Ce n'est pas un témoignage de plus sur le PCF ou l'IC, ce n'est pas l'hagiographie du père, faite par le fils, mais davantage les activités militantes quotidiennes, les anecdotes et détails agrémentant ces moments, du déroulement d'une réunion à l'organisation d'une résistance morale à Mauthausen, le tout organisé autour des grands épisodes vécus par Octave Rabaté, de la Révolution russe à la guerre, en passant par le Front populaire. L'histoire de l'organisation est succincte, souvenirs et documents nourrissent les chroniques d'un événement, le vécu du militant, cette mémoire s'appuie essentiellement sur la correspondance privée du père de l'auteur.
Ebloui comme beaucoup par la Révolution d'Octobre, Octave Rabaté adhère au nouveau parti communiste, la SFIC en 1920. Elu au comité central en 1924, il milite et participe à la naissance des Comités d'Entreprise en 1925. Membre du Bureau politique de juillet à décembre 1925, il est un militant discipliné respectant le centralisme démocratique. Rabaté rencontre sa future femme Maria en 1927. Une très grande partie du livre (malgré son titre) est consacrée à Octave, très peu d'épisodes sont abordés sur la vie de Maria.
L'affaire de Versailles (transmission de renseignements à l'URSS sur la France) plonge Rabaté, en 1928, dans une clandestinité de cinq ans où il se rendra à Moscou travaillant pour l'ISR, ensuite en Amérique du sud en tant que représentant de l'Internationale syndicale, puis en Espagne où il rencontrera entre autre Pépé Diaz et Dolorès Ibarruri. A son retour en France en 1933, il est envoyé à Bordeaux où il militera, au moment des événements de février 1934, pour la réunification syndicale. Il participe pleinement aux batailles menées pour le Front populaire et travaille aux côtés d'Henri Barbusse au sein du mouvement « Amsterdam – Pleyel », le Comité mondial contre la guerre et le fascisme. Mobilisé pendant la guerre, Rabaté entre ensuite en Résistance, sera rapidement arrêté, incarcéré puis déporté à Mauthausen. Les notes d'autres détenus comme la correspondance privée de Rabaté, largement retranscrites, nous donnent des détails et descriptions assez précis du quotidien des détenus du camp, de l'organisation parallèle mise en place pour survivre et de la part prise par Octave Rabaté dans le Comité international clandestin de résistance dont il est l'un des initiateurs. Cette partie du livre est sans doute la plus stimulante et s'approche davantage d'un recueil de documents de première main sur la vie au camp, l'organisation de la solidarité entre détenus, le travail d'information et de maintien du moral de chacun. La guerre terminée, Rabaté se consacre jusqu'à la fin de sa vie au journal L'Humanité où il s'attache à former de jeunes néophytes au journalisme, lui-même étant nommé à la direction de la rubrique des affaires sociales puis directeur de publication du journal en 1957.
Le fils nous montre tout au long du livre des parents partageant un idéal commun, fait de séparations souvent longues et régulières, un père au sein du parti respectant une discipline de fer malgré des doutes inhérents face à la perversion stalinienne progressivement affichée (le pacte germano-soviétique, le rapport Kroutchtchev, les procès dits de Moscou, de Paris, etc.), il fallait toujours soutenir et justifier, quoi qu'il en soit, la ligne du parti.
Ce livre est davantage un recueil d'archives (correspondances, entretiens, interviews, rapports, etc.) souvent personnelles. Rétablies dans un ordre chronologique, commentées le plus souvent avec justesse, elles nous relatent une vie au service d'un parti et nous plongent plus encore dans le quotidien d'un militant communiste traversant les événements de ce 20 e siècle avec son idéal, ses doutes, ses espoirs comme ses aspirations.