Benjamin Stora, La dernière génération d'Octobre, Stock, Paris, 2003, 288 p. (Un ordre d'idées).

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Trotskysme

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Nous n'avions pas parlé, au moment de sa parution, de ce témoignage important, œuvre d'un historien réputé, spécialiste de la guerre d'Algérie, qui revenait sur son engagement au sein de l'Organisation communiste internationaliste des années 70 jusqu'au milieu des années 80. Il s'agit pourtant d'un livre dans lequel Benjamin Stora se révèle beaucoup, évoquant son enfance de juif en Algérie et le traumatisme que constitua le départ définitif vers la métropole, pour lui, sa sœur et plus encore pour leurs parents.

Mais le cœur de l'ouvrage réside bien sûr dans le choix de l'investissement politique à la suite des événements de mai 1968. Attiré par le sérieux et la rigueur, sinon l'intangibilité, de l'OCI (avec son refus d'être à la marge lié au souci d'apparaître comme une composante pleine et entière du mouvement ouvrier), Benjamin Stora intègre l'organisation et en gravit peu à peu les échelons : en 1973, il est permanent et responsable du travail lycéen, puis membre du Bureau national de l'AJS (Alliance des jeunes pour le socialisme) ; en 1975, responsable de la région parisienne pour l'AJS ; en 1976, responsable de l'AER (Alliance des étudiants révolutionnaires). Et en 1977, il intègre le Comité central de l'OCI, lieu de rencontre de trois générations militantes, dont il fera partie jusqu'en 1984, au moment de l'exclusion de Stéphane Just, un des dirigeants historiques de l'organisation, qui le marqua profondément. La même année, il était devenu le responsable national du travail étudiant, et de 1978 à 1982, il fut en charge de la région Picardie. Tout en retraçant ce parcours, Benjamin Stora évoque certains des aspects du trotskysme de l'OCI les plus caractéristiques, un rapport ambigu à la violence, l'importance des objectifs chiffrés, le contrôle centralisé de la vie des cellules, etc...

Il retrace également sa prise de distance très progressive vis-à-vis de l'organisation, l'insinuation du doute comme lors de l'affaire Varga, un dirigeant venu d'Europe de l'est, et des violences exercées contre ses partisans ou avec l'exclusion de Charles Berg, alors trésorier de l'OCI, son opposition au vote Mitterrand dès le premier tour des élections présidentielles de 1981, et l'étape essentielle de son abandon du poste de permanent politique à la fin de cette même année, au moment de la transformation de l'OCI en PCI. La naissance de sa fille en 1979 joua aussi un rôle dans cette volonté d'insertion sociale extra-politique, qui passa par l'entrée dans le monde universitaire avec la soutenance de deux thèses, d'histoire et de sociologie. Quant à la rupture proprement dite, elle s'inscrit dans un mouvement d'ensemble qui entraîna toute une part de cette génération des années 70 en direction principalement de l'étape très hétérogène de Convergence(s) socialiste(s) (voir le travail de Guillaume Trèves, Du trotskysme au parti socialiste : rencontres et ruptures dans la jeunesse autour des années quatre-vingt, mémoire, IEP de Paris, 1992). A cet égard, on peut néanmoins contester le titre choisi pour l'ouvrage, dans la mesure où d'une part il est difficile de mesurer dans l'état actuel des travaux l'ampleur réelle de l'investissement générationnel trotskyste de l'après-mai 68, et où d'autre part le mythe d'Octobre semble toujours jouer un rôle notable dans l'idéologie trotskyste, en particulier dans celle du CCI du PT…

Ecrit sans réelle acrimonie et volonté polémique, mais avec un indéniable sens critique dans ce retour sur son passé, le témoignage de Benjamin Stora constitue un élément incontournable pour qui s'intéresse à ce courant du trotskysme, même si l'auteur effectue un grand écart entre l'étude historique (il confirme ainsi que la scission de la LCR en 1979 fut aidée par l'OCI, et estime que la moindre visibilité de l'OCI dans l'opinion publique résultait, dans les années 70 tout au moins, de l'absence de communication de la part de l'organisation elle-même) et l'autobiographie, au bénéfice de cette dernière…

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Jean-Guillaume Lanuque, « Benjamin Stora, La dernière génération d'Octobre, Stock, Paris, 2003, 288 p. (Un ordre d'idées). », Dissidences [Online], 2 | 2011, . URL : http://preo.u-bourgogne.fr/dissidences/index.php?id=204

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Jean-Guillaume Lanuque

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