« C'est parti ! », Documentaire réalisé par Camille De Casabianca. Film documentaire de 1h35, une coproduction Archipel 33, TV Tours avec la participation du CNC et le soutien de Centre-Images-Région Centre, de la Procirep – Société des Producteurs et de l'Angoa/Agicoa. Sortie le 10 février 2010.

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Mots-clés

Organisations, Trotskysme

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Drôle de sentiment après la vision de ce film, dont les critiques cinématographiques sont très souvent élogieuses. Disons tout de suite, c'est un documentaire et même peut-être au-delà un objet cinématographique esthétiquement abouti et agréable à regarder. Sans commentaire, sans voix off, il permet de saisir ce moment que certains militants considèrent comme « historique » : la dissolution de la Ligue Communiste Révolutionnaire et la création du Nouveau Parti Anticapitaliste. Le documentaire se déroule dans différents lieux qui sont explicitement mentionnés Avignon, l'université d'été à Port-Leucate, les bureaux de Montreuil. Seul un œil averti pourra distinguer les locaux de la librairie La Brèche ou la salle de Montreuil où se tient le congrès de fondation du NPA. Le film se concentre sur la création du NPA plus que sur la dissolution de la LCR. On ne voit aucune image du dernier congrès de la LCR, et aucune image de son congrès de dissolution. Cette absence de commentaires est problématique pour un documentaire dont la portée et la diffusion se veulent grand public et non pas réservés aux seuls militants. En effet, les discussions lors des réunions n'ont pas toutes les mêmes implications. A aucun moment, il n'est précisé que certaines réunions comme celle du Bureau politique se tiennent à huis-clos, d'autres sont celles de la Direction nationale, d'autres celles des commissions lors du congrès de fondation, d'autres des réunions de cellules chez des militants. Les militants, si ils ont pratiqué un peu la LCR sauront identifier ces lieux et ces personnages, ceux du NPA fraichement arrivés, rien n'est moins sur, quant au spectateur lambda ? Ainsi on s'aperçoit que jamais le documentaire n'aborde la minorité de la LCR, aucune image même furtive (excepté un plan d'Alain Faradji et de Michèle Ernis) et surtout aucun de leurs commentaires ou de leurs questions polémiques. De même, l'opposition lors du congrès de fondation du NPA est représentée uniquement par l'association l'Appel et la pioche, rien sur les autres voix critiques et dissonantes. Il est vrai que cela aurait foncièrement complexifié le propos et peut-être alourdi le documentaire. Celui-ci se distingue par une certaine empathie de son auteur avec son sujet, même si l'ironie est heureusement présente. Chose remarquable, le documentaire est souvent drôle, car ses personnages le sont et certaines situations cocasses. D'autre part, si la transmission entre les différentes générations est très bien illustrée, on s'aperçoit que cette transmission est principalement orale. Le travail sur les textes n'est jamais abordé, on voit peu de débat politique, mais peut-être que celui-ci – strictement politique et non pas le débat stratégique ou tactique » est « absent » ou peu présent au sein de l'organisation. Evidemment, nombre de journalistes ont remarqué le débat entre Anne Leclerc et Abdel Zahiri1 concernant la place de la religion dans le Nouveau Parti Anticapitaliste, mais cela constitue une des rares scènes de discussions politiques. Si le sujet est d'actualité on s'accordera sur le fait que cette thématique n'est pas une thématique majeure d'un parti qui se veut anticapitaliste. La politique est principalement présente dans un discours très touchant d'Yvan Zimmerman et dans ceux d'Olivier Besancenot. Le documentaire montre bien la place prépondérante « qu'Olivier » tient à la fois dans le parti et dans ses rapports avec les médias. Ce flou sur les lignes politiques est propre à une ancienne LCR (il suffit de lire les noms du générique de fin, presque tous de l'ancienne majorité de la LCR) qui est loin de disparaître, mais qui voudrait se fondre dans un NPA aux contours programmatiques mouvants et qui se veut ouvert notamment aux jeunes et à un non-défini « mouvement social ». Enfin, les historiens de la LCR et des mouvements révolutionnaires auront le cœur serré à la vision des premières scènes, celles où l'on jette les archives par la fenêtre. De l'expérience du passé le NPA peut-il ou veut-il faire table rase ? Nous espérons sincèrement que le sérieux des militants de la LCR, qui compte nombre de professeurs d'histoire-géo ou d'historiens à l'image d'Alain Krivine, Pierre-François Grond ou Ingrid Hayes, aura permis une sauvegarde et un archivage de ces nombreux documents concernant les 40 années d'existence de la LCR sinon dans les archives départementales ou nationales au moins auprès de l'association : Radar. Rassembler, Diffuser les Archives des Révolutionnaires2 : et que cette scène n'était qu'une image cinématographique ?

Notes

1 Abdel Zahiri, militant associatif d'Avignon, est membre de la Commission nationale « quartiers populaires » du NPA. Il avait déjà été remarqué par quelques médias lors de la dernière université d'été de la LCR en août 2009, avant d'apparaître de manière plus marquée en février 2010 lors des remous dans l'espace public et également au sein du NPA à propos de la candidate aux régionales portant un voile, Illham Moussaïd. Retour au texte

2 http://asmsfqi.org Retour au texte

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Référence électronique

Yannick Beaulieu, « « C'est parti ! », Documentaire réalisé par Camille De Casabianca. Film documentaire de 1h35, une coproduction Archipel 33, TV Tours avec la participation du CNC et le soutien de Centre-Images-Région Centre, de la Procirep – Société des Producteurs et de l'Angoa/Agicoa. Sortie le 10 février 2010. », Dissidences [En ligne], 3 | 2012, publié le 13 avril 2012 et consulté le 19 avril 2024. URL : http://preo.u-bourgogne.fr/dissidences/index.php?id=224

Auteur

Yannick Beaulieu

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