Sous un titre qui se veut une réponse contradictoire au best seller de François Furet, Le passé d'une illusion , Patrice Cohen-Séat, un des dirigeants du PCF, livre un essai de vulgarisation destiné à comprendre la défaite cuisante de Marie-Georges Buffet à la présidentielle de 2007 et à réfléchir sur les solutions possibles permettant d'éviter la disparition pure et simple du parti et de son idéal, afin de passer d'une « civilisation de l'avoir » à une « civilisation de l'être ». Partisan d'un « tournant radical », il rappelle que la rénovation textuelle du Parti a été considérable, sans que cela soit suffisamment visible dans les actes. Il effectue justement un retour sur le passé, et sans repousser la révolution d'octobre, il souligne le « naufrage absolu » de l'URSS, manquant sans doute tout autant de nuances que les thuriféraires d'autrefois… Constatons toutefois que la vision de l'histoire du PCF est un peu trop souvent idyllique, sur la Seconde Guerre mondiale ou les guerres coloniales, en particulier.
Si les constats sur la situation actuelle engendreront un consensus assez large au sein de l'extrême gauche, en dehors de quelques exagérations ponctuelles (sur les « merveilles » que le capitalisme génère, p.124), certaines des orientations préconisées risquent d'être plus discutées. Ainsi, il semble accepter la démocratie française telle qu'elle est, tout en rêvant d'une « révolution démocratique », implicitement respectueuse du cadre actuel (sa référence à l'analyse de Marx qui souhaitait que l'Etat s'empare des moyens de production oublie également qu'il s'agissait non de l'Etat bourgeois, mais d'un Etat ouvrier, p.162). De même, sans remettre en cause la réalité de la lutte des classes, Cohen-Séat a toutefois tendance à pacifier l'essence révolutionnaire du communisme : il préconise de donner davantage de responsabilités aux salariés, afin d'atteindre à une meilleure efficacité, sans qu'un dépassement précis du capitalisme soit nettement envisagé. Il se tient d'autre part à distance respectable de la violence, et voit la révolution future davantage comme une somme de réformes successives.
Réalisme oblige, il ne préconise pas la sortie de l'UE (ni « du monde », sic !), mais recommande plutôt sa transformation, tout comme pour le FMI, l'OMC ou la Banque mondiale afin de ne plus imposer un développement à l'occidental. Enfin, situant le PCF hors des candidatures antisystèmes, il se révèle fort critique à l'égard de LO et de la LCR, de leur « isolement sectaire » (p.41), non sans simplifications occasionnelles (sur leur analyse du PS, par exemple, voir p.108), et refuse par conséquent toute idée de « conglomérat gauchiste » (p.39). Son souci de tenir davantage compte des libertés est désormais un élément largement accepté à la gauche du PCF, mais on reste à la sortie de son livre sur l'impression que le PCF qu'il appelle de ses vœux devrait reprendre le rôle tenu autrefois par la SFIO (avec des sensibilités diverses rassemblées comme courants), à côté d'un PS devenu nouveau parti radical, d'autant qu'il n'exclut pas du tout l'abandon du terme communisme…