration philosoviétique, l'Union soviétique étant conçue comme la patrie des révolutionnaire et l'Armée rouge comme le détachement armé du prolétariat mondial. Si un patriotisme anime les communistes, c'est un patriotisme d'un genre assez particulier puisqu'il concerne une nation étrangère, l'URSS. Cette orientation amène le PCF à développer un travail « anti »-militariste, avec une branche spécialisée (clandestine) et une presse destinée aux soldats. Après février 34, André Marty, dans une note secrète, trace les grandes lignes de la rupture avec ce antimilitarisme kominternien : maintien du traditionnel travail au sein de l'armée, mise en place d'une politique antifasciste visant le corps des officiers et enfin antifascisme de masse en lien avec la SFIO afin de prévenir toute guerre contre l'URSS. Paradoxalement, au moment où ce « modérantisme » est théorisé, le PCF retrouve un accent ultra-gauche, valorisant l'insurrection. Cet aspect très intéressant, qui se renouvellera dans la période qui suit, non plus cette fois sous le poids de l'histoire directe, mais du fait des critiques de gauche (socialistes pivertistes ou trotskystes), montre l'influence du contexte sur la politique communiste. En effet, n'oublions pas que l'année 1934 est celle où, à Vienne, en Autriche, il y a la lutte armée menée par les sociaux démocrates contre le gouvernement réactionnaire et en Espagne, l'insurrection ouvrière des Asturies. Malgré ses sursauts liés à son legs historique et programmatique, la politique de la direction communiste tend très clairement vers une modération de sa conception militaire. Dès les premiers mois de l'année 1936, sous l'impulsion du 7 e congrès de l'Internationale communiste (IC), le tournant en faveur de la défense nationale est engagé. Avec le succès du Front populaire, la stratégie militaire du PCF se manifeste dans la revendication d'une républicanisation de l'Armée et de ses cadres. Les communistes se montrent particulièrement actifs dans le soutien à la création d'associations d'officiers républicains, copiant asses étroitement le modèle de l'armée républicaine espagnole, alors en voie de constitution. Pour autant, cette politique n'obtiendra jamais l'assentiment de la hiérarchie militaire qui considérera toujours avec suspicion (et même hantise) l'empreinte communiste sur l'armée. Le « complot communiste » demeurera toujours l'horizon de perception de l'armée et de son encadrement. Avec la perspective croissante du déclenchement de la guerre consécutive à l'expansionnisme hitlérien en fin de période, le PCF se rallie totalement au principe du renforcement de l'armée française et vote les crédits militaires. Désormais, l'Union nationale est de mise. L'Humanité ouvre ses colonnes à un général, illustration du militarisme républicain qui constitue désormais la doctrine communiste en la matière. On voudrait citer pour conclure, deux extraits (rapportés p. 405) qui illustrent le tournant opéré par le PCF, à travers les positions d'un de ses intellectuels emblématiques, Louis Aragon. En 1928, tout jeune adhérent, encore désireux de faire cohabiter le surréalisme avec le communisme, celui-ci écrit (dans Le traité du style ) cette sentence souvent citée « j'ai bien l'honneur (…) de dire que, très consciemment, je conchie l'armée française dans sa totalité  ». En 1964, dans un livre d'entretiens, le ton a changé «  Je vous avoue que j'ai pas détesté la vie de soldat. Au fond, j'aurais fait un pas trop mauvais militaire et d'ailleurs je me suis toujours bien entendu avec les militaires  ».

On ne peut souhaiter que ce beau travail, auquel ne manquent ni chronologie, ni bibliographie ni index, trouvera les lecteurs attentifs qu'il mérite amplement.

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Georges Ubbiali, « Georges Vidal, La grande illusion ? Le Parti communiste français et la Défense nationale à l'époque du Front populaire, Lyon, PUL, 2006, 484 p. », Dissidences [En ligne], Communisme français, publié le 27 septembre 2012 et consulté le 21 novembre 2024. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/dissidences/index.php?id=489

Auteur

Georges Ubbiali

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