David Saint-Pierre, Maurice Laporte, une jeunesse révolutionnaire. Du communisme à l'anticommunisme (1916-1945), Québec, Presses de l'Université Laval, 2006, 149 p.

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Organisation, Communisme

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Très peu présent dans l'historiographie du PCF ou du communisme international1, le parcours politique de Maurice Laporte n'en a pas moins paru stimulant au jeune chercheur David Saint-Pierre.

C'est donc l'histoire d'un jeune militant français durant une période marquée par la grande guerre et les bouleversements révolutionnaires, Maurice Laporte, que nous suivons de son entrée active en politique, à sa rupture. Récit d’un moment qui lie Laporte, d’abord comme adhérent puis comme opposant ensuite, au communisme. La guerre est l'élément déclencheur du militantisme de Laporte. Le pacifisme, à la base de ses premiers engagements militants, se traduit dans le socialisme auquel il adhère en 1916. Il vient ensuite au communisme, attiré par le rayonnement de la Révolution russe, et participe activement au processus de communisation du mouvement ouvrier impulsé par la fondation de l'Internationale communiste (IC) en 1919. La création de l'Internationale communiste des jeunes (ICJ) intensifie la propagande menée par Laporte, et conduit le Comité pour l'autonomie des jeunes socialistes, qu’il anime, à adhérer à la troisième Internationale. Lors de la création des Jeunesses communistes (JC) en novembre 1920, Laporte en devient le dirigeant et le représentant au comité directeur du jeune Parti communiste (PC-SFIC). Au fil de la lecture, le travail de David Saint-Pierre précise alors l'importance, souvent méconnue, des rôles joués d'abord par l'homme dans la bolchevisation du parti comme au sein des instances internationales, ensuite par les Jeunesses communistes, notamment dans l'adhésion en masse des socialistes au Komintern. Maurice laporte est un grand propagandiste qui défend des positions radicales et un vocabulaire bolchevique. Il s'oppose à la tactique du front unique affirmée par l'IC lors de son 3e congrès, la considérant comme inapplicable avant l'épuration ferme du parti et sa transformation en véritable parti communiste. Malgré sa soumission aux nouvelles directives, il affirme ses convictions et sa propre vision du communisme. Les tensions devenant tenaces au sein du PCF comme au sein de la direction des JC, ce contexte amène Laporte (comme Péri) à transmettre sa lettre de démission à Moscou, moyen pour l'ICJ de statuer sur la situation et de trancher en faveur de Laporte contre Doriot, son successeur à la tête des JC. L'appui de l'ICJ ne viendra pas, Laporte militera encore deux ans à la base, espérant un retour en grâce, pour rompre définitivement avec le communisme en 1925. L'"ex" (communiste) reconverti écrivain s'engage alors, à la fin des années 1920, dans le combat contraire et dans une campagne anticommuniste vigoureuse. Il dit rester fidèle au communisme originel perverti, après la Révolution russe, par le stalinisme. Laporte fera le jeu de la droite nationaliste dans les années 1930, collaborera sous Vichy, se réfugiera en Suisse à la Libération et ne reviendra pas en France car il est sous le coup d'un mandat d'arrêt. Il meurt en 1987 d'une leucémie. L’importance que revêt cette recherche se précise par la rigueur du travail documentaire2 et l’éclairage, par l’analyse, de différents pans de l’histoire de l'organisation.

D'une part, la trajectoire politique de Maurice Laporte nous donne à voir l'originalité d'un parcours que Maurice Agulhon aime à classifier d'"ex" (communiste) à la Henri Barbé ou à la Jacques Doriot. D'autre part, cet itinéraire, articulé à l'histoire de l'organisation, met en exergue les interactions entre l'individuel et le collectif, et permet d'appréhender un pan de la culture politique d'une génération de militants communistes. Deux faiblesses - plus ou moins indépendantes de l'auteur - viennent néanmoins affaiblir la qualité du travail biographique de David Saint-Pierre. Bien malheureusement la préface du livre, signée Renéo Lukic, est hasardeuse, comprenant approximations et parfois contresens ; deux exemples en illustration. C'est un « homme qui se range au cours des années 1930 du côté de l'extrême droite antisémite » (p. xiv). Ses publications font le jeu de la droite nationaliste et populiste mais aucun élément ne nous permet d'affirmer cet égarement idéologique avant le début des années 1940. « C'est donc avec Doriot que Laporte partage sa nouvelle identité politique » (p. xiv). David saint-Pierre affirme pourtant l'inverse, Laporte n'a jamais rejoint le PPF, il ne pourrait, eu égard du passé, être Doriotiste. Parlons pour ce travail d'une première approche biographique, la richesse du corpus documentaire de la première période contrebalançant une absence de sources au delà de la période des années 1930 : seulement six pages pour tenter d'expliciter ou de reconstruire le parcours politique de l'homme, de l'anticommunisme conjugué à l'antisémitisme et à sa collaboration active lors de l’Occupation. Les sources manquent donc ! La période est survolée par l'auteur, ce qui est dommage car d'un intérêt non négligeable sur la France des années 1930, de l'Occupation et de l'après-guerre, autre moment où Laporte opère de nouveau des retournements politiques, confirmant cette image construite d'un « opportuniste indiscipliné ».

Notes

1 Un article est consacré à M. Laporte dans le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, dirigé par J. Maitron, vol. 33, Paris, Editions ouvrières, 1964, p. 259-261. Retour au texte

2 Outre les archives de Moscou - RGASPI - (notamment les fonds de l'ICJ et de la SFIC) et la presse militante, David Saint-Pierre a croisé ces sources avec les archives de la sûreté générale française (à Fontainebleau), à savoir les dossiers de la police nationale concernant la surveillance des organisations suspectes. Voir notamment la présentation faite du Centre des Archives Contemporaines (CAC) dans Dissidences, n° 14-15, octobre 2003 / janvier 2004. Retour au texte

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Hervé Chalton, « David Saint-Pierre, Maurice Laporte, une jeunesse révolutionnaire. Du communisme à l'anticommunisme (1916-1945), Québec, Presses de l'Université Laval, 2006, 149 p. », Dissidences [En ligne], Communisme français, publié le 21 septembre 2012 et consulté le 28 mars 2024. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/dissidences/index.php?id=484

Auteur

Hervé Chalton

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