Philippe Raynaud, L'extrême gauche plurielle. Entre démocratie radicale et révolution, Paris, Autrement/Cevipof, 2006, 200 p.

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Trotskysme

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Philippe RAYNAUD, L'extrême gauche plurielle. Entre démocratie radicale et révolution

Philippe RAYNAUD, L'extrême gauche plurielle. Entre démocratie radicale et révolution

L'auteur, universitaire titré, a vécu le bon score électoral récent de l'extrême gauche (10% aux présidentielles de 2002) comme un cauchemar plutôt que comme une divine surprise ! Rappelons qu'aux municipales de 1977 les listes unitaires LO-LCR-OCT avaient souvent frôlé, voire dépassé, dans les quartiers populaires, ce chiffre de 10%. Nul doute donc que l'approche des élections présidentielles et législatives de 2007 soit pour beaucoup dans la parution de son ouvrage, tout comme le livre de Christophe Bourseiller1, ce qui suscite un certain soupçon d'opportunisme.

« Une illusion toujours vivante qui pèse lourdement sur la politique française », c'est ainsi qu'il parle du courant politique qu'il étudie, avec la volonté de faire un « ouvrage de référence » (4 e de couverture). Disons tout de suite qu'il n'atteint pas son but : le livre ressemble plutôt à un patchwork, juxtaposant dans une première partie un développement – bien rapide – sur l'altermondialisme, un chapitre un peu plus achevé sur le trotskysme, et deux chapitres sur la fracture coloniale et « l'extrême gauche et le Moyen-Orient ». Mais rien n'est dit des libertaires pourtant très présents dans les diverses mobilisations ces dernières années. Quant à la deuxième partie, c'est la reprise, plus développée, d'un article de l'auteur « De l'extrême gauche en philosophie » paru dans la revue Le Débat (n° 105, 1999). Les constants jugements de valeur autant portés sur les personnes que sur les œuvres nous gênent beaucoup. Alain Badiou est qualifié « d'homme du monde aussi courtois que distingué » (p.151), mais ce « talent considérable » est mis « au service d'une politique qu'on est en droit de juger atroce » (p.152). Quant à « l'œuvre théorique » (les guillemets sont de l'auteur) de Daniel Bensaïd, elle est caractérisée par une « inimitable combinaison de dogmatisme, d'éclectisme, de roublardise et de fausse bonhomie » (p. 24). Enfin, mais ce ne sont que des exemples, Edwy Plenel est disqualifié à ses yeux par un article écrit par lui dans Rouge alors qu'il avait 20 ans (p. 90 note 15), alors qu'il eût été beaucoup plus intéressant de commenter cette page de Rouge sur laquelle apparaissent deux articles contradictoires sur le même sujet, le Moyen-Orient.

Les identités des trois principaux groupes trotskystes, particulièrement stables sur la longue période, sont plutôt bien définies, sauf pour LO, mais sans la moindre originalité : la LCR accueillante à toutes les formes de contestation, les militants du PT (ex OCI) plutôt actifs à FO qu'à la CFDT, arc-boutés sur la défense des « acquis », « de la laïcité aux 36.000 communes ». Les insuffisances sur LO proviennent d'une méconnaissance d'un certain nombre de travaux et de réflexions, menées notamment dans notre revue Dissidences que l'auteur ne semble pas connaître. Il aurait trouvé aussi des éléments intéressants dans la contribution faite par Georges Ubbiali au colloque de Dijon sur l'histoire du trotskysme (2002) publiée dans les Cahiers Léon Trotsky n° 79 (décembre 2002). Mais l'auteur ne semble connaître que le livre d'entretiens de Robert Barcia, le principal dirigeant de LO, menés par Christophe Bourseiller. En outre, cette présentation des trois principales organisations est basée, de manière très discutable, sur « (…) un principe heuristique [sic] simple : si la capacité autocritique des mouvements trotskistes est très réduite, le mal qu'ils disent les uns des autres est toujours vrai [re-sic] (…) » ! Les quelques réflexions intéressantes, comme sur les raisons possibles de la longévité des trotskysmes en France (transmission d'une mémoire, incarnation d'un communisme radical et division entre eux qui permet de s'accrocher à des publics divers), s'en trouvent donc fort isolées. Certaines des remarques de l'auteur sont même empreintes de légèreté : est-il pertinent d'attribuer au mouvement des « (…) poussées épuratrices propres aux mouvements sectaires (…) » (p. 57) sans avancer de nuances ? Comment peut-on parler sans préciser plus, en note 26 p.78, « d'islamistes trotskystes » ? Trotsky-Ben Laden même combat ? En outre, les approximations, mélis-mélos et erreurs historiques, sans être nécessairement dominantes, parsèment les pages, dûes sans doute à une bibliographie pour le moins partielle, sinon partiale2.

En fait, cet essai, loin d'être une synthèse globale et approfondie sur l'extrême gauche actuelle, est plutôt une tentative de butinage au fil des envies de son auteur. La conclusion, intitulée d'ailleurs « l'avenir d'une illusion ? », est donc logique : tablant sur l'aspect essentiellement conjoncturel de l'essor de la gauche radicale, il espère que cet aiguillon permettra de revenir à une politique française axée sur la « modération ». Philippe Raynaud ne croit en effet pas vraiment à un virage réformiste de la LCR, encore moins des deux autres organisations trotskystes. Il estime donc cette idéologie nocive pour la démocratie libérale.

Notes

1 Extrêmes gauches : la tentation de la réforme , Paris, Textuel, collection Conversations pour demain, 2006 (voir la recension sur notre site). Retour au texte

2 Citons ainsi un George Orwell adoubé ancien trotskyste, la tactique d'entrisme sui generis de Pablo vue comme concernant seulement l'entrée dans les Partis communistes, ou une division du trotskysme français en trois dès la fin des années 40… Retour au texte

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Référence électronique

Jean-Paul Salles et Jean-Guillaume Lanuque, « Philippe Raynaud, L'extrême gauche plurielle. Entre démocratie radicale et révolution, Paris, Autrement/Cevipof, 2006, 200 p. », Dissidences [En ligne], 2 | 2011, . URL : http://preo.u-bourgogne.fr/dissidences/index.php?id=197

Auteurs

Jean-Paul Salles

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