Remarqué en 2002 pour sa série d’émissions diffusées sur France Culture, Fragments d’un discours révolutionnaire. A l’école des trotskismes français (voir le numéro 12-13 de Dissidences-BLEMR), le trentenaire Jean Birnbaum propose avec ce livre une sorte d’essai qui lui permet de revenir sur un certain nombre de points abordés à travers le cadre radiophonique, dans une perspective de transmission entre générations. Sa première partie est ainsi l’occasion d’évoquer les motivations diverses de l’engagement en trotskysme, de l’antifascisme des années 30 à l’altermondialisation de la décennie 90, en passant par l’anticolonialisme des années 50-60. Dans sa seconde partie, il insiste sur l’idée de continuité, à travers les rencontres de militants marquant, les lectures ou l’obsession des trotskystes pour l’écrit. A chaque fois, Jean Birnbaum évoque des trajectoires individuelles, certaines fort connues (Lambert, Barta, Laguiller, Krivine, Essel, Kaldy, Lefort, Raoul, Broué, Nadeau, Fichaut, Fraenkel, Schwartz, Berg, Rodinson ou Chauvin), d’autres beaucoup moins (Gilbert Devillard, Mohammed Marangaby, Michel de Pierrepont ou Hervé Lagadec pour Lutte ouvrière, Pierre Dardot de l’OCI et Gérard Chaouat de la LCR, par exemple). Cela lui permet également de mettre l’accent sur certains épisodes clés de la « geste trotskyste », comme le travail de fraternisation en direction des soldats allemands et des travailleurs indochinois pendant la seconde guerre mondiale, ou la fameuse grève de 1947 aux usines Renault Billancourt.
Dans sa troisième partie, enfin, il aborde ce qu’il considère être des points noirs du trotskysme : attachement physique au Parti malgré les dérives et les exclusions (à travers l’exemple de l’OCI), une certaine fascination pour la violence (avec de nouveau l’épisode du meeting d’Ordre nouveau et de l’intervention de la Ligue communiste en 1973), la défiance vis-à-vis des intellectuels (en prenant le cas de LO) et le silence par rapport à la judéité et en particulier au judéocide. Bien écrit, Leur jeunesse et la nôtre témoigne d’une réelle empathie et d’une approche compréhensive et ouverte, la réflexion de Jean Birbaum suivant d’ailleurs parfois plus le fil de la plume qu’un plan rigoureux. On y trouve certes quelques erreurs, et des thèmes qui sont déjà familiers des chercheurs, en particulier de l'équipe de Dissidences (le mimétisme entre trotskysme et stalinisme pour l’OCI, la comparaison entre les militants de LO et le monachisme médiéval…). Mais sa lecture agréable, les réflexions plus approfondies qu’il propose parfois et son côté vulgarisateur en font un ouvrage dont la lecture peut être conseillée à un large public.