Bernard Pudal, professeur de science politique à Nanterre, a publié une livre majeur pour la compréhension de l'histoire du PCF ( Prendre parti. Pour une sociologie historique du PCF , Ed. FNSP, 1989). Dans les dernières années, il avait proposé sur le thème du communisme une série d'articles ou de contributions dans des livres collectifs, qui, remaniés, constituent cet ouvrage. Malgré le travail de reprise et d'unification de ces différentes contributions pour en construire un livre, Pudal est bien conscient de l'aspect éclaté et fragmentaire du texte qui en résulte puisqu'il écrit qu'« il s'agit moins pour nous de proposer une histoire du PCF que de mettre en œuvre un cadre analytique socio-historique susceptible de rendre compte des logiques qui président à son involution » (p. 18). Le lecteur surmontera assez facilement cet éparpillement, rapidement convaincu par l'intérêt de la démarche proposée.
Sa démonstration repose à la fois sur l'innovation du propos (place de la psychanalyse et de ses concepts pour comprendre les phénomènes de croyance et d'adhérence au Parti. Lire en particulier le chapitre consacré à G. Belloin), sur l'érudition maîtrisée1 (fine connaissance des productions intellectuelles de la sphère communiste par exemple) ou encore par la documentation de première main mobilisée. Arrêtons nous un instant sur cet aspect. Si Pudal utilise une littérature grise (thèses, mémoires universitaires, qui, au passage démontrent l'intérêt que continue de susciter l'objet PCF dans le monde académique), il appuie également sa démonstration sur des archives inédites. On découvre ainsi (à propos de l'attitude de la direction communiste en mai 68) que Waldeck Rochet, face à la crise politique qui mûrit, aspire à la solution électorale, avant que De Gaulle ne la mette en œuvre. Si Pudal montre son attachement à la matrice communiste (clairement affichée dans les passages consacrés à l'évolution bloquée de la Fédération de Paris), il n'en fait pas moins montre d'une critique sans concession à l'égard de la politique mise en œuvre par un appareil de direction en déshérence, désormais figé en un sauve-qui-peut bureaucratique.
Le portrait du PCF de la période Robert Hue (chap. 6) apparaît ainsi comme une peinture particulièrement cruelle d'une déliquescence dans ses multiples dimensions, aboutissant à « une sorte de paralysie d'organisation qui désenchante les militants » (p. 183). Comment alors expliquer ce bilan de (quasi) faillite politique ? Il revient à l'auteur, dans un programme de recherche esquissé dans l'ultime chapitre (« Ouvriers, politisation et communisme »), de proposer une hypothèse de travail, calquée sur l'analyse développée dans La révolution trahie par Léon Trotsky. En effet, Pudal avance que finalement le groupe dirigeant du PCF n'a jamais procédé qu'à l'expropriation politique des groupes ouvriers à son propre profit, prolongeant la dépossession structurelle des groupes ouvriers dans le cadre d'une société de classe (ici capitaliste). Pudal avance donc qu'il semble plus que jamais nécessaire de comprendre les liens qui se nouent entre les groupes populaires et ceux qui aspirent à les représenter. Rien dans son propos n'indique que le PCF, en tant qu'institution, soit amené à jouer un rôle en la matière.
Bernard Pudal offre avec ce livre une démonstration magistrale sur tout un pan de l'histoire du mouvement ouvrier en phase de suicide accéléré.