Ne scellons pas plus longtemps ce qui a constitué la chance de Raymond Treppo, monsieur de 83 ans qui vient de publier ses mémoires : il s'agit du fait qu'il ait découvert le Parti communiste dès sa jeunesse. Cette rencontre va le faire vivre toute sa vie, au sens propre du terme, lui et sa proche famille.
En effet, à l'occasion de son engagement précoce au sein de la résistance dans la région grenobloise, Treppo adhère au Parti. Il ne le quittera plus. Jeune ouvrier sans véritable qualification, il accepte au sortir de la guerre un poste de permanent à France-URSS, organisation satellite de l'écosystème communiste. Il y fera une belle carrière, puisque les années passant, il en deviendra secrétaire général, tandis que sa femme, elle, est embauchée à l'UFF, Union des femmes françaises, organisation s'inscrivant également dans le même écosystème. Sa vie est celle d'un permanent du parti. Il suit rapidement l'école centrale du parti, ce qui lui permet d'apprécier la culture générale qui lui avait échappé largement jusqu'alors. Il n'hésite d'ailleurs pas, fasciné par les lettres classiques, à écrire « Je suis devenu Balzacien », p.85. En 1965, changement dans l'orientation de sa carrière, le Parti l'affecte au suivi de l'usine de Renault-Billancourt, où il dirigera l'intervention communiste durant 10 ans. Cadre intermédiaire du Parti qui l'élève dans sa dignité ouvrière et lui assure ses fins de mois, il est élu finalement au CC en 1969. Il poursuivra par la suite sa « carrière » comme responsable aux entreprises, afin d'y diffuser la pensée communiste. Après sa retraite, il continuera à militer dans divers cercles communistes des entreprises et un peu aussi dans sa cité.
Raymond Treppo est le parfait militant, qui épouse, décennies après décennies toutes les évolutions communistes. Il n'a pas de regret, même s'il pense que l'adoration de l'URSS était quand même démesurée. Pour le reste, il n'exprime que satisfaction et félicité : « le Parti m'aide « à rester jeune » et combatif. Je continuerai d'apporter ma modeste contribution à la construction du PCF du 21eme siècle, avec espoir, confiance et courage parce que je sais qu'il est nécessaire au bonheur des femmes et des hommes de notre pays »., p.162. Sans grande qualité littéraire - plus qu'un livre, c'est une sorte d'assemblage de court feuillets qui se succèdent -, son ouvrage retient surtout l'attention par ce qu'il nous apprend sur le vécu (même s'il n'est pas très disert) de l'intérieur d'un fonctionnaire communiste. Sont par exemple très valorisées toutes les lectures (le livre se termine d'ailleurs par un chapitre, mes lectures) et la détention d'un capital culturel largement supérieur à celui des individus de sa condition.